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4,08

sur 954 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Terrible et magnifique !
Quand la « grande histoire » nous rattrape par les tripes avec le quotidien de ceux qui l'ont vécu, pensé, craint et ressenti dans leur chair.

XIX ème siècle. La colonisation algérienne. L'alternance de deux voix successives, de deux pensées plutôt pour évoquer le quotidien.
Celle de la mère d'une famille de colons. Ses plaintes, ses terreurs en découvrant l'Algérie puis leur vie misérable et dangereuse.
« Sainte et sainte mère de Dieu, si j'avais su ce qui nous attendait, nous autres colons »
Celle d'un soldat d'un bataillon. Les ordres d'un capitaine sanguinaire, l'engrenage dans la barbarie habituelle, puis banalisée.
Le capitaine, « de sa voix d'ogre » : « Ça veut dire que nous serons sans pitié, nom d'un bordel ! ça veut dire que nous n'hésiterons pas à embrocher les révoltés un par un, brûler leurs maisons, à saccager leurs récoltes, tout ça au nom du droit, de notre bon droit de colonisateurs venus pacifier les terres trop longtemps abandonnées à la barbarie, comprenez-vous bien soldats, ce que cela signifie ? »

L'absurde ou le pire (mais toute guerre ou toute colonisation n'est elle pas absurde ?), c'est que les exactions des soldats français retombent obligatoirement sur les colons.

Il n'y a pas de jugement de la part de Bélezi sur les hommes à cette époque. C'est bien plus fort que cela. C'est toute une pensée, un paradigme qui sont remis en cause. Dont on voit sur le terrain, en chair, en sang et en larmes ce qu'il signifie et ce qu'il provoque.
Un magnifique plaidoyer contre toutes les guerres, contre les horreurs et la barbarie.

L'écriture semble erratique, comme l'est le cheminement de la pensée, sans filtre, sans recul, devant le quotidien, « hantée par Faulkner » ( comme l'indique l'éditeur). Et je suis d'accord d'autant plus que j'avais adoré « le bruit et la fureur », et que j'en garde un souvenir précis.
Même si Mathieu Bélezi n'est pas allé aussi loin que l'écrivain américain, qui ne finissait pas souvent les phrases des protagonistes qui s'exprimaient. Comme lorsqu'on pense : on passe d'une idée à une autre sans parfois terminer la première.

Un magnifique roman, consacré par le Prix Inter 2023, largement justifié.
Chapeau bas, Mathieu Bélezi !

https://commelaplume.blogspot.com/
Instagram : comme la plume
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Bonsoir,
Un livre sur la colonisation, sur l'Algérie, sur les massacres au 19 ème siècle avec "Attaquer la terre et le soleil", de @Mathieu Belizi chez le Tripode. Un livre dur sur un épisode de colonisation dont j'ignorai tout, un livre violent à deux voix, celle d'un soldat de l'armée française, venu pour évangéliser et massacrer les rebelles et celle d'une agricultrice du Nord de la France venue là avec sa famille sur les promesses d'un gouvernement français, promettant des surfaces de terre à cultiver et qui espère une vie meilleure pour sa famille.
Un livre relatant la violence de la guerre et la violence pour ces nouveaux colons arrivant dans un monde qu'ils ne connaissent pas et dans une misère encore plus grande que celle qu'ils connaissaient en métropole.
J'ai aimé découvrir cette plume brute incisive dans cet ouvrage.
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L'Algérie
Je percevais juste quelques brides de cette guerre dans laquelle mon père a combattu lors de ses 20 ans . Il ne nous en a jamais parlé. A priori il a vu, peut être subit.... peut être même fait subir des horreurs .
Mais jamais je ne m'étais interrogée sur les premiers colons, sur leur arrivée, leur implantation sur cette terre si différente de notre si orgueilleuse France .
Combuen d'horreurs l'être humain est il capable de faire .... en justifiant qu'il est le sauveur, le défenseur, qu'il est dans son droit !

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La colonisation en Algérie au 19ème siècle vue par une femme Séraphine et un soldat, à tour de rôle, ils racontent pour l'une l'installation en milieu inconnu et hostile et pour l'autre les exactions permises par la conviction d'être là pour civiliser les "sauvages". C'est un livre très fort, très cruel, qui fait penser à la conquête de l'Ouest aux États-Unis, le même désir de commencer une autre vie même si c'est au détriment des peuples autochtones, mêmes pulsions de violence sous couvert de civilisation. Un roman marquant !
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C'est le 19ème siècle. C'est l'Algérie. Et c'est la guerre. Car alors la France entend coloniser cette terre.

D'un côté témoignent des civils, des Français, à qui on a dit qu'ils obtiendraient une terre et la cultiveraient. C'est la voix d'une femme, mère de famille, qu'on entend.
D'un autre côté, des Français, des soldats, à qui on a dit qu'ils nettoieraient le pays, pour la gloire de la nation. Cette fois, c'est la voix d'un de ces soldats qui endosse le récit.
Tous et toutes suivent un chef militaire : le capitaine. Sanguinaire, violent, fou et obéi de tous, aveuglément.

Le récit est terrible.
Il dit les hommes en uniforme devenus des bêtes. Il dit le sang, la violence et la barbarie. le viol, l'alcool et la peur. La maladie implacable, toute puissante et la mort. La foi qui vacille et la douleur pour tous. La sauvagerie est extrême chez des humains qui n'en sont plus.

Ce roman m'a profondément remuée. L'auteur n'a rien édulcoré, n'a pas cherché à expliquer comment de telles ignominies peuvent être le quotidien de la guerre. Comment les hommes peuvent rendre la vie si laide et se changer ainsi en monstres. La forme choisie, celle d'une narration-témoignage, donne une puissance accrue aux mots. Il n'y a pas de narrateur extérieur pour mettre les faits à distance et nous en protéger.
Plus encore, la peinture de cette horreur est servie par une écriture si maîtrisée que ce contraste entre la virtuosité du langage et la cruauté des évènements fait de ce récit puissant un implicite manifeste pacifiste, brut et sans fard.

Une claque et un grand texte.

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Je n'écris pas que des chroniques !
Découvrez mes deux romans :
"Le soleil ne brille pas pour tout le monde" et "Les Naufragés" .
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L'histoire : Algérie, 1840, colonisation et pacification. le récit nous est fait par deux narrateurs, en alternance : d'un côté Séraphine, qui arrive avec son mari, leurs 3 enfants, sa soeurs etc., au milieu de tout un groupe de colons à qui on a fait miroiter moultes richesses ; de l'autre côté un soldat, au milieu de son régiment chargé de pacifier le pays, via des razzias radicales.



Mon avis : un court livre très agréable à lire, qui ne brosse personne dans le sens du poil. Un portrait au vitriol, et probablement assez réaliste, de la colonisation. Séraphine, très désillusionnée, subit les coups du sort avec résignation jusqu'à un cetain point. La difficile vie dans les camps militaires où sont d'abord parqués les colons, le soleil écrasant, le travail harrassant, le manque d'hygiène, les épidémies. Ses émotions et sentiments sans cesse mis à rude épreuve, et son récit ponctué de "sainte et sainte mère de Dieu". le soldat, lui, emploie un ton à l'humour cynique, pour nous raconter les massacres (d'humains et d'animaux), souvent gratuits, les prises de villages, les viols, les vols, la réduction en esclavage, la soif de sang, l'adoration de tous pour leur capitaine, dans un récit ponctué de "nous ne sommes pas des anges". Et dans les deux narrations, les raisonnements pernicieux, et la rudesse des conquérants. le style est particulier : sur un souffle, très très peu ponctué de points, on passe d'un paragraphe à l'autre sans point ni majuscule à l'intérieur d'un chapitre, on avance, droit devant, coûte que coûte, pas de fioriture, pas de formules bienséantes, rien d'inutile, rien qui dépasse. C'est une mise en forme qui va bien avec le fond du propos.

Un livre qui laisse une impression de sable et de terre dans la bouche, de chaud sec et humide à la fois sur la peau, de brutalité subie et de résignation. Tout en donnant à comprendre humainement les motivations profondes des gens ordinaires qui se sont lancés dans cette folle aventure. Un excellent roman qui me semble proposer une hypothèse d'une grande justesse dans son analyse de cet épisode historique.
Lien : http://ploufsurterre.canalbl..
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Au milieu du XIXe siècle (vers 1840 ?), Séraphine et son mari embarquent à Marseille avec leurs enfants, sa jeune soeur et son conjoint pour gagner l'Algérie. Là, près De Bône on leur a attribué une terre à défricher. Ils ont quitté Aubervilliers, délaissant leur famille et leurs maigres possessions, espérant trouver le paradis promis par le gouvernement français, et participer ainsi au développement de ces terres récemment conquises.
Très vite, ils déchantent en arrivant sur ces terres arides qui n'ont jamais vu une charrue. Ils ne manquent pourtant pas de courage. Rien n'est fait pour les accueillir, et il leur faut s'adapter à des conditions de vie très rude. Il leur faut d'abord faire connaissance avec cette nature sauvage qui les entoure. Mais ils comprennent très vite que le plus grand danger vient des autochtones. En effet, victimes de la colonisation, ces derniers ne cherchent plus qu'à se venger, n'hésitant pas à attaquer les colons isolés.
La météo s'en mêle et le choléra frappe la petite communauté déjà bien mise à mal par la chaleur excessive qui s'est installée après les orages diluviens de l'hiver.
Peu à peu, les drames successifs émoussent le moral des familles et Séraphine se met à douter de l'utilité de leur présence ici sur ces terres qui ne leur appartenaient pas et qui ont été volées à ceux qui y sont nés.
Le texte alterne le récit de la vie quotidienne et familiale de Séraphine et des autres colons (tous les chapitres où elle s'exprime sont intitulés "rude besogne") et celui d'un soldat qui raconte la guerre (tous les chapitres s'intitulent "bain de sang"). Il nous donne tous les détails sur les viols, les assassinats des femmes et des enfants, le massacre de villages entiers qui seront rayés définitivement de la carte pour assouvir les seuls besoins en nourriture, abri et sexe des soldats.
Ces derniers sont d'une cruauté épouvantable, suivent aveuglément les ordres de leur capitaine, oubliant leur humanité, incapables qu'ils sont de voir des êtres humains en face d'eux, tant les slogans colonisateurs leur montent à la tête. Nous nageons en pleine barbarie, le texte décrit ces horreurs en employant les mots propres aux colonisateurs. Ils dominent le monde, on leur a ordonné de le faire mais ils ne savent pas réellement pourquoi ils sont là et pourquoi ils font tout ça.
Le lecteur s'il en doutait, prend conscience de la folie des hommes, du bain de sang que représente toute colonisation, mais aussi de l'absurdité de la démarche des colons qui tentent de soutirer de la terre ce qu'elle leur refuse.

C'est un roman très dur et sombre qui montre toute l'absurdité de la colonisation et la cruauté d'un tel acte qui arrache aux autochtones leur droit de vivre sur leurs terres, eux qui n'avaient rien demandé.
Les réflexions de Séraphine sont d'une grande lucidité. Elle comprend qu'elle a été manipulée, qu'elle n'a rien à faire là sur cette terre qui ne lui appartient pas, que c'est anormal de la prendre à ceux qui y vivent depuis toujours. Elle qui est un être simple, ne demandant que le bonheur pour sa famille, a vécu tellement de drames, a vu tellement de souffrances qu'elle comprend que la seule issue est de ne plus participer à ce massacre collectif.
J'ai aimé la force qui émane de son personnage. C'est une femme exceptionnelle pour son époque. Pourtant, elle utilise une langue simple pour nous raconter sa vie quotidienne. Mais toute la force de ce roman est justement dans la simplicité du récit, car Séraphine s'adresse à nous sans un mot de trop, sans pathos, comme si nous étions en face d'elle et nous sommes touchés en plein coeur. Dans les chapitres concernant Séraphine, l'auteur ne met pas de majuscules ou de ponctuation. Cela ne m'a pas gênée, car cela contribue à nous donner cette impression de transmission orale. Je vais même vous avouer que je ne m'en suis aperçue que tardivement !
Ce roman puissant est le lauréat 2022 du Prix "Le monde".

Lien : https://www.bulledemanou.com..
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J'ai été tenue en haleine tout le long de l'ouvrage.
Le style est effréné ! Peu de ponctuation, pas de majuscules, au bout de deux pages je m'y suis habituée et j'ai pu me plonger dans ce récit à deux voix, c'est un livre court mais extrêmement fort.
J'ai pu voir l'horreur, subit ou prodiguée.

C'est dur, l'émotion me gagnait au fur et à mesure que le livre défilait sous mes doigts.
A lire, avec le coeur bien accroché !
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Étrange narration qui se compose de phrases interminables avec des retours à la ligne surprenants et des changements de sujets et rarement des majuscules ou des points. Ça donne l'impression d'une coulée de boue longue et dévastatrice que rien n'arrête. Et cette coulée de boue, c'est le désespoir de la narratrice, Séraphine, qui découvre l'Algérie, à la moitié du XIXème siècle, où elle va devoir vivre avec son mari et ses enfants. Cette coulée de boue c'est aussi les tourments que les soldats infligent aux autochtones.

Ce roman nous raconte la colonisation de l'Algérie au milieu du XIXème siècle, dans ce qu'elle a de plus tragique. Des français sont partis là-bas en espérant une vie meilleure car c'est ce qu'on leur a fait croire, et ils ont rencontré la pire misère qui pouvait leur arriver. Car si le voyage a été dur, l'arrivée en Algérie a été effroyable.
Il y a les chapitres contés par Séraphine, le point de vue des colons et leur désillusion, nommés RUDE BESOGNE, puis ceux contés par un militaire, violents et sanglants, nommés BAIN DE SANG, qui nous parlent de rapines, de viols, de meurtres.
Chacun leur tour ils nous racontent la face cachée de la colonisation.

On passe d'un chapitre à l'autre, d'une voix à l'autre, et on voit que les prétendus sauvages ne sont pas ceux que l'on pourrait croire. En tout cas, c'est un autre récit des faits que ce qu'on nous a toujours raconté. Les colons d'un côté, qui au milieu de cette terre aride vivent dans la terreur du choléra, du paludisme, des animaux sauvages, et des indigènes qui veulent les massacrer pour garder ce qui est à eux.
Puis les militaires, qui viennent civiliser ces "sauvages" en les égorgeant, les humiliant, violant leurs femmes, pillant leurs réserves, les chassant de leurs villages. le cynisme est de rigueur car il faut bien justifier ses actes et se persuader qu'on a raison de faire ce qu'on fait, que c'est pour le bien de tous.

En 153 pages l'auteur nous emmène au fin fond de l'enfer de la colonisation auprès de ces civils et de ces soldats, chacun maudissant les barbares locaux qui eux ne faisaient que se défendre des barbares occidentaux venus tout leur prendre.
Ce livre vous attrape, vous enserre le coeur et l'esprit et vous n'avez plus envie de le lâcher.
C'est cru, c'est dur, et raconté avec une prose étrange et envoûtante qui m'a fait l'effet d'une lame de fond, lente, dévastatrice, inéluctable, scélérate.
Lien : https://mechantdobby.over-bl..
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A ceux qui n'ont pas encore découvert ce roman, foncez chez votre libraire et courez vous le procurer. Ce livre est une pépite !

Le sujet : les débuts de la colonisation algérienne dans les campagnes. Nous sommes dans les années 1840
Séraphine et sa famille s'embarquent pour l'Algérie convaincus par les arguments de la République française de contribuer à la colonisation de ces « terres de barbarie ». Ces nouveaux colons ne sont-ils pas « la force, l'intelligence, le sang neuf et bouillonnant » dont la France a besoin ? Et sur ces terres hostiles, ils seront protégés par l'armée française. C'est l'autre voix de ce roman.

Très rapidement le ton est donné « Il était loin le paradis que le gouvernement de la République nous avait promis, et on n'était pas près de l'atteindre ». Sur ces terres où « il n'y avait rien à voir, des broussailles, de la rocaille, et des nuages si bas qu'ils donnaient envie de disparaître sous terre » ils vont tenter de survivre.

L'autre voix est celle d'un soldat de l'armée française dans cette campagne de « pacification ». Son récit se nourrit avidement et presque exclusivement du sang de ces arabes, du viol de leurs femmes, de la destruction de leurs village. C'est abject, au point d'en rendre la lecture parfois insoutenable. Dans ce récit de combat à armes inégales, une petite voix tente de se faire entendre pour dire la barbarie de ces soldats français. La réponse est immuable « on n'est pas des anges ».

Autant le récit de Séraphine est doux, comme bercé par la fatalité, autant celui du soldat est violent et d'un cynisme sans nom. Ce roman est d'une puissance et d'une intensité comme j'ai rarement eu l'occasion d'en lire, phénomène accentué par cette ponctuation privée de points. Les phrases s'enchaînent pour dire la difficulté de ces colons agricoles et l'inhumanité des soldats français, les affres de la colonisation. Pas de points donc, seulement les germes d'un désastre annoncé.

Superbe !
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