Peio est tombé amoureux comme on entre subitement en religion. À un âge tendre où chaque sentiment a un goût d'éternité, il a eu cette révélation, brève mais absolue.
Il l'aime, Elle.
Une majuscule pour combler un peu plus son absence. Une majuscule pour célébrer son omniprésence.
Elle est dans la consience de Peio pendant qu'il fait la fête, pendant qu'il renverse des filles, pendant qu'il est aux côtés de sa grand-mère, pendant qu'il essaie d'apprendre la langue basque, pendant ses séances de psychanalyse.
Elle. Elle. Elle. Elle. Elle. Elle. Elle. Elle. Elle. Elle. Elle. Elle.
Il en est à douze années de dévotion.
Le genre d'obsession qui, vu de l'extérieur, pourrait paraître "too much". Un sujet comme qui dirait sur le fil du rasoir. Pourtant, loin de faire de cette histoire une niaiserie, loin d'user de la lenteur afin d'épaissir la tranche du livre,
Gil Arrocena a fait de Peio un homme désarmant...
L'auteur tient l'histoire debout, oscillant entre poésie, pathétisme, sensibilité et grossièreté, à l'image de Peio, qui ne manque pas de complexité.
Les amateurs de portrait d'autotorturé risquent d'être ravis.
Pour la nouvelle maison d'édition Lamia, publier cet excellent premier roman, est une belle aubaine. Il a largement sa place dans des bibliothèques au nord de l'Adour et à l'est du pic d'Orhy*, parce que la quatrième de couverture a pour une fois raison : ici, il n'y a pas de clichés sur le Pays Basque, seulement le regard désabusé d'un grand mélancolique qui respire au Pays Basque.
*au-delà des frontières du Pays Basque