Le dimanche 23 octobre 1530, Guillaume Farel prêche à la collégiale ;
ses auditeurs s’échauffent ; ils brisent des statues, leur coupent le nez et crèvent les yeux d’une image de la Vierge ; le même soir, des soldats
neuchâtelois de retour d’une expédition à Genève – peut-être
frustrés de n’avoir pas pu se battre – mettent à sac la collégiale ;
le lendemain, les bourgeois achèvent méthodiquement l’ouvrage
: ils abattent le crucifix, renversent les autels, dispersent
la vaisselle liturgique et mangent les hosties.
Les partisans de la Réforme commettent le même iconoclasme à Dombresson, à Saint-Blaise, à Valangin ainsi que dans l’abbaye de Fontaine-André, entre Neuchâtel et Hauterive.
Le « plus » peut maintenant avoir lieu. Le 4 novembre, les bourgeois de Neuchâtel votent l’abolition de la messe à une majorité de 18 voix, sans que l’on sache exactement quel a été le nombre de votants.
Le Bas-Valais, sujet francophone d’un Haut-Valais germanophone,
va bénéficier de la forte présence protestante dans ce
Haut-Valais – à Ernen, Brig, Visp, Leuk et Sion. Une présence
réformée plus forte en influence qu’en nombre, puisque le
Valais reste catholique, une présence que l’on qualifie parfois
de « nicodémite » – c’est-à-dire de discrète, voire de secrète, à
l’instar de Nicodème, un personnage biblique qui ne se risque
à rencontrer Jésus que de nuit – mais une présence réelle : dans
le Chablais, vers 1536, on condamne des personnes qui ont
mangé de la viande pendant le carême ; à Saint-Maurice vivent
de nombreuses familles protestantes et des Bibles circulent, au
point qu’en 1555, l’abbé du lieu décide de brûler un lot qu’il a
saisi et qu’en 1559, il écrit un rapport, adressé à Fribourg, pour
dénoncer l’iconoclasme et le refus de respecter le jeûne.
À la fin du XIX e siècle, l’Armée du salut est particulièrement mal accueillie en Suisse romande.
Ses uniformes, son organisation militaire, ses appels trop directs à la conversion dérangent. En 1882, Catherine Booth (1829-1890), la propre fille de William Booth, le fondateur de l’Armée du salut, y prononce des conférences qui déchaînent les passions : des élans de ferveur populaire comme de violentes oppositions.
Conséquence immédiate en 1883, les gouvernements genevois
et neuchâtelois interdisent les réunions salutistes. À Neuchâtel, la loi limitant l’interdiction aux réunions « en soirée », les salutistes s’autorisent à se réunir en journée, dans des maisons ou des appartements privés, comme à Grandchamp, dans la propriété du pasteur Félix Bovet.
Le gouvernement neuchâtelois interdit alors « toute réunion quelconque et en quelque lieu que ce soit », une interdiction qui vaut à Catherine Booth d’être arrêtée, incarcérée dans la prison de Neuchâtel, puis jugée au tribunal de Boudry.
Le cadre de pensée du XVIe siècle, y compris dans la
Suisse romande protestante, rend alors plausible la
sorcellerie : on croit que des femmes reçoivent du diable
le pouvoir de faire du mal ou l’interdiction de faire du
bien. Au xviie siècle, quand on cesse d’y croire, on
commence à interpréter ce qui pourrait apparaître
comme un cas de sorcellerie au travers d’autres cadres
de pensée.
Ainsi, en 1757, quand un cas de sorcellerie est
évoqué à Évilard (Berne), on envoie une délégation
composée notamment d’un pasteur et d’un médecin
pour statuer ; refusant la qualification de sorcellerie,
la commission préfère alors porter un diagnostic
médical : le village souffre « d’hystérie collective ».
En 1868, le penseur français Fernand Buisson (1841-1932), réfugié à Neuchâtel, donne des conférences sur la réforme de l’enseignement primaire. Il y dénonce un enseignement basé sur l’Ancien Testament qu’il juge immoral et propre à favoriser la superstition.
Entre décembre 1869 et février 1870, Félix Pécaut (1828-1898), un pasteur français, anime des assemblées « libérales » à La Chaux-de-Fonds, au Locle, au Val-de-Ruz, à Neuchâtel – on lui concède le Temple du Bas – et même à Saint-Imier. En 1872, le Grand Conseil impose à l’Église nationale de faire une place au christianisme libéral.