"Il n'avait tout de même pas l'idée de faire diner la bonne avec eux?"
Mais oui, mais oui "Madamedu", "Madamedu" tout va très bien, tout va très bien.
Sophie du Vivier, la grande bourgeoise perfectionniste experte dans "l'art du placement", dite "Madamedu" par la jolie Sonia discrète et "bien dans sa peau" et l'impulsif Othman, ses employés de maison très classe, se rappellera de sa réception mondaine où, de petits riens en petits riens,rien ne va se passer comme prévu jusqu'à frôler la catastrophe!
Les invités (d'où le titre) étaient pourtant triés sur le volet: un normalien, un énarque ambassadeur, son épouse à "l'enfance aristocratique",un couple de nouveaux riches glamour,un avocat bavard,son épouse "diaphane", une directrice de programmes de chaine cablée,un académicien,une scientifique de haut niveau et "l'invité d'honneur" un richissime industriel canadien.Par le jeu du hasard, un couple s'est désisté, un deuxième normalien distrait se joint au groupe puis se retire s'apercevant qu'il était invité à l'étage du dessus. 13! Les voilà 13! Impossible n'étant pas français voilà une bonne étrangère à leur table pour calmer les superstitieux!
La plume ironique de
Pierre Assouline va orchestrer ce cruel repas aux conversations, tous azimuts, des plus pétillantes !
Comme pour le cocktail dinatoire d'
Etat Limite où
Pierre Samson "aime soulever le tapis pour voir ce qu'on a glissé dessous", c'est ici Georges Banon "l'invité d'honneur" (le plus humain des convives présents) qui accomplira le même geste en fin de repas, car les défauts des uns et des autres vont apparaitre de ci de là (snobisme,manque de diplomatie,arrivisme,moqueries,humiliations,méchancetés,racisme,perversité,
perfidie,malveillance,vulgarité..) d'où les réactions disparates de cette "comédie des apparences" (entre gêne,malaise,énervement,réparties,lourds silences,jeux de mots pour sauver l'atmosphère plombée,disputes).
Les secrets se révèlent au cours des conversations ou sont surpris au détour d'un regard ou d'une éclipse dans la salle de bains: qui est homosexuel,cocaïnomane,en échec,en désamour,cancéreux...à moins qu'il ne soit pas un bon chrétien bien formaté selon les critères de cette société bien pensante? Elle court, elle court la rumeur!
Je laisse aux lecteurs le plaisir de découvrir ce "dîner de cons" (toutefois imprévu) où bien sûr les rôles parfois s'inversent car
les invités tombent de haut!
Pierre Assouline, dont j'avais adoré l' analyse psychologique implacable de
Double vie (Prix des libraires 2001) et l'extraordinaire humour mordant d'
Etat limite, pond, ici encore, un petit chef d'oeuvre qui conforte sa réputation de grand écrivain aux moult récompenses (
Vies de Job a obtenu le Prix français Méditerranée,
Lutétia: le prix des Maisons de la presse 2005 et
le Portrait: le prix de la langue française 2007).
Bravo et merci pour ce grand moment de détente (aux brillantes formules du style "Un dîner à Paris est en soi une comédie française") et cette belle leçon de vie!