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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Titre original : "ЦИНКОВЫЕ МАЛЬЧИКИ"
Traduction : Wladimir Belerowitch

"Les Cercueils de Zinc" rassemble une foule de témoignages de soldats, d'anciens soldats, d'infirmières, de médecins, de simples civils qui, à des titres divers, ont participé à la guerre qui opposa l'URSS aux nationalistes afghans entre 1979 et 1989.
Rappelons brièvement les faits :
En 1973, soutenu en coulisses par l'URSS, le beau-frère de Zaher Shah qui régnait en Afghanistan depuis 1933 risque un coup d'état qui va plonger le pays dans un drame qui dure toujours.
Mais, cinq ans après la prise de pouvoir par Daoud, le PDPA (Parti démocratique populaire d'Afghanistan) le renverse à son tour et c'est Muhammad Taraki, d'origine patchoune, qui devient le chef du pays. Ici encore, l'URSS semble avoir joué son rôle puisque, de notoriété publique, Taraki était lui-même pro-soviétique. Une partie du peuple - surtout dans les campagnes - se soulève et entre en résistance.
Après la mort de Taraki, en 1979, Babrak Karmal, lui aussi soutenu par l'URSS, s'empare du pouvoir et c'est alors que les Soviétiques entrent en Afghanistan pour reprendre le contrôle des zones rebelles. Mais ils ont affaire à forte partie : la tradition islamique des campagnes qui considère le communisme comme "anti-religieux." Avec cela, les USA, nombre pays d'Europe et, bien entendu, les pays arabo-musulmans comme le Pakistan ou l'Arabie saoudite, apportent leur soutien aux rebelles, dans un invraisemblable mic-mac qui servira de terreau à l'islamisme.
Et puis, en URSS, la situation évolue, elle aussi. La Perestroïka s'impose, lentement mais sûrement. Les dirigeants, sentant le vent tourner, tournent aussi le dos à cette guerre qui appartient à un âge du communisme qu'ils ne connaissent plus. Et, en février 1989, les troupes soviétiques reçoivent l'ordre de se retirer d'Afghanistan.
En d'autres termes, ainsi que Svetlana Alexievitch l'explique très clairement dans son livre en utilisant les témoignages glanés auprès des militaires qui sont revenus de cet enfer, l'URSS moribonde récupère toute une génération qu'elle a sacrifiée à ses rêves de puissance. Et elle la récupère dans un état physique, moral, spirituel et mental qui peut se comparer sans problème avec celui des jeunes Américains qui, dix-sept ans plus tôt, revinrent du Viêt-nam. (A suivre)
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(Suite)

"Les Cercueils de Zinc" est un livre navrant parce que le lecteur, s'il veut rester impartial, ne peut s'empêcher de ressentir de la pitié pour tous les acteurs sans exception (hormis les dirigeants, bien entendu) de la guerre russo-afghane.
Certes, sont privilégiés ici les témoignages russes mais, à travers ces paroles d'hommes et de femmes, apparaissent aussi les silhouettes afghanes : guerriers morts au combat dans l'espérance d'aller au paradis (!!) mais qui, après tout, défendaient la terre sur laquelle ils étaient nés, mais aussi femmes que leurs propres pères et frères lapident parce que, conformément à la tradition du pays qui interdit à tout Afghan de refuser l'entrée de sa maison à un invité, quel qu'il soit, elles avaient offert à manger aux soldats soviétiques de passage. A manger, c'est tout - et seulement parce que les arrivants étaient entrés de force.
Il y a aussi cette petite Afghane à qui on coupe la main parce qu'elle a accepté un bonbon de la part d'un soldat soviétique ...
Il faut dire que les Talibans feront plus tard pire encore ...
Alexiévitch laisse les voix recueillies dépeindre ces jeunes Soviétiques qui croyaient sincèrement, au début du conflit, apporter le confort et le bien-être à un peuple et qui, très vite, avec une horreur croissante, se trouvent en présence d'un peuple qui ne voit en eux que des envahisseurs et qui se refuse à accepter les terres libérées parce que ces terres "appartiennent à Allah."
Avec les combats, s'installe l'horreur absolue : les mines artisanales posées par l'ennemi, les soldats capturés et qu'on retrouve avec les bras, les jambes et le sexe coupés, les représailles, bien entendu, souvent sur des faibles, la Mort et la souffrance partout et pour tous.
Dans l'armée, les "bleus" doivent en outre subir de violentes brimades. L'Etat soviétique est loin et se désintéresse complètement de ses soldats. C'est miracle si la solde - très faible vu les dangers encourus - est payée. Les uniformes s'usent vite dans les sables de l'Afghanistan et ne sont pas remplacés. Pour les malades et les blessés, les couvertures et les médicaments sont bien là mais les premières sont minces et les seconds datent parfois de plus de vingt ans.
Mais le pire, ce sont les permissions, quand le soldat, l'infirmière, le médecin, "l'Afghan" puisque c'est ainsi que les Russes ont fini par les surnommer, revient chez lui et qu'il s'aperçoit du mépris qui l'entoure. Au mieux, on le traite comme un imbécile qui s'est fait avoir par l'Etat, au pire, il est un assassin, une bête dressée à tuer d'innocentes victimes (les victimes sont toujours des anges ) Pour les femmes, la variante consiste à les traiter de putains. Et même les mutilés à vie, ceux-là n'ont eu, bien sûr, que ce qu'ils méritaient ...
En un choeur parfait et d'une douloureuse beauté, ces centaines de voix dénoncent l'incroyable incurie du pouvoir soviétique qui fournit de la chair à canon sans penser un seul instant que cette chair a une âme, une sensibilité. Son incroyable cruauté aussi et une mère a ce mot devant un fonctionnaire implacable : "Même au temps des tsars, on n'enlevait pas à une veuve son fils unique !" Tous dénoncent aussi l'indifférence de ceux qui n'ont pas eu à se compromettre dans ce conflit. Et tous n'en peuvent plus du regard de l'Autre - celui qui est resté, celui qui n'a pas connu l'Enfer - sur eux.
Patriotes ou assassins ? Mais comment ne pas tuer quand on crève de peur ? Peur de sauter sur une mine, peur de recevoir une fusillade à bout portant, peur de l'ennemi qui est chez lui dans les montagnes ? Comment ne pas tuer puisque, en face, ils tuent ? Raisonnement d'ailleurs valable pour les deux camps en présence ...
Un livre pénible, dérangeant et poignant, dont on comprend que les autorités russes ne l'aient pas du tout apprécié. Et à l'arrière-plan une réflexion sur l'incroyable gâchis que les dirigeants soviétiques et américains, avec l'appui des islamistes, ont contribué à faire de cette région du monde. ;o(
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Ce livre est une retranscription de témoignages principalement des mères de soldats morts en Afghanistan entre 1979 et 1989.
Svetlana Alexievitch (prix Nobel de littérature 2015) est l'écrivaine qui a osé violer en 1990 un des derniers tabous de l'ex-URSS : elle a démoli le mythe de la guerre d'Afghanistan, des guerriers libérateurs et, avant tout, celui du soldat soviétique que la télévision montrait en train de planter des pommiers dans les villages alors qu'en réalité, il lançait des grenades dans les maisons d'argile où les femmes et les enfants étaient venus chercher refuge.
Chaque témoignage contient son lot de misères humaines. Souvent des enfants mal préparés à la guerre, ciblés et manipulés par un système qui ne leur offrait peu de possibilités pour se dérober pour aller en Afghanistan.
L'édition que j'avais était complétée par les minutes du procès opposé à l'auteure. Cette partie ne manque pas d'intérêt puisqu'elle remet le livre dans sa perspective historique.
A la lecture de ce livre on peut difficilement ne pas faire le rapprochement avec les évènements d'Ukraine.
« L'Histoire est un éternel recommencement, et presque toujours pour le pire » cette phrase est attribué à l'historien grec Thucydide
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1990 : les cruels témoignages des atrocités en Afghanistan et de la corruption de l'URSS finissante.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2016/03/29/note-de-lecture-les-cercueils-de-zinc-svetlana-alexievitch/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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