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3,52

sur 299 notes
Voici un livre approché sans à priori de ma part, Barnes étant un auteur dont certains livres m'ont subjuguée, comme le perroquet de Flaubert, ou Le fracas du temps, mais d'autres déçue ou ennuyée comme Une fille qui danse ou Lettres de Londres.
Le sujet semble d'emblée être celui d'un premier amour d'un jeune garçon de 19 ans, Paul, qui restera pour lui l'Amour de sa Vie. Nous sommes dans les années 60 dans une petite ville du Surrey, dans un milieu " British middle class" très conservateur. Enserré dans un moule, chacun suit un schéma de vie préétabli, où les déviations sont à éviter . Or Paul tombe amoureux de Susan, sa partenaire de tennis, une femme de quarante-huit ans. Elle est mariée et a deux filles adultes plus âgées que lui. Ils sont tous les deux « vierges » vu que lui n'a rien connu à part l'esquisse d'une relation douteuse et elle qu'un mari, dont la fonction n'est pas allée plus loin qu'engendrer deux filles. L'inexpérience étant pourtant d'ordre différent pour les deux. Comme ce n'est pas du Barbara Cartland, le procédé narratif exquis (v.o.) de Barnes dans la forme et le fonds, en donne une histoire beaucoup plus profonde que celle du scénario du départ.

L'écrivain décortique une relation adultère et singulière, dans le cadre des failles de la société anglaise de l'époque, des débuts de “La révolution sexuelle” des années 60 acclamée dans les médias, où l'orgasme féminin fait ses débuts, et celui d'une famille et d'un mariage, celle de Susan (« Je rodais chez les Macleod,, partiellement en anthropologue et sociologue et pleinement en amant *»). Le mariage étant à l'époque, et à mon avis encore aujourd'hui plus une question d'institution que d'amour, et ayant ici une face cachée très sombre. Le mari est très présent dans le cadre, mais non dans la relation, “il n'avait rien à faire avec notre relation, vous comprenez **?”.
Barnes revient sur les failles de la mémoire ( comme dans l'excellente première partie d'Une fille qui danse, «  il reconnaissait que la mémoire était non fiable »*** ), l'histoire étant racontée par Paul 30 ans plus tard, introspecte le guet-apens de la violence domestique et touche à un fléau que je ne mentionnerais pas ici par respect pour les futurs lectrices et lecteurs.....
Une autre originalité du livre est le style narratif . Du ‘je' de la première Partie du livre, Paul passe à ‘tu' dans la deuxième, où il se distancie de la suite des événements, et assiste avec peine, presque impuissant, à la détérioration de la situation. Et dans la troisième et dernière partie, pour moi la plus poignante, prenant encore plus de distance, il fait le bilan de son passé narré à la troisième personne du singulier, l'agrémentant de nombreuses questions sans réponse....n'est-ce-pas finalement ça la Vie ?

Bref un livre complexe où l'auteur à travers la perspective d'un adolescent, mais pas tout à fait, puisque il le raconte déjà vieux ( là il triche un peu 😊 ), revenant sur son passé, parle de la Vie et de ses aléas d'une façon très juste et touchante. La difficulté de faire face aux réalités, l'impuissance de trouver une solution avant qu'il ne soit trop tard, l'imbroglio où on s'empêtre car la raison et les sentiments ne vont pas de paire, le sentiment terrible de la culpabilité, l'amour qui n'est pas éternel et qui ne peut pas tout résoudre (‘s'aimer ne mène pas forcément au bonheur ‘), et le lourd fardeau du passé qu'on traine et sur lequel on ne peut tirer un trait , même si la chance s'y présente, sont les nombreux thèmes de ce livre intense et superbe. Barnes , même si je n'est pas aimé certains de ses livres, reste pour moi un grand auteur.

“Would you rather love the more, and suffer the more; or love the less and suffer the less? “
( Voudriez vous plutôt aimer beaucoup et souffrir beaucoup ; ou aimer moins et souffrir moins ? )


*« I used to prowl the Macleod house, part anthropologist, part sociologist, wholly lover ».
** « He had nothing to do with us, do you see ».
*** « He recognized that memory was unreliable ».
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J'aurai bien aimé apprécier cette histoire mais je suis passée littéralement à côté. La seule histoire, je m'attendais à découvrir une histoire d'amour, me plonger dedans et dans tous ses contours.

Paul a dix-neuf ans lorsqu'il rencontre Suzanne qui en a quarante-huit. Il a tout à apprendre et tout à donner.
Je ne l'ai pas ressentie cette histoire d'amour, j'avais cette impression que même les personnages ignoraient le fond de leur histoire. Trop de distance. Trop de discours sur tout ce qui est extérieur à l'histoire du couple.
L'écriture est pourtant soignée. C'est sur le fond que je bloque. Si après cent pages je n'apprends toujours rien des personnages, de leurs sentiments, leurs envies, à quoi bon.
Après cent pages, j'ai capitulé...
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Paul se penche sur son passé, un seul mot en tête : Susan. Il se souvient comment âgé de 19 ans il a rencontré puis vécu pendant une dizaine d'années une passion avec Susan Macleod qui aurait pu être sa mère.

Il égrène pêle-mêle les souvenirs passés au tamis de la mémoire. Comment les moments éphémères et joyeux des débuts ont peu à peu laissé place au mensonge, à l'aveuglement, au déni, à la colère, à la fuite, à la lucidité. Pour ce qui constitue à ses yeux sa seule histoire d'amour.

Julian Barnes nous livre ici un texte fort sans faux semblant, bouleversant de justesse.
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Julian Barnes et moi c'est une relation de quoi... trente ans ? Oui, déjà... Depuis le perroquet de Flaubert. Ses livres couvrent une pleine étagère de ma bibliothèque, je les aime trop pour m'en séparer. Toujours profond, jamais ennuyeux. Avec cette petite touche britannique que sa francophilie rend encore plus réjouissante. Une pointe d'ironie mordante, toujours intelligente. Mais depuis quelques livres, depuis Pulsations, son très joli recueil de nouvelles qui faisait suite au décès de sa femme, il y a chez l'auteur un voile de nostalgie. Ses héros - comme lui certainement - se retournent désormais sur leur vie, tentent de mettre de l'ordre dans leurs souvenirs, essayent de mettre en phase leur mémoire avec leurs sensations. Pulsations, Une fille, qui danse... étaient les prémices de ce qui s'avère être à mon sens son plus grand roman : La seule histoire.

"Un premier amour détermine une vie pour toujours : c'est ce que j'ai découvert au fil des ans. Il n'occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elles seront toujours affectées par son existence. Il peut servir de modèle, ou de contre-exemple. Il peut éclipser les amours ultérieures ; d'un autre côté il peut les rendre plus faciles, meilleures. Mais parfois aussi, un premier amour cautérise le coeur, et tout ce qu'on pourra trouver ensuite, c'est une large cicatrice."

A 19 ans, Paul est tombé amoureux de Susan sur un court de tennis alors que, le temps d'un été il s'est trouvé par hasard être son partenaire de double. Susan a 48 ans, un mari, deux filles. Dans cette petite ville au sud de Londres, dans l'Angleterre des années 60, tous les ingrédients du scandale sont réunis. Mais à la britannique, sans bruit. La relation dure, les deux amants s'installent ensemble à Londres où ils vivront une dizaine d'années avant de se séparer, l'addiction de Susan à l'alcool ayant raison des efforts de Paul. Pourtant, Paul n'a jamais réellement quitté Susan...

Ce que nous raconte Julian Barnes, c'est la façon dont "la seule histoire" continue à vivre en nous longtemps après qu'elle s'est terminée. Dans la première partie, à la première personne du singulier, Paul, cinquante ans après sa rencontre avec Susan raconte les débuts de leur amour, comme il s'en souvient, avec ce que la mémoire veut retenir en priorité. Il dit magnifiquement l'amour du jeune homme pour cette femme qui "avait appris la vie avec la vie" tandis que lui "l'apprenait dans les livres". La deuxième partie bascule à la deuxième personne du pluriel, ce vous qui interpelle le lecteur pour mieux le prendre à témoin et lui donner à voir l'envers du décor... l'alcool qui envahit la vie de Susan alors qu'elle ne buvait pas une goutte lorsque elle vivait avec son mari, le déséquilibre psychiatrique qui brouille peu à peu son cerveau, Paul qui s'interroge sur son incapacité à empêcher cette dégringolade. La troisième partie, de nouveau à distance adopte la troisième personne du singulier pour raconter l'après. La vie de Paul sans Susan et pourtant toujours, quelque part, avec elle. Et cette partie, croyez-moi, est poignante.

"Il lui semblait qu'une des dernières tâches de son existence était de se souvenir d'elle correctement. (...) c'était son ultime devoir, envers elle et lui-même, de la garder en mémoire comme elle avait été dans leurs premières années ensemble. de se souvenir d'elle au temps de ce à quoi il pensait toujours comme étant son innocence : une innocence de l'âme".

Tout ceci est d'une beauté à tordre le coeur. Parce que l'amour ici n'a rien d'anecdotique, n'est entaché d'aucun cliché. Parce que ce qui vit dans l'esprit de Paul est si fort, si riche, si perturbant, si contraignant aussi qu'on ne peut s'empêcher de penser qu'on est très loin de l'amour jetable dont les romans contemporains se font habituellement l'écho.

La seule histoire est un roman qui se déguste lentement, dans lequel on se love et dont on n'a pas envie de sortir. Un roman qui rassure, encourage, console peut-être. Beau à pleurer.

"Une citation dans son carnet, qui avait survécu à plusieurs relectures : "En amour, tout est vrai, tout est faux ; et c'est la seule chose sur laquelle on ne puisse pas dire une absurdité" (Chamfort). Il avait aimé cette remarque depuis qu'il l'avait découverte. Parce que, pour lui, elle ouvrait sur une pensée plus large : celle que l'amour lui-même n'est jamais absurde, ni aucun des participants. Toutes les sévères orthodoxies de sentiments et de comportements qu'une société peut chercher à imposer, l'amour les esquive. On voit parfois, dans la cour de ferme, d'improbables formes d'attachement - l'oie éprise de l'âne, le chaton jouant sans crainte entre les pattes du molosse enchaîné. Et, dans la cour de ferme humaine, il existe des formes d'attachement tout aussi improbables ; et pourtant jamais, aux yeux des participants, absurdes."
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Certaines lectures vous bouleversent, des situations vous reviennent en mémoire, vous revenez encore et encore sur quelques phrases ciselées.
C'est une libraire qui m'a tendu le livre et m'a dit : "le récit d'un premier amour sous la plume de Julian Barnes" ; Je respecte ses choix - sa voix, son regard en disaient long, et je ne me suis pas trompée.

"La plupart d'entre nous n'ont qu'une histoire à raconter. Je ne veux pas dire qu'une seule chose nous arrive dans notre vie ; il y a d'innombrables événements, dont nous faisons d'innombrables histoires. Mais il n'y en a qu'une qui compte, qui vaille finalement d'être racontée. Ceci est la mienne". Ces quelques lignes, ce troisième paragraphe de la seule histoire résume très bien ce roman. Il s'agit de l'histoire de Paul, jeune étudiant de dix-neuf ans qui fait la connaissance de Susan, mère de famille de quarante huit ans, dans un club de tennis. Ils jouent en double, il est conquis par sa personnalité originale - peu à peu s'installe une évidence, ils s'aiment, Susan quitte son mari. Paul et Susan vont vivre ensemble quelques années heureuses, jusqu'à ce que Susan sombre dans l'alcoolisme.
Cette seule histoire, Paul nous la dépeint sous trois angles : à la première personne du singulier, une histoire qu'on décrit, dont on donne les détails, les faits précis. Puis à la deuxième personne du pluriel, le "vous" prend le relais du "je" - c'est un autre regard, une autre façon de comprendre l'histoire. Et puis, finalement, c'est le "il" qui se substitue à Paul, on pourrait croire que l'histoire est vue de l'extérieur - mais non, elle est vue de l'intérieur, les sentiments sont explorés, il ne s'agit plus de fait, c'est l'amour qui est dépeint sous toutes ses facettes.
Paul reprend la parole à la fin du roman, lorsqu'il rencontre Susan pour la dernière fois.

Julian Barnes dépeint la société anglaise de l'après-guerre, un monde disparu, Il met en scène Paul, Susan, Joan, l'amie de Susan, les parents de Paul, le mari de Susan… personnages d'une autre époque… Mais La seule histoire nous parle d'un amour qui a éclairé toute une vie. Un aspect intemporel, qui ne peut pas nous laisser indifférent.

Le texte est magnifique - bien rendu par la traduction de Jean-Pierre Aoustin.

Une lecture que je trouve exceptionnelle.
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"Préféreriez-vous aimer davantage et souffrir davantage ou aimer moins et moins souffrir ?" voilà commence " la seule histoire".
Cette question, on se l'est tous posée et je pense que la réponse varie en fonction du moment de notre histoire. Vous ne trouverez pas ici de réponse univoque mais bien plus une histoire d'Amour, une histoire singulière, une histoire intense, racontée dans un style et dans une forme qui empêche tout lecteur de se dire : voilà une histoire d'amour banale entre un jeune homme et une femme plus âgée comme on en a déjà lui tant d'autre.
Ne recherchez pas à tout prix une chronologie temporelle, laissez-vous porter par l'écriture de Julian Barnes. Ce roman demande un peu d'exigence mais il ne faut pas s'arrêter aux premières pages qui peuvent dérouter. Non, persistez, ce livre monte en intensité. Plus on avance dans ce livre plus on l'aime.
C'est une une histoire d'amour qui amène à réfléchir. Chaque partie change de pronom, on passe ainsi du "je" au "vous" et au "il". Ce "il" renforce la réflexion.
"Un coup de poing donné ne peut être repris. Des mots prononcés ne peuvent être gommés. Nous pouvons continuer comme si rien n'avait été perdu, ou fait, ou dit; nous pouvons prétendre oublier tout cela ; mais le tréfonds de notre être ne l'oublie pas, parce que nous avons été changé pour toujours."
Je terminerai sur cette phrase que je trouve terriblement juste.
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La seule histoire, c'est d'abord et avant tout une histoire d'amour; mais ça va bien au-delà. C'est l'histoire d'un amour de jeunesse racontée par le narrateur bien des années après qu'il l'ait vécue. On est donc dans un passé d'abord assez lointain (à l'échelle d'une vie humaine) mais aussi dans le présent de l'homme qui la rapporte, qui nous livre a posteriori ses réflexions: comment son vécu de jeune adulte a façonné sa vie, ce qu'est l'amour dans un couple…
J'ai aimé la construction du récit en trois parties ainsi que l'alternance de proximité/distanciation de la relation que l'auteur nous fait vivre en jouant sur l'utilisation des pronoms personnels. En passant, j'ai lu ce roman dans sa V.O. (The Only Story) et je me suis posé beaucoup de questions relatives à la traduction, entre autres, sur justement ces pronoms personnels. «You» peut se traduire selon le contexte par le «vous» formel, par le «tu» convivial ou par le plus impersonnel «on». Comment rendre en français cette ambiguïté? Comment rendre des expressions telles que «fancy boy», «fine feathered friend» ou le faux-ami «village» qui, dans le contexte, désigne probablement plus une banlieue qu'un village au sens français du terme? J'ai aimé l'écriture de Barnes et je parierais fort que la traduction n'a pu rendre toutes les subtilités de son écriture.
Je n'ai pas d'autre mot: Julian Barnes est un magicien, à l'égal de son compatriote Ian McEwan, et d'autres anglophones qui occupent mon panthéon personnel tels Philip Roth, Timothy Findley et d'autres.
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Magnifique roman d'apprentissage, Julian Barnes, écrivain anglais de grand renom (David Cohen Prize, Man Booker Prize) nous livre un récit très épuré d'un premier amour qui va marquer à jamais la vie de Paul, le héros.
Nous sommes dans les années 70, dans la banlieue résidentielle de Londres. Paul a dix-neuf ans et rencontre, lors de parties de tennis, Susan McLeod, qui a quarante-huit ans.
Elle est mariée à un homme plutôt primaire et brutal et a deux filles adolescentes. Une relation va se nouer entre eux, d'abord discrète et ensuite de moins en moins discrète.
C'est lorsque Paul va trouver sa maîtresse frappée par son mari qu'il va décider de partir avec elle et s'installer à Londres, au grand scandale de ce petit monde bien feutré.
Leur vie commune durera dix ans, marquée par un sombre secret que Paul va découvrir: l'alcoolisme de Susan.
Dès lors, il s'agira pour lui de protéger celle qu'il aime, ce qui n'était pas ce qui était attendu compte tenu de leur différence d'âge.
C'est un très beau récit, plein de simplicité et d'émotion.
Julian Barnes donne plus accès que dans ses livres antérieurs au registre de l'émotion. Cette quête effrénée de l'amour pur fait parfois penser aux tourments du jeune Solal de "Belle du Seigneur" d'Albert Cohen.
Un grand écrivain britannique à découvrir et redécouvrir, si vous êtes attirés, comme moi, par la culture anglaise.
Le héros, Paul, va découvrir un amour fort, sans illusions et durable même s'il est terni par le quotidien.
« Un premier amour cautérise le coeur et tout ce qu'on pourra trouver ensuite, c'est une large cicatrice. »

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Une seule histoire, on a tous une seule histoire d'amour. D'autres rencontres, d'autres émotions, d'autres baisers, mais une seule histoire.
Celle de Paul commence alors qu'il est encore un très jeune adulte un peu désoeuvré. Sa première année d'université vient de s'achever et il s'ennuie vaguement entre papa et maman dans sa gentille banlieue résidentielle londonienne. On est dans les années soixante, pas de portable pour joindre les copains, pas de réseaux sociaux pour se croire moins seul. Il reste à dormir le plus longtemps possible le matin, pour tuer le temps.
C'est là que la mère (elles ont toujours des idées géniales, les mères...) lui propose d'aller faire un tennis. Pas uniquement pour le tennis mais peut-être pour qu'il rencontre une jeune fille de bonne famille. Elles sont nombreuses à fréquenter le club, les jolies Caroline du coin. En bon fils de famille, Paul obéit… Et fait semblant de s'investir dans les activités qui l'ennuient vaguement...
Jusqu'à ce que se profile un tournoi amateur double mixte et des partenaires tirés au sort : notre Paul se retrouve à jouer avec une certaine Mrs Susan Macleod, quarante-huit ans, mariée à un certain Gordon Macleod (dit Mr Elephant Pants, gentil surnom donné par sa femme), deux filles universitaires : Miss G. et Miss N.S., et une vie bien rangée.
Un truc a lieu, le courant passe, comme on dit...
Paul va fréquenter régulièrement la maison des Macleod, pour un thé, une discussion avec Susan ou son mari. Quelquefois, ils rendent visite à une amie de Susan, une certaine Joan, une originale au caractère bien trempé, un peu portée sur le gin (un personnage extraordinaire!)…
Et puis, un jour, le premier baiser… Et une histoire d'amour, la première pour Paul - c'est moins sûr pour Susan - naît entre ce jeune adulte encore étudiant en droit et cette femme mûre... deux êtres que beaucoup de gens et de choses opposent…
Mais Paul n'avait pas imaginé de quoi l'avenir serait fait, et quel serait le mal qui rongerait Susan… Est-il possible de penser au pire quand on est jeune et qu'on n'a aucune expérience de l'existence ?
Ce qui est sûr, c'est qu'à jamais sa vie sera marquée par ce premier amour : « Un premier amour détermine une vie pour toujours : c'est ce que j'ai découvert au fil des ans. Il n'occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elles seront toujours affectées par son existence... » 
Finalement, vaut-il mieux avoir connu l'amour, la passion au risque d'y laisser sa jeunesse et de beaucoup souffrir ou n'avoir jamais aimé ? Est-il préférable « d'aimer moins pour moins souffrir ?» Au fond, a-t-on le choix ?
«… je me remémore le passé, je ne le reconstruis pas. Alors il n'y aura pas beaucoup d'arrangements de décor. Vous pourriez en préférer davantage. Vous pourriez être habitué à plus. Mais je n'y peux rien. Je n'essaie pas de vous raconter une histoire imaginée ; j'essaie de vous dire la vérité.» 
C'est effectivement ce qui m'a frappée dans cet admirable texte empreint d'une profonde mélancolie, à savoir ses accents de vérité, de sincérité, de vécu. Cette histoire d'amour - non dénuée d'humour - nous est relatée dans le détail, avec beaucoup de minutie et de subtilité, ce qui la rend très crédible : des grands bonheurs du début jusqu'à la découverte d'une réalité terrible qui vient tout bouleverser et la fin, la terrible fin de l'amour qui se délite et finit par se perdre, comme rattrapé par le quotidien...
Beaucoup de sensibilité dans les mots de ce narrateur qui jette un regard en arrière pour contempler sa vie, l'histoire de son amour avec Susan et l'impact du temps sur ses sentiments.
Un texte bouleversant qui dit simplement ce qu'est la vie, sans illusions.
Magnifique.

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Un homme fait le point sur sa vie, entre apaisement et poids des dilemmes insolubles. On rentre souplement dans son récit, sur le mode d'un journal intime qu'il ouvrirait pour partager avec nous ses ultimes impressions sur l'existence et sur l'amour ; or, dans son cas, sa grande et seule histoire d'amour coïncide avec sa vie toute entière. Elle en a été l'embrasement brutal et la lente débâcle. La silhouette de sa bien-aimée, Susan, se superpose à la sienne tout au long d'une vie, des fusions les plus ardentes aux contours les plus fantomatiques, sans que jamais il ne puisse se délier de cette silhouette, même spectrale.
Leur amour, où il s'était totalement immergé, alors jeune homme de 19 ans, s'est heurté à l'hydre de l'alcoolisme qui a englouti la belle Susan, sans que Paul puisse l'arracher à ce monstre.
Le combat contre ce titan déverse sans répit son lot de questions pour Paul : qu'aurais-je pu faire, dû faire ? Suis-je resté par lâcheté ou par courage ? Où résidait le poison initial ?
Au fur et à mesure de l'évolution de Paul, il grandit en « lucidité émotionnelle » et sa culpabilité s'atténue : il prend conscience de la complexité inextricable des sentiments humains, et donc qu'il n'y a ni victime ni coupable. ( « Vous découvrez que de nombreux sentiments apparemment incompatibles peuvent prospérer, côte à côte, dans le même coeur humain »). de l'amour, on peut tout dire également, une chose et son contraire, sans écorcher la vérité.
La narration est habilement menée car le récit est scindé en 3 parties, suivant son évolution d'homme ; le narrateur change de pronom personnel : « je » pour la 1ére partie, puis « vous » (où il nous invite à partager ses sentiments), et enfin, « il », lorsque le détachement est parvenu à son terme.
C'est un livre qui se savoure, surtout la dernière partie, où nous sont offertes avec élégance, comme en passant, des réflexions magnifiques de finesse et de profondeur. On se cale aisément sur le personnage de Paul, partageant d'abord sa ferveur de jeune homme, puis ses interrogations d'amoureux troublé, et enfin ses réflexions universelles sur l'existence, puissantes et douces. Pas de fin mélodramatique à 2 sesterces, car le grandiose n'est pas de ce monde, « les humains sont trop imparfaits pour [le] mériter », et il faut l'accepter pour trouver la paix.
Vraiment un très beau livre.

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