DEUS EX MACHINA
Nous sommes donc le mardi 4 Novembre 2008 (sic !) et Norman Muller, petit employé et américain parfaitement moyen, sans rêve véritable, sans idéal particulier n'est pas, mais alors vraiment pas dans son assiette. Par un étrange coup du sort, ainsi et surtout par des calculs d'une complexité inimaginable et démesurée effectués par le célèbre super-ordinateur Multivac, il a été désigné par la machine comme le futur électeur du futur président des Etats-Unis d'Amérique. L'unique. le seul. Lui : Norman Muller, marié et père d'une petite fille, habitant Bloomingthon, Comté de Monroe, Indiana...
Et cette tâche, imprévue, improbable, même en imaginant que seuls les hommes, âgés de vingt à soixante ans sont désormais sélectionnables va transformer la vie de cet homme en tout point moyen. D'abord parce qu'il reçoit la visite d'un agent secret dépêché expressément pour sa protection (et s'assurer qu'il sera bien là le jour dit). Ensuite parce que, pour l'histoire, cette élection sera désormais l'élection Muller.
En quelques pages bien tournées, à la frontière entre ironie, cynisme, fiction et prospective réaliste, Isaac Asimov s'en prend, dès 1955, à la folie technologique, à l'empirisme mathématique mais destructeur de la démocratie sondagière et de l'abandon de la citoyenneté sous ces fallacieux prétextes scientistes dont l'auteur perçoit ainsi très tôt les incroyables dangers.
Cette nouvelle, bien qu'un peu trop courte, étale tout le talent de ce très grand de la Science-Fiction, et si l'on peut regretter qu'il n'ait pas pris le temps d'approfondir un peu son sujet - aux implications immenses - une grande part de son oeuvre consacrée à l'émergence des robots dans la vie des humains corrigera, et de quelle manière, cette négligence point trop coupable !
Et même si ce n'est sans doute pas le meilleur d'Asimov, celui de Fondation par exemple, ce petit opuscule est vraiment réjouissant et se prête parfaitement au plaisir de se l'offrir ou à celui de l'offrir - d'autant que l'édition, chez "Le passager clandestin" est très soignée - pour le plaisir et... parce qu'en cette année 2017 de tous les dangers démocratiques et aux rebondissements déjà invraisemblables ce bref ouvrage tombe vraiment à pic !
Pour Asimov : A Voté !!!
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Nous sommes à l'aube de l'élection présidentielle américaine de 2008. Depuis déjà une vingtaine d'années, un super-ordinateur hyper-protégé et caché, gère à lui seul le déroulement des élections. A chaque échéance, l'Etat fédéral lui délègue, grâce à son immense capacité de traitement des données, la désignation d'un unique électeur. Il est censé représenter l'électeur moyen parfait, exacte représentation de l'opinion du peuple américain. L'homme doit répondre pendant plusieurs heures aux questions diverses et parfois surprenantes de Multivac, le fameux ordinateur géant qui va traiter ses réponses et qui sur cette base désignera quasi-mathématiquement le nouveau Président.
Cette année, c'est Norman Muller qui a été désigné comme super-électeur...De mystérieux hommes envoyés par l'Etat fédéral, sortes de Men In Black, viennent chez lui avec une ferme cordialité pour l'aider à se préparer au jour J.
Mais si sa femme Sarah est excitée et y voit l'occasion d'apporter célébrité et confort financier au ménage, Norman Muller s'interroge, s'inquiète, écrasé par le poids d'une telle responsabilité...surtout qu'en termes de popularité du super-électeur, les expériences passées ont montré qu'il devait aussi prendre sa part des échecs et du rejet par l'opinion des présidents parfois mauvais ainsi désignés...
Isaac Asimov a écrit cette excellente nouvelle en 1955, et se montre visionnaire sur bien des points : l'avènement de l'informatique qui règle nos vies jusqu'à peut-être un jour nous remplacer quasi-complètement, la généralisation des sondages d'opinion, l'illusion de la démocratie...car ici, si l'ordinateur pourrait au départ être un outil de calcul mathématique, donc impartial et quasi infaillible, il conduit finalement à supprimer l'élection par la masse dont on n'a plus besoin, au profit d'une désignation pure et simple. Un ordinateur et un homme, seuls, font donc le destin du pays le plus puissant de la terre...
Encore un bon moment de lecture dans la remarquable collection dyschroniques proposée par les éditions le passager clandestin, à lire évidemment après ces élections présidentielles américaines 2016 marquées par la faillite des sondages, la manipulation des masses, peut-être des opérations électorales, et les doutes sur la sécurité informatique nationale.
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