Citations sur La seule histoire (86)
Elle avait presque exactement le même âge que votre mère et vous couchiez avec elle.Alors ?
Alors.Je vois où vous allez -bus27- vers une croisée des chemins près de Delphes. Écoutez,je n’ai jamais voulu,à quelque moment et sur quelque plan que ce fût,tuer mon père et coucher avec ma mère.
J'ai une crise soudaine de - quoi ? peur, bienséance, altruisme ? Je lui dis, pensant qu'elle saura mieux :
"Vois-tu, je n'ai pas été amoureux avant, alors je ne comprends pas grand-chose à l'amour. Ce qui me tracasse c'est que, si tu en as pour moi, ça t'en laissera moins pour les autres gens que tu aimes. Je ne les nomme pas, je pensais à ses filles, et peut-être même à son mari.
"Ce n'est pas comme ça", répond-elle aussitôt, comme si c'était une chose à laquelle elle a pensé aussi, et qu'elle a résolue. "L'amour est élastique. Sans rien édulcorer pour autant. Il ajoute. Il ne retire pas. Alors inutile de s'en faire pour ça."
Alors d'accord.
Sa bizarrerie à lui, son innocence à elle. Et naturellement je ne lui ai pas répondu que les jeunes hommes- tous les jeunes hommes, d'après mon expérience -, privés de compagnie féminine, n'avaient et n'ont aucun problème pour se "détendre" sexuellement, pour la bonne raison qu'ils s'astiquent et s'astiqueront toujours la colonne avec toute la vigueur d'un marteau piqueur.
Ne plaisantons nous pas pour apaiser nos peurs secrètes ?
Le von sexe vaut mieux que le mauvais sexe. Lequel vaut mieux que pas de sexe du tout, sauf quand c’est juste l’inverse. Le sexe solitaire vaut mieux que pas de sexe du tout, sauf quand c’est juste l’inverse. Le sexe triste est toujours bien pire que le bon sexe, le mauvais sexe, le sexe solitaire et pas de sexe du tout. Le sexe triste est le plus triste de tous. (p. 200)
Un premier amour détermine une vie pour toujours : c’est ce que j’ai découvert au fil des ans. Il n’occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elles seront toujours affectées par son existence. Il peut servir de modèle, ou de contre-exemple. Il peut éclipser les amours ultérieures ; d’un autre côté il peut les rendre plus faciles, meilleures. Mais parfois aussi, un premier amour cautérise le cœur, et tout ce qu’on pourra trouver ensuite, c’est une large cicatrice.
J'ai une crise soudaine de - quoi ? - peur, bienséance, altruisme ? Je lui dis, pensant qu'elle saura mieux :
" Vois-tu, je n'ai pas été amoureux avant, alors je ne comprends pas grand chose à l'amour. Ce qui me tracasse c'est que, si tu en as pour moi, ça t'en laissera moins pour les autres gens que tu aimes." Je ne les nomme pas. Je pensais à ses filles; et peut-être même à son mari.
"Ce n'est pas comme ça", répond-elle aussitôt, comme si c'était une chose à laquelle elle a pensé aussi, et qu'elle a résolue : "L'amour est élastique. Sans rien édulcorer pour autant. Il ajoute. Il ne retire pas. Alors inutile de s'en faire pour ça."
Alors d'accord.
Qu’est-ce qui suscitait mon aversion et ma méfiance envers l’âge adulte ? Eh bien, pour faire court : ce sentiment d’avoir tous les droits, le sentiment de supériorité, la présomption de savoir mieux que d’autres sinon mieux que personne, la grande banalité des opinions d’adultes, (…), leur propension à trop boire et à trop fumer, (…), cette odieuse pensée qu’ils faisaient peut-être encore l’amour, leur docile obéissance aux normes sociales, leur aigre réprobation de tout ce qui était satirique ou contestataire, leur croyance que la réussite de leurs enfants se mesurerait à l’aptitude des rejetons à imiter leurs parents (…)
Malgré tout, une mémoire optimiste pourrait rendre plus facile de quitter la vie, pourrait adoucir la douleur de s'éteindre.
Mais on pourrait tout autant soutenir le contraire. Si la mémoire a un parti pris de pessimisme, si, rétrospectivement, tout paraît plus sombre et plus sinistre que ça ne l'a été en réalité, c'est plutôt cela qui pourrait rendre plus facile de laisser la vie derrière soi.
Vous comprenez, j'espère, que je vous raconte tout cela comme je m'en souviens? Je n'ai jamais tenu de journal, et la plupart des participants dans mon histoire - mon histoire! ma vie! - , sont morts, soit dispersés au loin. Je n'écris donc pas forcément dans l'ordre ou c'est arrivé. Je pense qu'il y a dans la mémoire une authenticité différente, et non inférieure. La mémoire trie et tamise selon les exigences de celui ou celle qui se souvient. Avons-nous accès à l'algorithme de ses priorités? Probablement pas. Mais je suppose que la mémoire privilégie ce qui est le plus utile pour aider le porteur de ces souvenirs à aller de l'avant. Elle aurait donc intérêt à faire remonter les souvenirs les plus heureux à la surface d'abord... mais, encore une fois, je ne fais que supposer.