La petite Fanny cependant, était aussi malheureuse que possible. Effrayée de tout, honteuse d'elle-même, et soupirant après la maison qu'elle avait quitté, elle ne pouvait lever les yeux, proférait à peine quelques paroles et était toujours prête à pleurer.
Il se sentit blessé, il ne pouvait supporter d’être rejeté par la femme dont il commandait les sourires ; il se devait de subjuguer un aussi fier ressentiment.
La famille était toute à son avantage. La nature ne lui avait pas refusé une part considérable de beauté, et chaque dimanche les mettait dans leur plus propre aspect et dans leurs meilleurs habits.
La beauté de Mlle Crawford ne déplut pas aux demoiselles Bertram. Elles étaient trop jolies elles-mêmes pour être jalouses des femmes qui l’étaient aussi et elles étaient aussi charmées que leurs frères par ses yeux noirs si vivants, son teint mat et son allure charmante. Si elle avait été grande et bien faite et si elle avait eu les cheveux clairs, il y aurait pu y avoir des jalousies, mais la réalité étant différente, il ne pouvait y avoir de comparaison possible, et elle était une jolie fille, tandis qu’elles étaient les plus belles femmes de la région.
« Vous avez prouvé que vous étiez honnête et désintéressée, montrez aussi que vous savez être reconnaissante et que votre cœur est sensible ; alors vous serez devenue la femme exemplaire et parfaite que j’ai toujours pensé vous voir devenir. » (p. 127 – tome 2)
« Il était cruel d’être heureux alors qu’Edmond était en train de souffrir. Toutefois, un certain bonheur naissait, par force, de la certitude même de sa souffrance. » (p. 51 – tome 2)
« Il faut vraiment que vous commenciez à vous aguerrir et à vous faire à l’idée que vous valez la peine que l’on vous regarde. Vous êtes en train de devenir une jolie jeune femme, essayez d’accepter qu’il en soit ainsi. » (p. 211 – tome 1)
Mais Mlle Frances désobligea toute sa famille en s’éprenant d’un lieutenant de marine, sans éducation, sans fortune et sans avenir. Elle aurait difficilement pu s’arrêter à un choix plus malencontreux. Sir Thomas Bertram avait tout intérêt, autant par principe que par fierté, à souhaiter que tous ceux de sa famille aient une situation respectable et aurait aidé de bon coeur la soeur de Lady Bertram dans ce sens. Mais la profession du mari de celle-ci était si peu intéressante qu’avant qu’il n’ait eu le temps de trouver le moyen de les aider, une mésintelligence profonde intervint entre les deux soeurs. C’était ce qui devait naturellement arriver à la suite d’un mariage aussi désastreux. Pour éviter des reproches inutiles, Mme Price n’avait jamais écrit à sa famille à ce sujet, jusqu’à ce qu’elle fût mariée.
Lady Bertram, qui était une femme de caractère froid et indolent, se serait très bien accommodée d’abandonner sa soeur et de ne plus penser à elle.
Mais Mme Norris était moins passive et ne fut satisfaite que lorsqu’elle eut écrit une longue lettre furieuse à Fanny, où elle lui montrait l’indignité de sa conduite et l’injuriait en conséquence. À son tour, Mme Price se froissa et se fâcha. Il y eut un échange de lettres désagréables entre elles, dans lesquelles Sir Thomas ne fut pas épargné, tant et si bien qu’il en résulta une brouille qui dura un temps considérable.
Six ans plus tard, Mlle Ward se crut obligée de s’éprendre du Rév. A. Norris, un ami de son beau-frère, qui n’avait pratiquement aucune fortune et Mlle Frances fit encore pire.
"Edmond ne montra nulle réticence et se laissa convaincre de parler à Fanny ; il désirait connaître ses sentiments. Chaque fois qu'elle s'était trouvée dans l'embarras, elle avait eu coutume de le consulter, et il l'aimait trop pour supporter de ne pas être maintenant dans sa confidence ; il espérait lui être de quelque secours et pensait qu'il était de son devoir de l'être, car à qui d'autre pouvait-elle ouvrir son coeur ? (...) Que Fanny demeurât comme étrangère, silencieuse et réservée, était un état de chose inhabituel ; il lui faudrait percer cette réserve."