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Critiques filtrées sur 2 étoiles  
J'ai DETESTÉ ce roman prétentieux, reflet d'une grande bourgeoisie qui s'ennuie. Je ne me suis prise un peu au jeu que vers la page 370. Voici 4 raisons de ma déception :

1) Dès les premières lignes, l'histoire est baignée d'un existentialisme que j'ai trouvé assez puéril. Je vous le récapitule : « J'ai une conscience, et le monde extérieur existe à travers ma conscience. Mais autrui aussi a sa propre conscience. Donc, le monde qui existe pour moi, existe aussi pour autrui ? Et moi-même, je ne suis qu'une image pour autrui ? C'est effroyable, je suis dépossédée de mon univers et de mon identité ! Il n'y a qu'une solution, détruire la conscience d'autrui ! » Voilà, j'ai résumé le livre et le propos philosophique. Je vous épargnerai les considérations naïves sur l'absence de conscience des vieux vestons (je vous assure qu'il y en a, page 146). Pour vous prouver ma bonne foi, je vous cite quand même ce passage, parmi tant d'autres : « on ne peut pas réaliser que les autres gens sont des consciences qui se sentent du dedans comme on se sent soi-même, dit Françoise. Quand on entrevoit ça, je trouve que c'est terrifiant : on a l'impression de ne plus être qu'une image dans la tête de quelqu'un d'autre. » (page 18 édition folio 2019).

2) Ce roman est également exécrable pour ses personnages, qui sont désespérément vides et antipathiques, en particulier Xavière, Pierre, Françoise et Elisabeth (presque tous à part Gerbert, que j'ai bien aimé.)

La première, Xavière, est une jeune fille ignare, capricieuse, perverse, manipulatrice et totalement oisive. Oh, pardon, elle a quand même une qualité : d'après Pierre, il y a un certain mérite à être à ce point inactif : « mais tu sais, quand on pousse l'inertie jusqu'au point où elle la pousse, le nom de veulerie ne convient plus, ça prend une espèce de puissance. » (page 163). Ben voyons. Contrairement à ce que les personnages essaient de nous faire croire, je ne trouve Xavière ni intransigeante, ni libre, ni mystérieuse. On se demande bien pourquoi Pierre et Françoise s'entichent d'une pareille grue, qui finit par les encombrer plus qu'autre chose. du coup, j'ai eu beaucoup de mal à croire à cette histoire de trio amoureux, d'ailleurs passablement malsain (mais j'y reviendrai).

Le second, Pierre, est un homme ombrageux, égoïste, presque aussi capricieux et manipulateur que Xavière. Ses moments de tendresse mis à part, il ne songe qu'à son théâtre et ses histoires de coeur, même quand Françoise tombe malade. Il est l'instigateur de ce « trouple » qu'il prétend vouloir harmonieux, mais en réalité, il en est le centre : il dispose des deux dames qui, entre elles, n'ont pas vraiment de relation intime ; tout juste sont-elles amicales (et encore). Pendant la moitié du roman, il n'écoute pas les inquiétudes de Françoise et ne laisse pas son libre arbitre à Xavière : lorsque celle-ci s'intéresse à un autre homme (avec lequel elle finira par coucher pour le narguer), Pierre boude, inflige à tout le monde sa mauvaise humeur, bref, il n'admet pas loyalement que Xavière, si détestable soit-elle, puisse être libre au même titre que Françoise ou lui-même.

Françoise est plus conciliante, encore que ce soit uniquement par contrainte, puisqu'elle passe tout le roman à geindre sur ce ménage à trois qui ne la satisfait pas ; et néanmoins, elle s'y raccroche à chaque fois que Pierre envisage d'y mettre un terme. C'est un personnage vide, triste, qui ne désire rien, qui ne pense rien durablement, Françoise elle-même s'en rend compte. Même son propre visage lui apparaît comme un masque extérieur à elle ! Quel est l'intérêt de créer ce genre d'héroïne ? A la fin, elle trouve finalement au fond d'elle la capacité de désirer… mais pour cela, elle commet des actes pas franchement moraux (je ne vous spoile pas).

Elisabeth, enfin, passe son temps à jouer un rôle, à essayer d'incarner sa propre vie, et même le goût du succès est encore inférieur à l'idée qu'elle s'en faisait. Elle ne cesse de tourner en rond, aussi bien dans ses relations amoureuses que dans ses réflexions philosophiques. Je vous la mime : « si je m'interroge sur la vacuité de mon existence, ne suis-je pas au même instant en train de jouer mon propre rôle ? Donc, même quand je crois critiquer mon rôle, je suis encore en train de le jouer ? »

3) le pire, c'est que ces personnages ne sont pas véritablement des fictions ! Ce sont des émanations autobiographiques : Françoise Miquel, l'écrivaine sage et un brin coincée, c'est Simone de Beauvoir ; Pierre Labrousse, le littéraire qui séduit les femmes par son intellect, c'est Jean-Paul Sartre ; Xavière Pagès, c'est Olga Kozakiewicz. Elisabeth Labrousse, c'est Hélène de Beauvoir ; Gerbert est sans doute inspiré d'un amant de Simone de Beauvoir, peut-être un mélange de J-L. Bost et d'A. Algren. En quoi est-ce gênant, me direz-vous ? Cela m'agace parce que la réalité et la fiction se mélangent bizarrement : on ne sait plus très bien où s'arrêtent la vie et la personnalité de Simone de Beauvoir, et où commencent celles de Françoise Miquel. Est-ce que Sartre, De Beauvoir et toute la clique étaient aussi condescendants, désabusés, superficiels et oisifs que le laissent penser leurs doubles romanesques ? En tous cas, ce récit m'a donné (peut-être à tort ?) une vision négative de ces intellectuels, surtout quand on lit des passages aussi prétentieux que : « Ils étaient là, trois intellectuels français qui méditaient et devisaient dans la paix inquiète d'un petit village de France, en face de la guerre qui se levait. Sous sa trompeuse simplicité, cet instant avait la grandeur d'une page d'histoire. » (page 469).

Françoise, Pierre et Xavière se sentent supérieurs à tout le monde, en particulier à Elisabeth et aux Rouennais. Je cite : « Je les hais, dit Xavière. Je hais cette ville crasseuse, et les gens dans les rues avec leurs regards comme des limaces. » (page 24) ; « C'est dommage qu'elle pourrisse à Rouen. (…) La pauvre gosse, elle m'a fendu l'âme. Ça l'écoeure tellement de rentrer à Rouen. » (page 27). Ils s'ennuient malgré leurs nombreuses distractions, à savoir boire, danser et décortiquer des crevettes sur les banquettes des bistrots (d'ailleurs, la fonction de Xavière, c'est tout bonnement de réenchanter leur vie quotidienne) ; ils croient leurs états d'âme intéressants et originaux (exemple édifiant : « après toutes ces années d'exigences passionnées, de sérénité triomphante et d'âpreté au bonheur, allait-elle devenir comme tant d'autres, une femme résignée ? » page 417. Merci pour les « autres » au passage.) Et contrairement à ce que leurs opinions féroces pourraient suggérer, on a l'impression qu'ils ne font pas grand-chose de leur vie : certes, l'un fait du théâtre, l'autre écrit l'histoire de sa vie, mais visiblement ils ont le loisir de boire toute la nuit et de s'auto-analyser tout le jour, vivant aux crochets d'une certaine tante Christine - qu'ils ne se privent pas de mépriser.

4) Enfin, ce ménage à trois, qui n'en est pas vraiment un, est déséquilibré et oppressant : personne n'y trouve son compte, les personnages ne sont aimables entre eux que par calcul ou par caprice, et éprouvent les uns envers les autres des relations de domination (au début du roman, Françoise éprouve du plaisir à l'idée que Xavière lui « appartient », et, pour mieux la posséder, elle désire connaître les moindres détails de sa vie personnelle, même les plus prosaïques : « Avez-vous fait un shampoing ? Qu'avez-vous mangé ? Je veux tout savoir. » etc. Ensuite, c'est à Pierre que Xavière appartient.) Bref, nos trois « amis » n'en finissent pas de se quereller, de se disputer l'amour de Pierre, de jouer au chat et à la souris, et de psychanalyser Xavière, qui ne mérite pas tant d'intérêt pourtant. Et cela dure 500 pages ! Franchement, qu'est-ce qu'on s'ennuie ! Autre élément dérangeant : à plusieurs reprises, Xavière est comparée à « une toute petite fille » et c'est dans ces moments-là que Françoise l'aime le plus… heu, okay ? Je vais arrêter là ma critique parce que le simple fait de me remémorer ce bouquin m'énerve ;-)

Je mets deux points pour l'épaisseur du livre, qui prouve un certain travail, et pour le nom de Simone de Beauvoir qui fait bien dans la bibliothèque.
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Le saphisme doux chez les intellectuels. Une Xavière qui peut séduire malgré un prénom rebutant.
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Ayant lu cette histoire bizarre d'un ménage à trois De Beauvoir, je ne comprends absolument pas pourquoi, finalement, Françoise a tué Xavière. La jeune femme était totalement dépendante du couple Pierre/Françoise. Tout ce qu'il fallait faire, dans ces conditions, c'est rompre la relation entre le couple et Xavière et la renvoyer en Rouen.
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