Il s'agit d'une curiosité : une anthologie de textes destinés à être joués devant un public, sur le thème de la Nativité (naissance du Christ) et datant de la fin du XVIe jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, écrits en Pologne.
Les sources bibliques de ces évènements se trouvent surtout dans les évangiles de Mathieu et Luc. le culte de la nativité, de l'enfant-Dieu, s'est mis en place progressivement au moyen-âge. le pape Liberius (ou Libère) fait amener à Rome au quatrième siècle des reliques censées provenir de la crèche, qui seront abritées dans une somptueuse basilique, Sainte-Marie-Majeure. C'est également ce pape qui aurait fixé la date de la naissance du Christ au 25 décembre. Il faut tout de même noter, que dans l'Antiquité et pendant le moyen-âge, la Passion, la semaine pascale, sont bien plus centrales que la Nativité dans la religion chrétienne. Et très logiquement, les représentations théâtrales de la naissance du Christ sont plus récentes que celles qui ont pour sujet la Passion, et vont s'inspirer de ce modèle.
La premières étapes de ces représentations théâtralisées de certains épisodes liés à la naissance du Christ apparaissent dans des églises au XIe siècle, et se développent au XIIe siècle, surtout en Italie et en France, prenant place avant la messe. Il s'agit de quelques scènes simples, accompagnées de chants, évoquant l'adoration des berges, celle des trois mages etc. Telle ou telle scène pouvait être donnée en fonction du calendrier liturgique. Puis apparaissent les Mystères, qui sont des représentations complètes de tous les éléments, écrites dans la langue parlée, et distincts de la messe. Apparus en Italie au XIIIe siècle, ils évoluent et prennent leur essor au XIVe et XVe siècle. le genre ne reste pas figé, et se trouve influencé à partir de la renaissance par un certain nombre de modèles littéraires profanes.
Les premières représentations de la naissance de Jésus ne sont apparues en Pologne qu'au milieu du XVIe siècle. L'influence capitale dans l'apparition du genre et de la tonalité qu'il prend est celle des Jésuites. Une pensée théorique importante a été développée par Antonio Lugduni, qui le premier a appliqué les règles de la poésie bucolique profane à la théâtralisation de la nativité, en utilisant le terme de « pastorales sacrae ». le modèle de la pastorale antique est ici adapté, assimilé, au christianisme. Les églogues de la nativité apparaissent vers le milieu du XVIe siècle en Italie, dans les milieux jésuites, avant de se diffuser en Europe.
Les Jésuites n'ont fait en réalité, qu'adapter au théâtre une approche amalgamant l'antiquité et le christianisme, christianisant l'antiquité, typique d'une partie de la poésie humaniste italienne.
La première représentation d'une oeuvre de ce type a lieu en 1575 dans un collège de Poznań, en latin. La langue latine va être utilisée pour les représentations au sein de collèges, destinées à un public restreint et choisi, alors que la langue vernaculaire, va servir à des représentations s'adressant à l'ensemble des fidèles, qui auront surtout lieu dans les églises. D'autres collèges que ceux des Jésuites vont se mettre au genre, dans une sorte de concurrence.
Les pièces sont la plupart du temps anonymes. Celles jouée dans les collèges sont probablement l'oeuvre des professeurs, peut-être écrites collectivement, peut-être en partie celle des élèves. Les quelques oeuvres signées, le sont surtout par des enseignants, par ailleurs auteurs de second rang de quelques oeuvres de circonstance. Il ne s'agit en tous les cas pas de créations populaires.
Les représentations utilisent le dispositif médiéval du décor simultané, avec le dispositif des mansions, facile à adapter à n'importe quel lieu.
L'anthologie propose un choix de textes parmi ceux qui ont été conservé, à la fois des traductions de textes latins, écrits pour les représentations dans les collèges, et des textes en langue polonaise, destinés à un large public. Il ne s'agit pas de textes remarquables du point de vue littéraire, on peut même dire qu'ils sont plutôt médiocres dans l'ensemble, les textes traduits du latin sont particulièrement alambiqués.
Le mélange antiquité-christianisme est très étonnant : pour parler du Ciel on invoque l'Olympe, le Tartare pour l'Enfer, Cerbère pour le Diable etc. L'antiquité est complètement christianisée. La renaissance a opéré une fusion culturelle entre deux mondes qui semblaient pourtant à l'opposé. En même temps, au fur et à mesure, le tableau dépeint s'éloigne de plus en plus du schéma classique pour s'adapter au contexte local : les bergers ont de plus en plus de noms polonais, les sapins et bouleaux remplacent les palmiers, et les bergers se remontent le moral avec de la vodka. La langue prend des tournures patoisantes.
L'anthologie est complétée par des textes plus tardifs, qui témoignent de la survie et de l'évolution de la thématique, en particulier la transcription d'un spectacle amateur traditionnel, réalisée à la fin du XIXe siècle, qui montre comment une appropriation populaire de cette thématique s'est effectuée.
Très instructif sur ce qu'a pu être ce théâtre, qui au final concernait sans doute plus de spectateurs divers que le théâtre littéraire, le seul à avoir un tant soi peu survécu.