En novembre 1944, la compagnie militaire du sergent Frank Rock se trouve engagée dans la bataille de la forêt de Hürtgen (la plus longue bataille jamais disputée par l'armée américaine dans son histoire). Bulldozer, Ice Cream, Little Sure Shot et Woldman se débattent dans cette pétaudière sous les ordres de leur valeureux chef. Lors d'un affrontement (un vrai carnage sans merci), ils capturent 4 officiers allemands qu'ils font prisonniers. Après une nuit passée à la belle étoile, 3 des prisonniers sont retrouvés morts abattus froidement et le quatrième a disparu. Rock doit absolument savoir ce qui s'est passé et si l'un de ses hommes s'est rendu coupable d'un meurtre de sang froid en temps de guerre. Ce tome suit donc les pérégrinations de ces hommes de tuerie sanglante en boucherie absurde, en quête de la vérité.
Sgt. Rock est l'un des piliers de l'univers DC. Il a été créé en 1959 par
Robert Kanigher (scénario) et
Joe Kubert (dessins). Il a longtemps eu droit à son propre mensuel dans lequel il affrontait, mois après mois, les soldats de l'ennemi en pleine seconde guerre mondiale. C'est donc avec une curiosité teintée de nostalgie que le lecteur assiste en 2003 au retour du personnage avec des illustrations réalisées par le légendaire
Joe Kubert (le père d'Andy et d'
Adam Kubert). En outre le scénario est écrit par un spécialiste des histoires bien noires :
Brian Azzarello, l'auteur de Filthy Rich, Joker et 100 Bullets.
Mais le résultat est loin d'être à la hauteur des espérances.
Azzarello s'enferre dans des dialogues creux sur le fait de tuer en temps de guerre. La question de savoir qui a tué ces officiers allemands apparaît totalement artificielle et dépourvue d'intérêt. À aucun moment, le lecteur ne croit à la culpabilité d'un membre de la compagnie Easy. Et quand la vérité se révèle, le motif du coupable est tellement grotesque qu'il est impossible à avaler, même par le lecteur le mieux disposé.
Azzarello s'avère incapable de donner la moindre épaisseur aux personnages principaux, ni aux autres d'ailleurs. Ses réflexions sur la relativité des valeurs morales en temps de guerre n'est même pas du niveau d'un collégien. Et la seule femme qui apparaît dans cet univers très viril de militaire est une potiche réduite au rôle basique de victime.
Il ne reste donc plus qu'à apprécier les illustrations de
Joe Kubert. Il est vrai qu'il n'a rien perdu de son coup de crayon. Avec quelques simples traits, il sait évoquer tout le barda d'un militaire, ou faire naître n'importe quel armement. Sa façon de croquer les gueules des uns et des autres fait ressortir les marques du combat, la fatigue des épreuves et la détermination farouche de chacun. Sa maîtrise du langage corporel étonne du début à la fin : toute la fatigue et l'usure d'un soldat transparaît au travers de sa simple démarche ; c'est une vraie leçon d'expressivité. Et la façon dont la boue colle aux bottes fatigue le lecteur rien qu'à l'idée d'avoir à lutter contre la succion du terrain. Il y a quand même un point noir : la mise en scène, et plus particulièrement la distribution dans le décor. Alors que le texte d'
Azzarello insiste à plusieurs reprises sur l'impénétrabilité de la forêt de Hürtgen, les soldats se déplacent toujours dans de larges clairières et dans chemins spacieux.
Il faut bien reconnaître qu'au final cette histoire est une déception : une grosse déception pour ce qui est du scénario et une petite déception pour ce qui est des dessins.