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Une Double Famille est un joli petit roman, très plaisant, très émouvant, qui sonde les mystères de la réussite ou de l'échec de la vie conjugale. Vous vous imaginez bien que qui dit « double » dit deux moments dans le déroulement du récit.

Honoré de Balzac se charge de nous faire naître une petite histoire de séduction entre une petite brodeuse, jeune, pauvre et courageuse et un inconnu, un passant habitué à passer deux fois par jour sous la croisée de la charmante brodeuse et de sa vieille mère.

De fil en aiguille (je ne pouvais pas m'empêcher de la caser celle-là), la brodeuse va peu à peu sentir monter, en son petit coeur de rabouilleuse, un sentiment qu'elle ne connaissait point et que l'on nomme ici-bas, l'amour.

Quelle douleur, quelle tristesse sans nom l'inconnu traîne-t-il après lui ? Les conjectures vont bon train sur l'identité et le statut de ce bel inconnu, qui semble réticent à faire aller les choses plus loin, bien que la jeune femme sente poindre en lui un sentiment analogue au sien.

Mais, les humains étant ce qu'ils sont et l'amour étant ce qu'il est, fatalement, il y eut un premier pas, puis un autre, puis quelques autres encore jusqu'à ce que Caroline puisse s'adonner pleinement à l'amour de Roger.

Balzac sait nous dépeindre, par touches, par nuances successives, l'éveil puis l'épanouissement de cet amour simple entre deux êtres qui ne recherchent rien de mieux qu'un petit bonheur simple, naturel, évident. Les années passent et rien de vient troubler la félicité du couple.

C'est le moment précis que choisit l'auteur pour nous éclairer de son fameux discours rétrospectif, cette deuxième vie, cette deuxième famille et c'est l'occasion pour lui de nous montrer son vrai visage d'auteur parfois cru, parfois atroce, mais toujours d'une incroyable honnêteté littéraire dans son vaste projet de la Comédie Humaine.

Balzac trouve au passage le moyen de sonner une charge de toute beauté contre la religion, dans ce qu'elle a de plus nul et dévastateur, à savoir, l'étroitesse de vue et d'esprit. Il lamine les excès de la dévotion — la dévotion devenue carcan — et contraire à l'idée même de vie que promeut pourtant cette même religion.

Selon lui (et je partage cet avis) la bigoterie n'a rien à voir avec la piété véritable et ne sert qu'à pourrir la vie de ceux qui fréquentent, de gré ou de force (lorsqu'il s'agit d'un membre de sa famille, par exemple), ces bigots-là, esclaves de leur aveuglement et de leur petit jugement.

Ce qui est intéressant aussi dans ce roman c'est le choix des individualités opéré par l'auteur. Tous les personnages sont, à leur façon, honnêtes et désireux d'arriver à une forme de bonheur conjugal. Aucun n'est particulièrement mauvais, ni retors, ni frivole, ni quoi que ce soit que l'on peut généralement accuser de faire capoter une histoire d'amour, et pourtant...

Je vous laisse le plaisir de découvrir la chute de cette odyssée dans les arcanes de la vie de couple sans toutefois vous faire accroire à un quelconque espoir ou une once d'illusion de la part de l'écrivain des moeurs sociales.

Vous avez affaire à du bon Balzac, du très bon même, peut-être pas le meilleur, mais du Balzac mature, désillusionné, du Balzac juste, d'une justesse admirable dans ses descriptions et observations millimétriques du comportement et du caractère humain.

C'est aussi du Balzac qui vous prend un peu aux tripes et qui peut, au coin d'une ou deux pages, vous arracher une petite larme, pudique, sans exagération de pathos, tout simplement parce qu'il nous touche droit au coeur, du moins c'est mon avis, mon ressenti fortement partial, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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C'est toujours un plaisir de retrouver un Balzac, c'est vieux, c'est mûr, c'est incisif, c'est satirique, c'est outrageusement descriptible et c'est aussi cyniquement agréable! Une double famille n'enrobe pas à ces règles. le tout petit roman nous entraine vers une rencontre silencieuse, juste le regard éblouit nos protagonistes. Et Balzac y met du sien, il vénère, avec son écriture, le lieu de la rencontre, la rue Tourniquet-Saint-Jean. Qui c'est, ce jeune homme qui, passe chaque jour sur ladite rue, regardant Caroline avec un air autant cafardeux que son visage parait tout noir?...Un mari affligé, accablé, excédé qui ne sait où demander secours...

On déplore aisément l'affliction d'une épouse mais on s'indigne devant le marasme d'un époux. Dans une double famille, Balzac abandonne la cause des femmes pour celle avec des hommes, hé oui, il nous fait connaitre leurs malheurs parfois insoupçonnés dans un mariage.
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Encore une nouvelle De Balzac qui traite des rapports entre amour, mariage, condition sociale, et…argent (chez lui, les questions d'argent ne sont jamais loin!)
C'est un thème qui traverse bon nombre d'oeuvres, et auquel les questions qu'il pose dans les histoires qu'il raconte, sont diverses, parfois de son temps, parfois en avance sur son temps. En tout cas c'est un sujet qui, à l'évidence, le préoccupe. Faut-il laisser les parents décider pour leurs filles, ou n'est-il pas plus judicieux de laisser les femmes choisir? L'adultère est il bénéfique ou pas pour le mariage? La différence de condition sociale entre époux est elle ou pas un obstacle au mariage? le mariage est il une tromperie dans ses buts et ses moyens? Faut-il privilégier l'amour-passion ou l'amour de raison?
Des réponses parfois contradictoires sont apportées dans ses nombreuses oeuvres, Physiologie du mariage, bien sûr mais aussi dans tant de romans ou de nouvelles, j'en cite quelques-uns, la liste n'est pas exhaustive, La Cousine Bette, Les illusions perdues, le contrat de mariage, Mémoires de deux jeunes mariées, La femme de trente ans, La Maison du Chat qui pelote, La bourse, La vendetta, Albert Savarus, La vieille fille, etc…

Dans la nouvelle Une double famille, Balzac utilise un procédé astucieux qui est de raconter successivement deux histoires qui vont finalement se rejoindre, puis une sorte de long épilogue aboutissant à une chute inattendue et saisissante. Une fois de plus, il nous surprend par son arrangement narratif.

Le premier récit est celui d'une jeune et jolie brodeuse , Caroline, qui va s'éprendre d'un homme un peu plus âgé, qu'elle voit passer devant ses fenêtres. Ce dernier va l'installer dans un magnifique hôtel particulier, vivre heureux avec elle, lui faire deux enfants, mais garder le secret sur ses nombreuses absences qu'il attribue à des déplacements professionnels.
Le second récit est celui d'un juge installé à Paris, Roger de Granville, dont le père, le comte de Granville, résidant à Bayeux, lui demande d'épouser Angélique, une jeune fille qui va hériter d'une grande fortune, et dont la beauté le séduit. Mais celle qu'il va rapidement épouser se révèle, pour son malheur, être une horrible bigote, et une femme froide, sans aucune tendresse.
La suite révélera, bien sûr, que l'amant de Caroline et l'époux d'Angelique ne font qu'un, que Roger décide de quitter Angélique, mais la fin, que je ne vous raconte pas, n'est pas du tout une « happy-end », et les ( presque) dernières phrases de la nouvelle, prononcées par Roger de Granville en donnent la clé : «Le défaut d'union entre deux époux, par quelque cause qu'il soit produit, amène d'effroyables malheurs; nous sommes, tôt ou tard, punis de n'avoir pas obéi aux lois sociales ».

Dans cette nouvelle, Balzac s'élève contre la bigoterie qui s'accompagne de la sécheresse du coeur, du défaut d'affection, et insiste sur l'importance d'y réfléchir à deux fois avant de s'engager dans le mariage.
Néanmoins, il revient, dans la conclusion de la nouvelle, à une idée l'idée qu'il a développé ailleurs, mais pas toujours, qui est que les différences de conditions sociales, les différences culturelles, ne peuvent conduire à des unions réussies.

En conclusion, encore une nouvelle remarquable du grand Balzac, ce créateur d'un monde prodigieux dont je suis loin d'avoir fait le tour, et surtout pour moi, un analyste exceptionnel de la psychologie des humains, de leurs travers et bien souvent de leurs turpitudes.
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Une double famille est un texte particulier par sa structure, deux histoires très distinctes. Il est original aussi car l'un des personnages principaux n'est pas issus de la noblesse ou de la bourgeoisie mais de la classe ouvrière, ce qui est plutôt rare, me semble-t-il, chez Balzac.
Cette nouvelle s'ouvre ainsi sur une description d'un lieu sordide ce qui m'a rappelé certains Zola et Germinie Lacerteux, mais se poursuit sur des notes plus optimistes avec un couple heureux.
La deuxième histoire, plus classique et plus triste, le même homme, malheureux dans son ménage légitime, s'étant marié avec une dévote, ce qui permet à Balzac d'évoquer son anticléricalisme.
Une fin bien triste en tout cas.
https://beq.ebooksgratuits.com/balzac/Balzac_06_Une_double_famille.pdf
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La paix du ménage: "– Monsieur, j'accepte ce diamant avec d'autant moins de scrupule qu'il m'appartient... ... ...
... ... ..; Monsieur de Soulanges le prit dernièrement sur ma toilette et me dit l'avoir perdu.
– Vous êtes dans l'erreur, madame, dit Martial d'un air piqué, je le tiens de madame de Vaudremont.
– Précisément, répliqua-t-elle en souriant. Mon mari m'a emprunté cette bague, la lui a donnée, elle vous en a fait présent, ma bague a voyagé, voilà tout. Cette bague me dira peut-être tout ce que j'ignore, et m'apprendra le secret de toujours plaire. Monsieur, reprit-elle, si elle n'eût pas été à moi, soyez sûr que je ne me serais pas hasardée à la payer si cher, car une jeune femme est, dit-on, en péril près de vous. Mais, tenez, ajouta-t-elle en faisant jouer un ressort caché sous la pierre, les cheveux de monsieur de Soulanges y sont encore."
Le merveilleux personnage dans ce livre est la baque! Elle a connu un voyage circulaire comme courent souvent les scènes d'adultères; Comme elle a été pomme de discorde dans le couple Soulanges comme elle sera aussi le mobile de réconciliation après avoir parcourant de main en main Madame Soulanges qui l'offre à son mari, celui-ci l'offre à sa maîtresse, celle-ci l'offre à son amant, et celui-ci l'offre à madame Soulanges sans savoir que la bague lui appartient !
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Une jeune brodeuse pauvre rencontre un homme triste, mais riche.

Mon résumé est plus que succinct, mais il dit tout ce qu'il y a à savoir sur le point de départ de l'intrigue, surtout que le livre est très court et qu'on voit déjà quelle direction va prendre l'histoire avec le titre.

C'était plutôt une bonne lecture, même si l'auteur abuse clairement des descriptions dès les premières lignes, où il donne foison de détails parfaitement inutiles. A défaut d'autre chose, il nous met dans l'ambiance, mais ça peut décourager le lecteur… Si vous avez l'impression que cette lecture ne va pas vous plaire à cause des deux premières pages, ne vous laissez pas rebuter, il y a vraiment une intrigue ensuite ^^

Sans être particulièrement palpitante, cette novella est une intéressante étude de moeurs et une critique de la société de l'époque. L'accent est mis sur la facilité qu'il y a à gâcher sa vie en faisant de mauvais choix, à une époque où ils étaient irrévocables. le constat fait par l'auteur sur la condition des femmes est particulièrement déprimant pour une lectrice contemporaine, mais nous rappelle à la fois le chemin parcouru depuis et celui qui nous reste à parcourir.

Le point négatif que j'ai à souligner dans cette lecture est la construction du récit. Il n'y a pas de chapitres, toute l'intrigue est déroulée d'un seul jet. le problème, c'est que parfois des années ont passé ou on change complètement de thèmes et de points de vue entre deux paragraphes, sans que rien dans le format ne nous signale qu'on passe à autre chose. C'est assez déstabilisant et à une ou deux occasions, je ne comprenais pas pourquoi ou comment l'auteur en arrivait là.

Pour le reste, la plume est belle, fluide, pas aussi complexe qu'on pourrait le craindre pour un auteur classique. le seul aspect qui m'a gênée est l'abus de longues descriptions, dont la plupart n'apporte pas grand chose à l'intrigue, mais ça ne m'a pas empêchée d'apprécier ce livre.

Une bonne lecture, pas indispensable, mais que je ne regrette pas d'avoir faite.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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Quatrième nouvelle d'affilée De Balzac que je lis et bien évidemment quatrième fois que je savoure ma lecture.
Une double famille traite du sujet du mariage, et ceux qui me lisent de temps en temps, savent que c'est ma thématique favorite chez Balzac. À ma décharge cependant, pour une fois, ce n'était pas voulu puisque j'ai abordé cette nouvelle à l'aveugle sans savoir de quoi il s'agissait.
Et ce dont il s'agit ici c'est d'une rencontre heureuse et d'un mariage raté. Deux histoires que l'on va découvrir en deux temps. D'ailleurs toute la nouvelle est originalement et assez habilement construite : l'histoire va se déployer sur plusieurs temporalité différente dans lesquelles on va naviguer afin de reconstituer le puzzle de ces deux histoires qui en réalité vont se rejoindre pour n'en forment.
L'histoire d'un mariage qui était voué à l'échec dès le départ, car si c'était un mariage de raison, il semblait pourtant poindre au loin l'éventualité d'un amour naissant, éventualité rapidement balayée par une grave incompatibilité religieuse entre les deux époux savamment dissimulé par la mariée avant les noces, et qui doucement les éloignera jusqu'à se transformer en un gouffre.
Et puis l'histoire d'une rencontre qui arrivera comme une bouée de sauvetage dans la vie d'un homme qui dépérit dans son propre foyer et ne demande rien d'autre que d'aimer et vivre simplement un ménage heureux.
Un homme, deux femmes, trois façons d'aimer, trois conceptions différentes de la vie, qui les mènera chacun dans l'impasse.
Une nouvelle dans laquelle Balzac explore encore une fois avec subtilité et génie, et encore différemment, la question du mariage et de sa réussite. Amour ou raison ? Mais plus encore faut-il se marier sans se connaître mutuellement prenant le risque de divergences fondamentales ? Et est-ce possible de se connaître réellement ? Difficile de savoir si bonheur conjugal est-il une norme illusoire ou une réalité à atteindre, et encore une fois il n'y a pas de réponse binaire mais des vies, des histoires, que Balzac peint avec brio en tentant d'éclairer ses questions.
un bémol cependant à cette nouvelle qui aurait pu frôler la perfection ; la fin ! On change de temporalité d'accord, mais on ne comprend plus tout à fait ce qu'il s'est passé entre temps, et pour un dénouement c'est assez fâcheux et dommage. Il manquait juste deux trois informations afin que, malgré l'ellipse, on puisse refermer l'histoire sans confusion (j'ai du vérifier ailleurs si j'avais bien compris).
Mais bon allez, je pardonne ce petit couac à Honoré.
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J'ai lu rapidement, facilement et avec plaisir cette nouvelle un peu développée, dans laquelle nous entrons de plain-pied au sein de deux familles, ou ménages, comme dirait Balzac, qui, une fois de plus nous restitue à merveille l'ambiance visuelle de chacun de ces deux milieux intimes et conjugaux, avant que nous découvrions (quoique le titre soit assez limpide) en quoi ces deux foyers sont liés et se rejoignent.

Dans la vieille rue parisienne peu salubre, car humide et sombre, à peine éclairée par le jour hormis l'été, du Tourniquet-Saint-Jean, jetons un oeil par-dessus l'épaule de Mme Crochard veuve, dentellière, et de sa fille brodeuse Caroline : jour et nuit les aiguilles vont leur train, et la jolie Caroline se mêle peu de ce qui se passe dans sa rue. Sa mère, c'est autre chose - elle a les yeux aux aguets, car elle compterait bien sur la fraîcheur de sa fille pour s'assurer de vieux jours plus confortables. Un jour, passe un homme triste, tout de noir vêtu, dont le regard accroche celui de Caroline, et éveille l'intérêt de la mère. Sur le chemin du travail ou du retour, de signe en signe, la jeune fille et "l'homme noir" se rapprochent, jusqu'à un vrai rendez-vous à la campagne, avec le grand jeu : dîner au champagne, bal champêtre... Leur destin est scellé, on les retrouvera en ménage, puisqu'il a offert un appartement et une rente à sa maîtresse, laquelle s'épanouit dans le rôle de femme entretenue, puis de jeune mère toute dévouée à ses deux enfants. Roger, dont elle ne connaît que le prénom, est heureux, il a retrouvé le sourire, même s'il ne jouit pas de tout son temps libre, loin s'en faut.

C'est lorsque la vieille Madame Crochard révèle, alors qu'à l'agonie elle est pressée par un prêtre, le secret de sa fille Caroline, que le drame s'enclenche, et qu'on apprendra par un subtil retour en arrière, l'histoire d'un autre couple, l'envers de la famille lumineuse et charmante, celui d'un jeune avocat nommé Roger de Grandville et de sa jeune femme, jolie Provinciale et amour d'enfance. Malgré ses pressentiments, Roger s'est laissé convaincre par son père d'épouser Angélique Bontems, jeune fille élevée dans une stricte dévotion par sa mère, et qui lui fera vivre un enfer, quoique pavé de bonnes intentions.

L'ombre de la Physiologie du mariage plane de nouveau sur cet opus, dans lequel on apprend ce qui peut désunir un couple dans son intimité, lorsque le lit n'apporte son lot de bonheur que le temps d'une brève lune de miel. Nous sommes dans le schéma classique du couple dans lequel l'homme travaille dur pour tenir son rang, et s'attend à ce que sa femme soit agréable, complaisante, amoureuse... Ce n'est pas qu'Angélique n'aurait pas voulu essayer, mais elle a un esprit borné, manque de fantaisie, se méfie du plaisir comme d'une tentation diabolique, dont il faut à tout prix se prémunir. Par ailleurs, après avoir été élevée sous l'éteignoir par sa mère, elle est la proie de ses directeurs de conscience et autres vieilles grenouilles de bénitier. Angélique manque de goût, n'est pas attirée par le luxe, la mode, refuse d'aller au bal, au théâtre, de se mettre à son avantage, et l'on rit d'elle en société car elle est trop raide et sérieuse, alors qu'elle devrait être décorative et faire honneur à son juge de mari. En outre, elle a un caractère mesquin qui la fait pinailler sur tout et lancer d'aigres piques à son époux qui n'en peut mais, jusqu'à ce qu'il ne la supporte plus, et sombre dans la plus profonde dépression - ce n'est qu'avec Caroline qu'il retrouvera l'amour et la joie de vivre.

Certes, les personnages sont suffisamment complexes et n'ont rien de schématique, toutefois, à travers sa charge féroce contre la pruderie et la bigoterie remises au goût du jour sous la Restauration, Balzac m'a paru injuste envers Angélique. Il est pourtant le premier à dire qu'en quelque sorte, elle n'a pas eu le choix, pourtant tout l'échec du mariage semble être de sa faute, alors même que Roger l'a épousée pour l'argent, que ce"marché" arrangeait la mère d'Angélique en les faisant entrer, elle et sa fille, dans la noblesse, et surtout, qu'elle a été "mortifiée" par sa mère depuis l'enfance. Angélique n'a pu compter sur personne pour développer des facultés aimantes, un goût du beau et de la joie, on a peut-être même étouffé dans l'oeuf les qualités qu'elle pouvait avoir. Par son cynisme envers son épouse, lors d'une scène terrible, Roger de Grandville montre une morgue d'époux sûr de son bon droit plutôt glaçante.

Pour ce qui est du style, Balzac montre de réelles qualités de peintre en écriture, il sait mettre en valeur les contrastes, les harmonies de couleurs et convoquer tous les sens qui font apprécier la vie dans ce qu'elle a de naturel, de profond, de joyeux, mais il n'ignore rien non plus des drames et passions humaines, auxquels il nous fait adhérer par un art consommé de l'analyse psychologique.
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Court roman de jeunesse De Balzac ; On y rencontre .Monsieur de Granville, magistrat que l'on retrouvera dans Splendeurs et misères des courtisanes. C'est une histoire assez classique de mariage raté :un mari marié à un bigote va chercher ailleurs la joie de vivre. Une chronologie assez sophistiquée (flash-back et ellipse), deux brillants portraits de femme (en antithèse) et un anticléricalisme digne de Zola.
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En lisant une Double Famille, l'on peut comprendre pourquoi La Comédie Humaine est considéré par certain comme l'un des portrait les plus décapants de la société Française au XIXème siècle.

La vertueuse est punie, l'adultère est justifiée. Voilà comment il nous est possible de résumer cette oeuvre, l'on ne mentirait pas en disant cela. Et pourtant! Balzac, comme il nous a habitué à le faire déjà, cherche à analyser la société en dévoilant les aspects essentiels qui la compose. L'on comprends donc bien que, malgré les apparences, la vertueuse est coupable et l'adultère inconsciente.

Angélique, par son éducation et son coeur janséniste tyrannise son mari malgré ses vertus extérieures. Elle ne le fait pas par un double jeu de sa part, mais comme une conséquence naturelle et morale de son être. En cherchant la vertu, elle s'évertue à mettre son mari sur ce qu'elle croit être le droit chemin et se faisant ne fait que de se l'aliéner.

Caroline, qui n'espère rien d'autre qu'un sauveur à sa misère. Pour qui l'horizon de son éducation ne permet pas de dépasser ses sentiments (n'oublions pas que la passion ne veut jamais avoir tord). Arrive donc à nier l'évidence même: Roger avec qui elle a deux enfants est déjà marié.

Ses enfants, dont l'avenir nous est dévoilé, n'est pas sans rappeler le caractère héréditaire et naturaliste dont Zola s'est fait le maître.

Enfin M. de Granville, personnage foncièrement bon mais qui par faiblesse de caractère, et par une sorte de variante moins héroïque que l'Adolphe de Benjamin Constant, persévère dans son malheur avec une femme qu'il entrevit dès le début comme néfaste pour lui. Persévérance qui dura jusqu'à la rencontre de Caroline.

Aussi bon qu'il puisse être, défiguré par la société et abandonné par la dureté de sa femme, il finira par se refuser à l'épanchement naturel de son coeur en faisant le mal pour le mal, à la stupéfaction d'Horace Bianchon. Grande leçon de psychologie pour notre meilleur disciple d'Hippocrate!

C'est une nouvelle essentielle à lire et qui aborde plusieurs types social encore courant dans notre société.


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