AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Vincent Battesti (Directeur de publication)François Ireton (Directeur de publication)
EAN : 9782742797806
1180 pages
Sindbad (04/05/2011)
4/5   3 notes
Résumé :

La révolution démocratique du 25 janvier en Egypte, pays-pivot du monde arabe, ébranle un système despotique qui domine depuis plusieurs décennies et annonce une nouvelle ère pour tous les peuples de la région. Il n'existe cependant en France, depuis la parution en 1977 de L'Egypte d'aujourd’hui, permanences et changements, 1805-1976, (éd. du CNRS), aucun ouvrage de référence soulignant à la fois les transformations profondes de la société égyptienne et ... >Voir plus
Que lire après L'Egypte au présent, Inventaire d une société avant révolutionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Cet ouvrage de 1179 pages est une véritable « somme » qui offre un remarquable état des savoirs sur la société égyptienne contemporaine des décennies 1970-2010. Dédié à la mémoire d'Alain Roussillon, grand connaisseur de l'Égypte et ancien directeur du CEDEJ (Centre d'Etudes et de Documentation Economiques et Juridiques) au Caire, ce livre a été écrit au trois quarts par des chercheurs français, égyptiens ou européens en poste au CEDEJ dans les années 1990-2000 et reconnus comme spécialistes de leurs domaines respectifs. À ce titre, il illustre le capital de connaissance accumulé par ce centre. Il faut saluer le courage et la patience des deux éditeurs qui se sont adonnés à ce travail harassant et de longue haleine qu'est la mise en commun de ce savoir accumulé. Il faut également saluer les Éditions Sindbab d'accepter d'accompagner une telle publication. le projet éditorial s'est construit en 2007, bien avant la révolution mais la publication de l'ouvrage en avril 2011 a été facilitée par les événements de Tunisie et d'Égypte qui ont soulevé un regain d'intérêt pour ces pays et qui ont fait que cet ouvrage est venu à point nommé. Mais dans la frénésie éditoriale qui a suivi la chute des présidents Ben Ali et Moubarrak, ce livre apparait comme l'antithèse de toutes les publications hâtives et ponctuelles. Ceux qui y chercheraient une réponse rapide et clefs en main pour comprendre la « prise de la place Tahrir » en seront pour leurs frais. Ceux qui auront la ténacité et la patience de lire ce poids-lourd éditorial comprendront mieux la complexité de la société égyptienne, ses défis et ses enjeux. Ils retrouveront, dans plusieurs articles, le constat d'un système perverti par les inégalités et les prémisses, si ce n'est d'une révolution annoncée, du moins de révoltes inéluctables, du fait du coût social d'une politique libérale accentuée dans tous les secteurs économiques et sociaux au cours des années 1990.

Regroupant quarante articles, distribués en six grandes parties, l'ouvrage adopte une structure de type savoir encyclopédique. L'objectif est de présenter un panorama de l'évolution de l'Égypte contemporaine dans la deuxième moitié du XXe siècle dans les principaux domaines (démographie, urbanisme, économie, éducation, santé, religion, politique, culture, médias, langues etc.). Il poursuit ainsi dans le temps l'ouvrage publié en 1977 par le CNRS (Mantran, 1977) mais dans une perspective totalement renouvelée qui montre combien notre approche de l'Égypte a évolué. Il complète l'excellente somme sur le Caire contemporain publiée par D. Singerman et P. Amar (2006 et 2009), dont il se rapproche dans sa démarche. On y retrouve d'ailleurs une partie des auteurs francophones. Dans chaque partie/domaine, plusieurs articles de fond retracent en diachronie les principales évolutions et transformations et fournissent une bibliographie importante (bien sûr il y manque souvent quelques publications plus récentes dans tel ou tel domaine). On perçoit ici une construction éditoriale rigoureuse et pas simplement une simple juxtaposition d'articles, ce qui fait de cet ouvrage un vrai outil de travail et de références pour tous les chercheurs travaillant sur cette aire et qui garantit sa pérennité pour les années à venir. La plupart des articles s'appuient sur des recherches effectuées dans les années 1990 et au début des années 2000, certains travaux sont déjà connus des spécialistes, mais le regroupement de toutes ces perspectives permet de mieux saisir les dynamiques d'ensemble et de mieux comprendre le (dys)fonctionnement de l'État égyptien sans tomber dans une vision caricaturale et manichéenne.

Un apport important de cet ouvrage est de pointer la dialectique incessante entre volonté d'action étatique et résistance(s) plus ou moins forte(s) de la société, y compris de certains secteurs de la machine administrative égyptienne, ce qui pose d'emblée la question de la gouvernance, non seulement pour l'Égypte mais pour bien d'autres pays. Car il serait faux de concevoir l'État égyptien uniquement comme un État prédateur. Quels que soient le bilan et les critiques que l'on peut faire des gouvernements égyptiens successifs, on ne peut nier leurs efforts ou tentatives pour contrôler, moderniser et réformer la société égyptienne soit à coup de grands projets (les constructions des villes nouvelles, les grands projets d'infrastructures, etc.), soit à coup de réformes économiques (nationalisation à la période nassérienne, libéralisation dans les périodes qui ont suivi). Et il est frappant de voir que ces grands projets et réformes pensés par le haut se heurtent toujours sur le terrain à de multiples formes de résistance ou de négociation qui freinent considérablement leur impact et leur efficacité présumés, et qu'ils sont la plupart du temps détournés au profit d'une minorité (qui peut changer selon les périodes). Un deuxième apport important est le croisement entre données statistiques macro et analyses qualitatives, croisement qui permet de relativiser des évaluations trop globales (quelles soient positives ou négatives) et d'affiner les constats. C'est cette finesse d'analyse qui permet justement de mieux comprendre comment et pourquoi le système est devenu de plus en plus excluant et inégalitaire malgré des réformes supposées relancer la machine économique. Un troisième apport est la composante pluridisciplinaire, la clarté de l'expression et la priorité donnée à la description des faits. Ce dernier point peut sembler banal, mais quand on voit combien les recherches portant sur des aires géographiques ou culturelles spécifiques sont souvent dénigrées au nom de la sacro-sainte spécialisation disciplinaire qui serait la seule à même de produire de la théorie de haut niveau, on ne peut que se réjouir de voir un ouvrage aussi riche du point de vue des données, aussi ancré dans le concret.

Il est évidemment impossible de rendre compte de façon équilibrée de l'ensemble des articles. Chaque lecteur ira faire « sa pioche » en fonction de ses domaines d'intérêt. Les lignes qui suivent ne sont donc qu'un résumé des principales thématiques. On retrouve la plupart des « grands noms » des spécialistes francophones de l'Égypte contemporaine, soit comme auteurs d'articles soit cités dans les bibliographies de référence.

La première partie aborde en huit articles les « fondamentaux » de la société égyptienne : démographie, urbanisation, ruralité qui ont marqué et marquent encore la physionomie du pays. P. Fargues fournit un panorama des mutations démographiques tout au long du xxe siècle et pointe une remontée des taux de natalité depuis les années 1990, remontée en contradiction avec les théories de la transition démographique qui se basent essentiellement sur des facteurs socio-économiques. L'auteur est réticent à recourir à des explications de type culturel (remontée du religieux, poids des valeurs de la famille, etc.) et préfère rester prudent sur l'éventuel impact de cette remontée (phénomène conjoncturel ou de plus longue durée ?). E. Denis offre une analyse extrêmement globale et synthétique du rapport espace/société dans un pays conditionné par l'immensité de son désert (distribution de la population égyptienne, flux migratoires, relation centre-provinces, anciennes et nouvelles zones de peuplement, extension des nouvelles terres agricoles, etc.). Il pointe les limites du volontarisme et l'échec relatif de ces grands projets (constat que l'on retrouve dans beaucoup d'autres articles). Ainsi, sur un siècle, les politiques de conquête des nouvelles terres apparaissent fort modestes et les inégalités entre nord et sud du pays se sont creusées. Les articles qui suivent complètent ce panorama d'ensemble sur des points plus particuliers : l'urbanisation illégale pour M. Séjourné (phénomène qui concerne 28% des Égyptiens et 50% des urbains) qui souligne elle aussi l'échec des grands projets de relogement et des villes nouvelles ; la politique du logement social par B. Florin et le passage d'une action étatique à un investissement privé qui abandonne toute démarche sociale. V. Battesti et N. Puig adoptent eux une démarche plus anthropologique en s'intéressant aux déplacements dans la ville et à son appropriation par les habitants (usages des espaces publics, identités urbaines). N. Hopkins traite de la question cruciale des crises environnementales qui ont vraiment émergé comme question sociale dans les années 2000. Qu'il s'agisse de la pollution de l'air, des traitements des déchets ou de la qualité et quantité de l'eau, les défis sont immenses. Passant aux domaines de l'agriculture, H. Ayeb montre comment la disparition de la sagya et l'introduction de la motopompe induisent le passage d'une gestion collective d'irrigation à une gestion individuelle et s'accompagnent par l'exclusion sociale croissante d'un grand nombre de paysans égyptiens. Enfin l'article de D. Harre aborde les transformations des modes de vie ruraux.

La deuxième partie regroupe six contributions de sciences politiques : quarante années de politique extérieure (S. Pommier), quarante années de politique intérieure de Nasser à Moubarak (T. Aklimandos), l'équilibre politique sous Hosni Moubarak (J. N. Ferrié), la vie politique locale (Sarah Ben Nefisa), le syndicalisme (E. Longuenesse et D. Monciaud), les associations (Milad Yacoub). Ce sont souvent les dernières pages de chaque article qui expliquent la chute du régime de Moubarak et la montée irrésistible des Frères Musulmans : alignement trop pro-américain et israélien pour la politique extérieure (S. Pommier), montée en force de Gamal Moubarak qui arrive à imposer des réformes économiques douloureuses et rapidement impopulaires, glissement d'un nationalisme musulman à un islamisme politique (T. Aclimandos). S. Ben Nefisa analyse finement les contradictions internes de l'appareil étatique au niveau local, le passage inabouti entre État social et État libéral, la montée du clientélisme électoral de type privé. Tous ces articles pointent combien la légitimité et la base électorale du PND (ancien parti au pouvoir) étaient fragiles. Nous citerons ici l'analyse de S. Ben Nefisa qui apparaît particulièrement perspicace à l'aune du résultat des élections législatives de 2011 : « le clientélisme électoral de type privé des hommes d'affaires et des grands commerçants, encouragé par le régime, concurrence de plus en plus le clientélisme de type « public » qui distribue des biens de l'État (les services y compris). le clientélisme islamiste peut être considéré comme une des variantes du clientélisme électoral privé, en conservant des traits originaux… le refus de la décentralisation exprime peut-être une incapacité du régime à contrôler son appareil administratif local et sa propre base. Cette base... sera peut-être capable, si l'occasion lui en est fournie un jour, de voter franchement pour des candidats islamistes présents sur le terrain local depuis déjà plus de deux décennies. »

La troisième partie regroupe huit contributions socio-économiques qui fournissent les clefs pour comprendre les transformations qu'a vécues l'Égypte dans ce domaine et qui, à ce titre, sont des contributions essentielles. Toutes analysent le passage d'une économie étatique à une économie libérale et l'impact destructeur sur le plan social du néo-libéralisme. Toutes soulignent que les mesures et réformes prisent dans les années 1990-2000 par le gouvernement n'ont pas été accompagnées d'un volet social et que l'explosion était imminente. L'excellent article d'économie de l'agriculture de F. Ireton explique les phases du passage de l'encadrement étatique (réforme agraire) à la déréglementation et le retour à partir des années 1990 à une politique d'ancien régime. Même perspective diachronique sur l'histoire de l'économie politique (Kamel Sayyid) et sur l'industrie égyptienne entre 1970 à nos jours (Djoufelkit-Cottenet), sur les réformes financières (N. Bentahar). On soulignera également l'article extrêmement bien documenté de F. Clément sur les conflits sociaux et la pauvreté. Comme dans l'article de F. Ireton, on voit la présence de très nombreux conflit locaux, qui jusqu'en 2011 ne s'étaient pas traduits par un mouvement massif et étaient réprimés au coup par coup mais étaient révélateurs d'un mécontentement de plus en plus fort. Même la relative success-story du développement touristique s'illustre par le fait que ce secteur ne bénéficie au final qu'à un très petit nombre (O. Sanmartin). Cette partie est sans doute celle qui annonçait de la façon la plus claire l'inéluctabilité des mouvements de révolte.

La quatrième partie s'attaque aux fondamentaux sociaux : santé (A.M. Moulin), éducation (L. Herrera, N. de Lavergne,), jeunesse (A. Boutaleb, M. Amer), rapport de genre (E. Ambrosetti) et pratique du droit (B. Dupret et N. Bernard-Maugiron). Chaque article est là encore une synthèse extrêmement bien documentée. À travers les questions de santé, A.M. Moulin touche aux modes de vie, à l'évolution des épidémies et leurs impacts sociaux, au rapport au corps. Pour tous ceux qui s'intéressent à l'éducation, l'article de L. Herrera qui traite à la fois des aspects quantitatifs et qualitatifs est très instructif, particulièrement concernant l'essor de l'école néolibérale. N. de Lavergne rappelle l'importance et même le développement de l'enseignement religieux (via les instituts azhariens), en particulier dans les provinces. A. Boutaleb montre comment la jeunesse est devenue, pour le meilleur et pour le pire, la cible des politiques sociales égyptiennes et des discours politiques. M. Amer décrit les problèmes de l'emploi pour les jeunes et E. Ambrosetti pointe l'inégalité de l'accès au travail pour les femmes. Dans l'emploi comme dans l'éducation, les chiffres globaux qui tendent à indiquer un certain progrès masquent en fait des différences croissantes en fonction des statuts sociaux, des régions, du genre. le long article de B. Dupret et N. Bernard-Maugiron donne à voir à travers l'étude de plusieurs cas précis de jugements (incluant des affaires de divorce, vol, homosexualité, religion, politique, etc. dont certaines emblématiques, comme l'affaire Nasr Abu Zaid ou Saad Eddine Ibrahim), l'application réelle de la justice en Égypte, la coexistence de plusieurs systèmes juridiques et le fait que la charia n'est pas appliquée de façon mécanique.

La cinquième partie, destinée aux questions religieuses, est la plus courte et ne compte que quatre articles. Un sur l'islam officiel et ses relations avec l'État de 1953 aux années 2000 (C. Steuer), un sur les pratiques populaires de l'islam égyptien (V. Battesti), un sur la situation de la communauté copte depuis Nasser (C. Cannuyer) et un sur les courants et tendances actuels de l'islamisme (P. Haenni et H. Tammam). Ce dernier article complète et prolonge celui de Steuer concernant l'individuation des pratiques religieuses, la volonté d'autonomisation et la nécessaire adaptation aux réalités du monde. À ce titre, les nouveaux prêcheurs islamistes sont perçus comme un vecteur de modernisation de la société. Les « purs » qui au départ refusent toutes concessions finissent toujours par devoir composer avec le réel. On retrouve chez ces trois auteurs une volonté de présenter le renouveau islamique de façon dédramatisée, en le mettant en perspective avec d'autres mouvements de renouveau religieux de par le monde. de même, C. Cannuyer souligne tous les paradoxes de la situation des coptes en Égypte, la détérioration de leurs statuts pendant la période nassérienne, le mouvement de renouveau de l'Église copte porté par le pape Cyrille VI qui s'est traduit entre autres par la résurrection des monastères, la relative résilience de la communauté copte, mais également leur marginalisation du champ politique et le conservatisme théocratique de cette Église. Ni catastrophique, ni euphorique, cet article apporte une vision nuancée d'une communauté souvent présentée comme menacée. V. Battesti montre comment s'exerce la piété religieuse populaire dans tous les domaines de la vie quotidienne de la prière, l'excision des filles, les visites aux morts, aux confréries et aux mouleds.

La sixième partie aborde les productions culturelles et médiatiques en sept articles : deux sur les médias (T. Guaaybess pour les médias audio-visuels et E. Klaus pour la presse et les weblogs), un sur les pratiques linguistiques (M. Doss), un sur le cinéma (V. Shafik), un sur la musique (N. Puig), un sur le monde de la littérature de Nasser à Moubarak (R. Jacquemond) et un sur le débat intellectuel (M. al-Ahnaf). Si beaucoup d'observateurs ont insisté sur le déclin de la production culturelle égyptienne et de son rôle dans le monde arabe, il n'en reste pas moins qu'économiquement et socialement l'industrie culturelle égyptienne reste un phénomène extrêmement important et révélateur de l'évolution de la société. Dressant un panorama de l'évolution des chaînes de télévision étatique puis satellitaire égyptiennes de Nasser à nos jours, T. Guaaybess s'inscrit dans tout le courant actuel des recherches sur les médias, recherches boostées par l'explosion des médias satellitaires et privés. À ce titre l'Égypte, qui a investi dans huit chaines hertziennes et dans les chaines satellitaires, est un terrain passionnant pour étudier les rapports entre État et médias, entre politique de prestige et revenus financiers, entre contenus et espaces publics. L'article de E. Klaus touche à une actualité plus récente, celle de l'avènement, à partir des années 2005, des bloggeurs égyptiens qui vont secouer une information jusque là très contrôlée malgré un relatif pluralisme de la presse écrite, du fait du quasi- monopole de quelques grands groupes. Il souligne combien l'essor des bloggeurs est intimement lié à l'essor du mouvement Kifâya et à l'articulation entre le monde virtuel et le monde réel de la contestation. L'année 2005 apparaît donc comme l'année du « tournant » préfigurant les événements de 2011. Pour tous ceux qui n'auraient pas encore compris comment les bloggeurs ont investi l'espace public égyptien, à lire d'urgence ! L'article de M. Doss revient sur l'incontournable concept de diglossie et porte sur un changement important de ces dernières années, l'évolution des pratiques d'écriture et l'usage de plus en plus fréquent de l'écrit dialectal, que ce soit dans les nouvelles technologies, mais également la presse traditionnelle, la fiction etc. Viola Shafik nous livre une synthèse passionnante de l'évolution de l'industrie cinématographique égyptienne qui a su refléter les changements et les négociations idéologiques entre classes sociales. N. Puig décrit les transformations qui ont affecté le statut et l'image des musiciens populaires. R. Jacquemond, grand spécialiste du monde littéraire égyptien, dresse un panorama extrêmement complet du champ littéraire égyptien et des relations entre pouvoir et écrivains de Nasser à Moubarak, panorama incluant une analyse des institutions, des profils idéologiques, des interactions État-écrivains mais également une description de l'évolution des normes et des contenus, du poids de la traduction, de la marge de diffusion et de la question de la réception. Il souligne les liens multiples entre écrivains et médias (journaux, télévisions, radios) qui expliquent le prestige considérable du statut d'écrivain. L'ouvrage se conclut par un très bel article de Mustapha al-Ahnaf (pseudonyme), qui a très bien connu les débats intellectuels égyptiens et qui retrace à la fois les grandes figures, thèmes, supports et visions
Lien : http://remmm.revues.org/7563
Commenter  J’apprécie          30
Il est tout simplement impossible de présenter en quelques lignes un ouvrage de cette taille et de cette importance. Comme l'indiquent les auteurs « L'unité de l'Égypte est trop souvent confondue avec l'uniformité géographique naturelle et une unicité ”ethnique” allant de soi. » Je pourrais ajouter que les dimensions liées au religieux, surtout lorsqu'elles concernent l'islam, sont souvent réduites à des visions eurocentristes et d'un orientalisme certain.

A lire la plupart des chroniqueurs de la presse française, les États sont immuables, les faits lisses et sans contradictions. Les gouvernements passent d'un jour à l'autre d'alliés très recommandables à un statut de dictatures à remplacer par une démocratie la plus limitée possible.

Et quand surgit une révolution, cet événement impensable, ils s'empressent de la contenir et de la déclarer finie dès le premier changement à la tête de l'État.

Qu'en est-il vraiment des contradictions qui s'expriment dans la société, de l'organisation réelle de l'économie et des pouvoirs politiques, des luttes des différents groupes sociaux, des grèves ouvrières, de la reconstruction d'un mouvement syndical, des luttes des femmes pour leur autonomie, des réalités des pratiques religieuses, etc. ?

Ce livre ne répond pas à toutes les questions. Les auteur-e-s présentent cependant beaucoup d'éléments, ouvrent des pistes de discussion, fournissent des informations pour comprendre les contradictions de la société égyptienne, au sens le plus large.

Les différents textes sont regroupés en six parties :

* « Un espace habité étroit et dense : le rural en question, l'urbain en expansion »,

* « Permanence de l'État et éclosion de la société civile »

* « Les vicissitudes et contradictions d'une libéralisation économique »,

* « Les structures du quotidien : soigner, éduquer, travailler et s'ajuster aux normes »

* « Les dynamiques confessionnelles : un islam clivé, un christianisme inquiet »,

* « L'explosion des médias et foisonnement des productions culturelles ».

Trois «dimensions» m'ont particulièrement intéressé : les impacts de la révolution démographique en cours, la corruption aggravée par la ”libéralisation” économique (Plan d'ajustement structurel dicté par le FMI) et les effets de rente (gaz, fonds des travailleurs immigrés, tourisme et versements nord-américains) et les appréciations sur la diversité et la modernité des pratiques et organisations ”religieuses”.

Sur ce dernier point je cite un des auteurs Vincent Battesti « la ”réislamisation” de la société égyptienne est moins un retour à l'islam que la saturation par le référent religieux de la sphère publique qui n'étouffe pas la variété des pratiques des musulmans d'Égypte, qui se renouvellent au gré des changements sociaux. »

Certaines appréciations, en particulier sur les dimensions ”socialistes” des politiques sous Nasser, sont très discutables, des analyses sur certains points devraient être approfondies, en particulier sur le quotidien des égyptien-ne-s et, mais ce n'était pas l'objet du livre, sur les dynamiques qu'ouvrent les mobilisations populaires qui, si elles ont chassé Moubarak, n'ont point encore entamé sérieusement le régime.

Une somme plus qu'utile.
Commenter  J’apprécie          80
Très complet, très juste.
Commenter  J’apprécie          40


critiques presse (1)
LeMonde
27 juin 2011
La richesse de l'ouvrage permet d'éviter quelques idées simplistes pour les mois à venir, comme la construction artificielle d'un "islamisme" homogène que Patrick Haenni et Husam Tammam s'attachent à déconstruire.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
la "réislamisation" de la société égyptienne est moins un retour à l’islam que la saturation par le référent religieux de la sphère publique qui n’étouffe pas la variété des pratiques des musulmans d’Égypte, qui se renouvellent au gré des changements sociaux.
Commenter  J’apprécie          90
L’unité de l’Égypte est trop souvent confondue avec l’uniformité géographique naturelle et une unicité "ethnique" allant de soi.
Commenter  J’apprécie          90

autres livres classés : egypteVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Vincent Battesti (1) Voir plus

Lecteurs (8) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3199 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}