"Le fait de vivre le supplice de Sisyphe affirmait
Albert Camus,signifie que l'on vit une situation absurde répétitive dont on ne voit jamais la fin ou l'aboutissement"
Ici, point de caillou à rouler indéfiniment,point trop d'effort à fournir pour les deux vagabonds Vladimir dit Didi et Estragon dit Gogo qui se roulent les pouces sous un arbre, ou plutôt si, un caillou symbolique, celui du jour qui monte et redescend sa pente,et revient indéfiniment car jour après jour,s'enclenchent inlassablement des jours d'attente.
Et ils attendent quoi ces deux ostrogoths?
"-Allons nous en!
-On ne peut
pas.
-Pourquoi?
-On attend Godot."
Godot! God, Dieu,retour au ventre de la mère,mort ou rien?
Nul ne sait,
pas même
Samuel Beckett qui a écrit le texte.Anti-théatre qui a fait scandale tout en rendant la pièce célèbre.Théatre de l'absurde à contre sens de toute logique.
Ils attendent un sauveur qui ne vient
pas,ce que l'auteur a contesté.
Pieds et poings liés à Godot, ils ont beau parler,rire,chanter,s'engueuler,s'interroger,se démener,s'impatienter,essayer en vain de se pendre car la mort serait leur seule consolation, ils restent là, tels qu'ils sont, avec leur mal de vivre,leur vide existentiel.
"-Si on se repentait?
-De quoi?
-Eh bien,on n'aurait
pas à entrer dans les détails.
-D'être né?"
Débarquent deux autres gugusses.Pozzo le maître inhumain et Lucky, l'esclave porteur de bagages remplis de sable, le "knouk" traité comme un chien.
"Debout charogne!"
Le cou, lacéré par la corde est à vif. le fouet claque.
"C'est une honte!" s'écrie Vladimir.
"C'est un scandale!" recopie Estragon,
pas trop convaincu tout de même.
"Danse pouacre!" "Pense porc!" "Hue!"
Pozzo est ignoble, les ordres pleuvent,le bouffon exécute, mais les deux zouaves s'y mettront bientôt aussi à cette ignominie.
Et l'autre pleure mais accepte son sort sans se rebeller.
Ainsi est la nature humaine.
Ils jouent à être quelqu'un comme dans
L'être et le néant de
Jean Paul Sartre.
Qui?
Laurel et Hardy,
Don Quichotte et Sancho Pansa? le plus énergique et le plus faible? L'adulte et l'enfant?
Sade et sa Justine?
Une vision du monde dominée par le dégout et le désespoir et l'"être là" gratuit des choses.L'homme est le seul artisan de sa manière de vivre prônent les existentialistes, le bonheur est illusoire.
A quatre, ces personnages, représentent un microcosme.
Ainsi que l'affirmait
Schopenhauer :vivre avec les autres est difficile,mais il nous est difficile de vivre sans eux.
Vladimir et Estragon voudraient bien se quitter mais une étrange corde, comme celle qui attache Lucky à Pozzo, les relie.
Un sot reste un sot, dit encore ce philosophe pessimiste, un balourd demeure un balourd seraient-ils entourés des houris du paradis.
"-Tu connais l'histoire de l'anglais dans un bordel?"
"-Assez!"
"-Pardon!"
Une pièce entre rêve et réalité où les distorsions du temps font qu'en un jour Pozzo devient aveugle et Lucky muet,à moins que ce soit une semaine, un mois qui sait? Nul ne sait!
A la manière surréaliste,tout se dérègle.
Et l'attente revient encore et encore car le garçon
passe pour les avertir,pour NOUS avertir: "Il ne viendra
pas ce soir".
Samuel Beckett, écrivain irlandais(1906-1989), installé à Paris en 1937 a commencé à écrire certaines de ses oeuvres en français en 1945.
En attendant Godot a été publié en 1952.
En 1969, lui a été attribué le prix Nobel de littérature.