Marcel Aymé (1902-1967) est un écrivain, dramaturge, nouvelliste, scénariste et essayiste français. Écrivain prolifique, il a laissé deux essais, dix-sept romans, plusieurs dizaines de nouvelles, une dizaine de pièces de théâtre, plus de cent soixante articles et des contes. Il a également écrit de nombreux scénarios et traduit des auteurs américains importants :
Arthur Miller (
Les Sorcières de Salem),
Tennessee Williams (
La Nuit de l'iguane). Son roman
La Vouivre est paru en 1943.
Pour écrire ce roman
Marcel Aymé s'est inspiré d'une légende franc-comtoise, sa région natale, et il a fait de
la Vouivre (plutôt dragon dans les légendes) une belle jeune fille immortelle qui court les campagnes et les bords de rivières, un diadème de rubis d'une valeur inestimable dans les cheveux, escortée et gardée par une meute de serpents.
Dans un petit village campagnard du Jura, deux familles voisinent se détestent depuis plusieurs générations, les Muselier et les Mindeur. Arsène Muselier, le héros du roman vit dans la ferme avec son frère aîné Victor, leur mère, Urbain le vieux garçon de ferme et Belette une jeune servante. Dans la famille Mindeur, outre la charmante Juliette on retiendra surtout le personnage de Germaine sa soeur, « réputée la plus grande putain du canton », surnommée « la dévorante » ! Bien entendu il y a l'instituteur assez effacé, le curé qui croyait « que de bonnes terres au soleil et une bécane nickelée à changement de vitesses auraient fait plus pour la cause de Dieu que le sermon le plus touchant et le mieux envolé », et le maire, un radical qui « se jurait de lutter contre Dieu pour la République laïque et démocratique ». Sans oublier le fossoyeur, un poivrot notoire, perdu dans ses rêves.
L'arrivée de
la Vouivre va déclencher les passions dans le village. La belle semble s'être pris de tendresse pour Arsène qui lui cédera mais l'Arsène est un pragmatique qui construit son avenir : il n'insiste pas trop avec
la Vouivre conscient de sa nature surnaturelle, il a des relations tendres et hygiéniques avec Belette, il n'est pas insensible aux charmes de Juliette mais c'est une Mindeur, alors il envisage d'épouser Rose, une fille laide qu'il n'aime pas, mais riche. le reste du village ne voit dans
La Vouivre que son diadème, un trésor convoité mais inaccessible qui fera une première victime, mort à laquelle Arsène n'est pas moralement étranger, ce qui va lui peser.
De son côté le curé tentera de récupérer le désordre induit par
la Vouivre pour relancer son commerce religieux en perte de vitesse, tandis que le maire confronté au trouble public, sera à deux doigts de se confesser ce qui encouragerait le cléricalisme. le roman s'achève sur un geste aussi beau que dramatique de la part d'Arsène, comme un rachat final.
Un texte délectable et jubilatoire. le lecteur se régale de ces portraits croustillants, des liens unissant les uns et les autres secrètement ou pas, des querelles de clocher dans des décors paysans comme nous les fantasmons souvent.
Marcel Aymé mêle à sa prose, le parler paysan local, la truculence du propos quand le sexe n'est pas loin mais la tendresse aussi sous la rudesse apparente, sans négliger la satire politique. Mais le maître mot de ce roman est peut-être tout simplement l'Amour… ?