« La fille dans la tour » est le deuxième tome de la trilogie « Une nuit d'hiver ». Nous suivons la suite des aventures de Vassia.
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Comme pour « le rossignol et l'ours », le charme incontestable de cette trilogie vient de son atmosphère médiévale dans une Russie ravagée par des tueries et des pillages orchestrés par des brigands Tatars.
C'est dans ce contexte que débute ce second tome.
Après une première partie qui tire un peu en longueur, l'intrigue se met en place doucement et le récit devient plus intéressant, voire prenant dans le dernier tiers.
Le récit se déplace de Lesnaïa Zemlia, le village natal de Vassia vers les immenses forêts ancestrales, puis vers Moscou et la cour du prince Dimitri Ivanovitch, centre d'intrigues et de dangers.
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A travers le parcours de notre jeune héroïne, l'auteure aborde la condition de la femme dans une société patriarcale très conservatrice et religieuse. Les personnages féminins sont très bien dessinés, chacun revêtant un « costume » permettant à l'auteure de dessiner une image de cette Russie.
Qu'elles soient femmes de la cour ou paysannes, leurs choix se limitent au couvent ou au mariage forcé.
A l'image des femmes de hauts rangs, Olga, la soeur ainée de Vassia, marié à un conseiller du grand prince Dimitri Ivanovitch, vit recluse, loin de l'agitation de la cour, dans une tour avec quelques dames de compagnie et sa fille Maria. Malgré sa vie de captive, elle porte en elle beaucoup de dignité, de courage et de force.
La petite Maria, vive, intelligente et curieuse, rêve de liberté, mais sa vie paraît toute tracée.
Quant aux femmes de plus basse condition, leur sort est peu enviable. Elles aussi sont soumises au carcan d'une société qui soumet les femmes aux décisions de leur père, puis de leur mari. Et que dire de ces bandits mongols qui tuent, violent, ou kidnappent les femmes et les enfants.
Dans sa quête de liberté, Vassia va choisir une autre voix. On retrouve le caractère affirmé de cette jeune femme, forte, indépendante, mais aussi un peu naïve, qui veut se libérer de ses entraves.
Sensible au monde de l'invisible et à la magie qui l'entourent, elle trouve un appui dans le magique cheval bai Soloveï, tout aussi impétueux que sa maîtresse. J'ai beaucoup aimé la relation que tisse la jeune fille avec lui !
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Les hommes sont aussi bien représentés, même s'ils passent au second plan.
Moins présent dans ce second tome, le prêtre Konstantin, toujours aussi fanatique et manipulateur, lutte pour que les anciennes croyances religieuses peuplées d'esprits et de créatures fantastiques soient abandonnées au profit du christianisme.
Sacha, le frère de Vassia, ordonné prêtre et conseiller du Grand-Prince Dimitri, désapprouve l'attitude de sa jeune soeur,
mais ressent aussi de la fierté pour ses choix audacieux, en totale contradiction avec la morale de l'époque.
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Dans une langue fluide et ensorcelante, l'auteure fait revivre cette merveilleuse ambiance de contes russes et d'anciennes croyances païennes avec une quantité de personnages surnaturels fascinants.
En particulier Morozko, le roi de l'hiver, pour lequel l'auteure entretient une ambiguïté jusqu'au dernier quart du roman en jouant sur son attirance pour la jeune fille et son statut de Dieu de la mort.
L'auteur épice son récit d'autres démons et créatures légendaires extraits de la mythologie slave, comme la terrible sorcière Baba Yaga, Polounotchnitsa la « Dame de Minuit » un démon féminin qui effraie les enfants la nuit, le domovoï l'esprit protecteur du foyer, le Bannik l'esprit des bains, le Dvorovoï l'esprit de la cour, et bien d'autres.
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Une bonne suite, les talents de conteuse de
Katherine Arden sont indéniables, l'écriture est belle et fluide, mais ce deuxième tome m'a un peu moins charmée que le précédent : l'univers fantastique proposé n'offre plus l'attrait de la nouveauté et se met en place trop tardivement à mon goût.
Cette histoire offre tout de même un très agréable moment de détente : l'atmosphère si particulière, entre folklore, légendes russes, violence et magie, continue à me fasciner toujours autant.
Je lirai bien entendu le dernier tome de cette trilogie.