Du côté de Canaan/
Sebastian Barry
Un livre bouleversant : je suis abasourdi au moment de refermer ce très beau roman qui aborde notamment la vie dure que connurent les Irlandais émigrant aux Etats-Unis à la fin du XIX é et au début du XXé siècle.
Que de drame ! Que de tendresse ! Que d'émotion tout au long de ce récit fait par Lilly Bere âgé de 89 ans qui se souvient.
Du fond de sa petite ville des Etats-Unis, elle compte les jours d'après. D'après la mort de son petit fils, Bill, qui s'est suicidé à l'âge de 19 ans, de retour de la Guerre du Golfe au Koweit.
Chaque jour Lilly se remémore le lointain passé d'abord et puis plus près.
Fille de James
Patrick Dunne et de Cissie morte à sa naissance, elle est élevée par son père chef de la police de Dublin au service de Sa Majesté la reine d'Angleterre. Nous sommes bien avant l'indépendance de l'Irlande.
« Il était l'ennemi de la nouvelle Irlande, ou de ce qui est devenu l'Irlande actuelle…Il ne doit pas être inscrit dans le livre de la vie, mais jeté dans l'étang de feu, son nom ne doit pas être prononcé…Mais je n'ai reçu de lui que de la bienveillance. »
Son enfance à Dublin est assez misérable, et son père n'a pas choisi peut-être le bon camp. Les mouvements indépendantistes sont très actifs et la violence règne.
Son frère chéri, Willie est tué lors da Première Guerre Mondiale.
Un des mémorialistes de sa disparition revient de France est raconte la mort de Willie : c'est Tagd Bere, qui va peu à peu se rapprocher de Lilly. Lui aussi n'a pas choisi le bon camp et il risque sa vie. La menace se précise.
Le père de Lilly leur conseille de quitter l'Irlande.
Tadg et Lilly partent aux États –Unis et débarque à New-York puis Chicago.
Chicago : c'est là que le destin attend Lilly, âgée de 19 ans et Tadg à la veille de se marier. Un destin fait de drames successifs, de vies dévastées, de violence mais aussi d'amour et de tendresse.
Plus tard, longtemps au service de Madame Wolohan comme employé de maison et cuisinière, elle fait la connaissance de M. Nolan, l'homme à tout faire de la propriété. Un homme étrange qui prend soin d'elle et qui semble détenir un lourd secret.
Sebastian Barry fait partie des grands écrivains irlandais de notre époque. Né à Dublin en 1955, il a obtenu de nombreux prix, notamment pour «
le testament caché » que j'ai commenté par ailleurs. Auteur d'un très beau style parfaitement maîtrisé pour se mettre dans le personnage de Lilly, 89 ans, S.barry nous offre là un roman émouvant et inoubliable, l'histoire de Lilly, cette femme qui a connu cinq guerres et tant de drames.
« …Et à présent le pays s'étalait devant lui, devant nous, tel un somptueux Canaan. » (Lilly et Tadg arrivant à Chicago, pleins d'espoir !)
Et le 17 é jour après la mort de Bill, Lilly ne peut se consoler :
« Les arbres étaient solennels, couverts de feuilles et majestueux, et le soleil ruisselait sur eux comme un liquide ou une chose qu'on peut toucher…Le soleil se déplaçait dans les arbres comme un vent doré. Il était habité par des choses humaines, des murmures, des bribes de conversation, des histoires du passé, et par l'avenir neutralisé…On descendait son corps dans le cercueil verni aux veines de chênes peintes sur le pin, donnant l'illusion d'un bois plus noble sur le bois honnête et véritable. On le descendait en terre… »