J'ai acheté ce livre après avoir entendu l'auteur sur France Culture, mais je n'ai pas retrouvé l'émission en podcast. Elle développait deux thèmes contrastés, le Roman de Renart, récits des exploits prédateurs d'animaux de la fable, moquant le système féodal, et l'organisation religieuse, sociale et productive d'une communauté monastique, celle des Cisterciens. La documentation du second thème, celui qui m'intéresse, est superbe : comment une telle communauté, fondée sur une série de ségrégations — ville/désert, homme/femme, religieux/séculier, frères/convers, abbayes/granges, travail spirituel (opus divinum)/production matérielle — a pu s'étendre sur des siècles à travers l'Europe ? Même documentation remarquable sur « Paris 1130-1328 : une capitale soutenable », avec ses besoins en eau, en vivres, en énergie, en pierre, en drap, en cuir, en métal, etc. les citations sont nombreuses, précises, éclairantes, et l'on ne sait ce qu'il faut d'abord admirer, la précision des chroniqueurs contemporains, la conservation des sources sur des siècles, ou leur exploitation par l'auteur.
En revanche, le livre est d'une lecture difficile, car il s'agit à mon sens de l'assemblage artificiel, sous un titre abscons, de plusieurs monographies. La cohérence entre les thèmes — commentaires d'un roman ironique, histoire d'un ordre religieux, dynamique d'une croissance urbaine, usage de ressources largement renouvelables à l'époque —, cette cohérence était traitée de façon embarrassée à l'oral, et plus encore à l'écrit. La préface commence par une assertion décisive : « La conscience grandit que, derrière les dévastations écologiques qui font désormais, enfin, la une de certains médias, c'est notre vision du monde qui est en crise ». Suit une page de Dickens (?). Puis vient une Introduction dont la première phrase est nébuleuse : « Un monde sans ressource ? Interroger une absence ne va pas de soi pour un historien ». Vient encore une Ouverture, puis un chapitre intitulé « Ressources : histoires d'un mot et d'une notion », où la première phrase énonce carrément : « L'anachronisme est le terrain de travail de l'historien ». L'accouchement d'une conclusion n'est pas moins difficile. La première paraît à la page 176, au milieu du livre, sous le titre : « Pour conclure : paysage avec goupil et moines blancs ». La dernière p 319, intitulée « Conclusion : Que dure le durable ? », commence bravement par : « On attend d'une conclusion les rappels des acquis de l'enquête et la mise en évidence de ces possibles prolongements, mais les chapitres qui précèdent ont porté sur des sources disparates et suivi des cheminements divergents : comment faire converger les points de vue ? Essayons ».
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« L’histoire n’est pas science du passé mais examen du présent à travers les traces qu’il présente encore des cheminements qui l’ont fait advenir. » Telle est la conviction formulée par Mathieu Arnoux dans un essai fort et original, quoique parfois touffu, qui entend faire résonner nos préoccupations actuelles face à l’épuisement des ressources naturelles et à la vision qu’avait la société médiévale des usages de la nature.
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Le temps des laboureurs, Mathieu Arnoux