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L'événement qui lance l'intrigue est le suicide de Rufus. Il n'était pas parfait. Mais ce personnage est recouvert d'une sorte d'aura christique tout le long du roman.

Il s'est suicidé parce qu'il ne supportait plus sa vie. Il était Noir et homosexuel. Baldwin avait fait carrière de pasteur. Celui de la messe de Rufus rend ainsi hommage au Christ de cette histoire : « Il faut vous rappeler, dit-il, qu'il essayait. Y en a pas beaucoup qui essaient et tous ceux qui essaient doivent souffrir ». Rufus a essayé de vivre sa différence, son homosexualité et la couleur de sa peau dans l'Amérique de cette époque. Il n'y est pas parvenu.

Ida est la soeur de Rufus. Elle est en couple avec Vivaldo. Ida souffre de la mort de son frère autant qu'on puisse en souffrir. Elle en veut à ce monde de l'avoir poussé à bout.
Vivaldo est Blanc. Ida l'aime, mais le fait qu'ils n'aient pas la même couleur de peau est une difficulté. Les Blancs que fréquentent Vivaldo la considèrent mal, car elle est Noire.

Vivaldo est un personnage très nuancé. Il lutte contre ces préjugés et aime Ida de tout son coeur. C'est un écrivain qui cherche à se faire publier. Dans sa verve, il défend la liberté et déplore les préjugés racistes de son époque. Mais Ida lui explique que ce n'est pas suffisant. Les mots ne suffisent pas lorsque les Noirs continuent d'être dénigrés du fait de la couleur de leur peau : « Merde ! Ils vous enferment là-dedans parce que vous êtes noires, ces dégueulasses, ces salauds de Blancs, tout en allant crier sur les toits toutes leurs conneries sur la terre de liberté et la patrie des braves ».

Ce roman nie la possibilité de toute universalité. Les Blancs, s'ils peuvent défendre les droits des Noirs, ne pourront jamais les comprendre. Même Vivaldo, le personnage le plus impliqué sur cette question, ne parvient pas à convaincre Ida : « Vous ne saviez rien de Rufus…
Vivaldo : « Parce que nous sommes Blancs. »
Ida : « Non. Parce qu'il était Noir. »

Si l'on pousse les conséquences de ces thèses, il n'y aurait aucune compréhension possible entre les communautés. Chacune devrait agir pour défendre ses droits. La position d'Ida est justifiée par la difficulté de sa vie, la manière dont ce monde la traite et le suicide de son frère. Mais étendre cette position revient à interdire la communication et à fermer les communautés sur elles-mêmes.

L'Amérique de cette époque est totalement contradictoire, même chez ses citoyens libéraux. Vivaldo est de ceux-là qui « crient sur les toits ses conneries sur la liberté », mais il fréquente Richard. Richard est un écrivain publié à succès. Pour lui, la relation entre Vivaldo et Ida ne peut être que l'assouvissement d'un plaisir sexuel de Vivaldo. Il serait impossible qu'un Blanc aime une Noire.

Richard est l'Américain qui a réussi. Sa femme, aussi Blanche que lui, reste avec lui pour leurs enfants. Richard les bat. Lorsqu'il apprendra que sa femme l'a trompé, il la frappera aussi. Ce couple d'américains respectables est brisé.

L'amour entre Vivaldo et Ida, lui, restera intact. Ils sont tous les deux prêts à sacrifier leur couleur et à maudire leur chair pour pouvoir vivre leur amour. Ils veulent que leurs enfants en soient un mélange.

L'autre thème majeur, cher à Baldwin, est celui de l'homosexualité. le personnage d'Eric est introduit lors de son passage en France. Il vit une relation idyllique avec Yves. Il y a des pages merveilleuses sur la relation qui unit Eric et Yves. Mais Yves se questionne : que vont penser les gens s'ils savent que j'aime un homme ?

Cette relation sera interrompue par les velléités de retour d'Eric en Amérique, qui lui aussi a connu Rufus. Eric revient et trouve le succès en tant que comédien. Il noue des liens très forts avec Vivaldo.

Vers la fin du roman, Vivaldo fait un rêve. Il voit le suicide de Rufus, il voit l'enfer. Puis il se réveille. Il est avec Eric. Tous deux ont une relation sexuelle, la première expérience homosexuelle de Vivaldo. Ils vivent tous deux un plaisir et une découverte magnifiés par la plume de Baldwin. Eric aime Vivaldo et Vivaldo aime Eric. Mais Vivaldo rechigne à prolonger la relation : il ne se sent pas homosexuel. Eric lui rétorque : « Mais n'avons-nous pas le droit d'espérer davantage ? Afin de pouvoir accomplir ce que nous sommes vraiment ? ». Vivaldo répond par la négative.

Vivaldo est parfaitement conscient de la difficulté d'être homosexuel, qu'il décrit comme un combat : « ce n'est pas mon combat, ce n'est pas ma vie et je le sais ». Il aime Eric, mais d'un amour qui n'a pas d'adjectif, et donc d'un amour qui ne peut pas être homosexuel. C'est un amour au-delà.

Vivaldo est promis à Ida.

Heureusement pour Eric, son autre amour arrive. Il accueille Yves à l'aéroport de New-York.

Finalement, que reste-t-il ? L'esquisse d'un amour pur entre Vivaldo et Eric, la promesse de beaux enfants entre Ida et Vivaldo, et l'apaisement d'un amour serin entre Eric et Yves.

Quel est le dénominateur commun de ces heureuses perspectives ? Rufus. Tous l'ont connu, l'ont admiré et l'ont regretté. Ces événements ne seraient peut-être pas arrivés s'il avait vécu. Il s'est sacrifié pour offrir l'amour aux autres.
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C'est à n'en pas douter un bon livre, très bien écrit, très pensé, très fouillé. Mais j'ai décidément un peu de mal avec la littérature américaine quand elle décrit la vie des personnages, tout au long de leur recherche d'identité, que ce soit en lien avec leur couleur de peau, avec leur identié sexuelle, ou ici avec les deux.
Le livre commence par un drame, le suicide de Rufus, qui n'en pouvait plus de ce monde de blancs, humilié, abandonné, écrasé par la grande ville. Ensuite arrivent les autres personnages, sa soeur Ida, son ami Vivaldo, Cass et Richard, un couple de blancs, et enfin Eric et son amoureux Yves. Tout ce petit monde interfère, se recontre, se dispute, s'aime ou se déchire, mais aucun ne semble heureux, même par moments.
C'est assez déprimant en fin de compte. Je répète que la qualité du livre n'est pas en cause, Baldwin est un écrivain de talent, mais que c'est le thème qui me pose problème.
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UN AUTRE PAYS de JAMES BALDWIN
Rufus Scott est noir, musicien, en quête d'un autre pays car Manhattan, New York, les États Unis, c'est un pays pour les blancs, fait pour les blancs et il n'y trouve pas sa place. Alors le grand saut dans l' Hudson, dans ses eaux noires comme sa peau est sa solution. Pourtant il vivait entouré, de sa maîtresse, blanche, qu'il frappait tous les jours, pourtant ses amis les plus proches et les plus fidèles étaient blancs, le soutenaient, pourtant sa soeur l'aimait… Alors cette histoire de Rufus et ses amis, Baldwin va l'éclairer avec les témoignages des uns et des autres dans ce microcosme d'artistes plus ou moins branchés, les plus enclins à comprendre sa négritude et ses tourments.
Chef d'oeuvre terrible qui se situe dans les années 60, qui n'a pris aucune ride tant les situations semblent prendre un malin plaisir à se reproduire au fil du temps. Il y a j'imagine, beaucoup de Baldwin lui même dans ce livre, Rufus étant également » Gay »
A lire absolument, un des plus beaux livres sur la négritude dans un style éblouissant, un très grand Baldwin.
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J'aime beaucoup la plume de James Baldwin, ainsi que sa capacité à rendre vivants des personnages complexes et riches. Ce roman m'a semblé moins percutant que ses deux premiers, peut-être parce qu'il est plus long, mais il y aborde malgré tout avec force des thèmes qui lui étaient chers : l'amour, l'amitié, la France et les États-Unis, et les relations raciales aux USA. C'est là-dessus que ce roman se distingue des deux précédents : là où le premier mettait en scène quasi-exclusivement des personnages noirs et où le deuxième n'offrait que des personnages blancs, celui-ci propose la rencontre des deux mondes et le regard de chacun sur l'autre, à travers notamment du couple mixte formé par Vivaldo et Ida.

Cela n'a pas toujours été une lecture aisée, en raison de quelques faiblesses dans le rythme du roman, mais ce fut toutefois une expérience intéressante et enrichissante, en plus d'être un plaisir littéraire.
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Cette histoire de quelques amis à New-york dans les années soixante est passionnante! Les personnages sont enivrants, on dirait même que ce sont autant d'autobiographies tellement l'auteur nous donne l'impression d'avoir vécu les scènes et surtout les sentiments profonds et désordonnés de ses personnages ce qui leurs donne une densité incroyable. Tellement humains.
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Un livre magnifique sur l'identité et la difficulté de l'assumer et de la vivre pleinement, pour ceux notamment qui diffèrent de tous les autres.
En évoquant ici de la réalité qui peut être vécue lorsqu'on est noir, lorsqu'on est homosexuel, James Baldwin évoque sans détour l'universalisme de ces questions tant les frontières de l'identité peuvent être incertaines et fragiles. Cette relativité de la différence place ainsi d'emblée chaque individu dans une humanité universelle.
La démonstration est toute entière portée par les personnages qui tissent le récit, Rufus, Vivaldo, Richard, Éric, Yves, Leona, Cass, Ida. La construction même du récit souligne encore le trait : Rufus à lui seul ouvre le livre avec un premier chapitre qui lui est entièrement dédié. 125 pages pour dire la souffrance d'être noir lorsque le regard des autres ne vous renvoie que cette image. Rufus, virtuose de la batterie, son père ne disait-il pas « Un nègre, vit toute son existence, il vit et il meurt en suivant un rythme… » ne réussit pas à se convaincre qu'il est un artiste de talent, qu'il est un homme capable d'aimer et d'être aimé. Ces certitudes le conduisent à décrocher du réel, à se précipiter vers sa perte dans une spirale hors de contrôle. Les 125 premières pages décrivent cette descente aux enfers mais Baldwin plus encore, donne à son écriture la profondeur, la précision nécessaires à la compréhension de ce qui se passe dans la tête de Rufus. La poursuite du roman, entièrement placée sous la lumière de ce prologue, prend bien sûr un sens tout particulier.
Les liens vont donc se faire et se défaire entre les personnages.La fragilité de ces liens, les incertitudes qui les accompagnent constituent la matière même de la narration. Ce fil rouge permet à Baldwin de faire la démonstration qu'une identité est toujours multiple, qu'il est vain d'avoir des certitudes sur qui l'on est vraiment. Ainsi, le couple Cass-Richard vacille-t-il, ainsi Vivaldo a-t-il du mal à aimer Ida, comme Rufus n'a pas su aimer Leona, Eric lui aussi porte ses contradictions, dans son amour à Yves, dans les liens qui l'ont uni à Rufus, dans son rapport à Cass et à Vivaldo. le personnage de Vivaldo, incarne pour l'auteur l'universalité de cette question sur l'identité, dans le chapitre qui met en scène Rufus, ce dernier lui demande : « As-tu jamais souhaité être un homosexuel ? » Vivaldo répond par la négative. Cette frontière floue entre ce que l'on est et ce que l'on croit être, Baldwin la fait voler en éclat à la fin du récit, à travers cette nuit d'amour et de complicité partagée entre Eric et Vivaldo. Ida et Cass les deux personnages féminins ne sont pas de reste dans ces scénarios du flou.
Ce roman fort puise aussi sa force dans la description de la ville où se passe le récit. Les rues, les paysages les quartiers, du New York des années cinquante sont bien présents. Dans une ville qui écrase : « le poids de cette cité était meurtrier », une ville qui ménage aussi des îlots
différents comme le Village, avec ses ouvriers et artisans, Harlem, les rues de l'East Side, une ville qui sait être belle dans les reflets de l'Hudson ou de l'East River aperçus du haut des fenêtres de ceux qui y vivent.
Un livre incontournable, un chef d'oeuvre.
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Qu'ajouter de plus que ce qui a déjà été dit ?

Nous sommes dans les années 1960 à New-York.
Baldwin excelle à pénétrer le coeur des incontournables schémas mentaux qui, quoi qu'on en ait, créent un gouffre béant dans les relations humaines, notamment, thème cher à l'auteur, dans les relations amoureuses.
Différence de couleur de peau, sans doute la plus douloureuse, en tous cas la plus visible, au point de rendre quasiment impossible la réconciliation même au coeur du coup de foudre amoureux ; mais aussi les autres différences, celles d'appartenance sexuelle, de milieu social, d'hétéro et d'homosexualité ; autant d'obstacles qui entravent l'aspiration au bonheur. Car pour être heureux, il faut être pacifié, et être pacifié dans ce jeu de miroir complexe, c'est impossible.
Et si la définition de l'humain était dans sa déchirure-même ?
Magnifique réflexion sur la question raciale et sexuelle à travers les angoisses et les revirements des personnages.

Le roman se termine sur une note d'espoir, ce que j'ai bien apprécié, après tant de tourments. Mais... si on y regarde de plus près, on se rend compte que... on se rend compte... et là je ne peux continuer, au risque de spoiler...

On se rend compte que le problème de la question raciale n'est pas résolue....

Le sera-t-il jamais ?
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Rufus est un jeune Noir qui vit à New York dans les années 50. Malgré un début prometteur de carrière musicale, il est écrasé par le poids du racisme et il ne voit pas d'issue à sa souffrance. Sa perte agira comme une catharsis sur son entourage.

Les relations interraciales et les relations de couple (sexuelles et amoureuses) sont au coeur de ce roman qui se concentre sur les personnages plutôt que sur l'action. Il y a d'abord Ida, la soeur de Rufus, puis le petit cercle d'amis de Rufus composé de Blancs : Vivaldo l'ami le plus proche, Richard et Cass un couple d'intellectuels et Eric un comédien exilé en France pendant un temps.

Les thèmes abordés sont riches et tabous à l'époque de la première publication du roman. La bisexualité y est notamment traitée de façon très explicite. Malgré quelques petites lueurs d'espoir, le ton est pessimiste. le mal-être des personnages est omniprésent et il fait souvent ressortir leur côté sombre (rancoeur, jalousie, insatisfaction, etc.). Quelques envolées lyriques sont entrecoupées de nombreux dialogues qui ancrent le récit dans le réel. Mon intérêt a crû au fur et à mesure de la lecture des 575 pages, porté par les chassés-croisés, mais j'ai eu du mal à m'attacher véritablement aux personnages, ce que je regrette.
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C'est un livre assez noir où la ville de New York est sale et les personnages malheureux. Il a été écrit dans les années 1960 mais reste étonnamment d'actualité. de nombreux sujets sont abordés avec une grande finesse et sans parti pris sur les incompréhensions entre Noirs et Blancs, entre hommes et femmes, sur la place de la femme, la recherche du succès ou l'angoisse de vivre ...
Un très beau livre qui part d'un drame puis s'étire sur de multiples plus petits drames entre couples qui se cherchent. Je me note de poursuivre ma découverte de james Baldwin !
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Après avoir vu le très intéressant "I am not your Negro", documentaire de Raoul Peck sur les écrits de James Baldwin, et dans le contexte du mouvement Black lives matter, j'ai voulu découvrir plus précisément l'oeuvre de Baldwin. Et pour appréhender ses réflexions, je cherchais non une oeuvre philosophique, mais un roman.
Certes, la "question noire" est au coeur du roman. C'est à cause de sa couleur de peau que Rufus est né dans un milieu modeste dans un quartier délabré, qu'il est victime de racisme au quotidien, qu'il souffre de violences policières, de discriminations au travail, de manque de réussite professionnelle, que même dans ses relations amoureuses sa couleur est un obstacle. Mais l'autre thème principal, voire premier, est celui de la sexualité, avec une revendication de liberté sexuelle entre personnes de couleurs différentes et de sexes différents ou non. La sexualité est le moteur de tous les personnages - peut-être un peu trop car la notion de tarif et de profit est toujours présente. Par exemple, là où l'histoire entre Eric et Yves commence de façon qui pourrait être glauque - un homme prêt à payer pour un jeune homme, elle devient une histoire d'amour émouvante et belle. du coup, je n'ai pas compris pourquoi Eric cède si facilement à Cass. de même, la relation entre Ida et Vivaldo repose sur les non-dits et la méconnaissance de l'autre : ils donnent à l'autre leur corps, voire leurs sentiments, en se tourmentant pour savoir ce que l'autre recherche comme gains dans cette relations.
C'est finalement l'aspect "roman historique" que j'ai le plus apprécié, en tout cas la description quasi sociologique d'un univers disparu, Manhattan et Harlem avant la gentrification et le changement sociologique et urbanistique des quartiers.
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