« Elsa Weiss n'avait pas choisi ce qu'elle devait enseigner ...Elle n'insufflait pas de la vie dans les matières , ne faisait aucun effort pour nous intéresser ou piquer notre curiosité .
C'était la tyrannie qui arrachait les cours à la routine lassante de la grammaire et de la composition , de l'anglais parlé, la tyrannie aussi qui suscitait l'intérêt .... »
Extrait de ce roman- enquête , original qui pose de nombreuses questions , fait réfléchir sur le récit d'une absence au monde et une très lente et totale disparition....
L'auteure :
Michal Ben- Naftali , tente d'inventer le roman « vrai » , de cette mystérieuse prof d'anglais, sa « prof », ( elle - même devenue éditrice, traductrice vers l'hébreu et auteure ) ..qui se suicida, au début des années 80....une fin brutale, violente, inévitable, un aller sans adieux comme si elle n'était que poussière des chemins et rien d'autre ...
L'auteure mène une enquête passionnante en reconstituant la vie de cette femme mystérieuse , enfance et adolescence en Hongrie.
Elsa Weiss passe quelques mois dans le ghetto de Kolozsvár, puis survient l'épopée du « train Kastner » du nom de l'avocat qui négocia avec les SS la vie sauve d'un millier de déportés qui ne devaient que « passer » par le camp de Bergen - Belsen. (Elsa Weiss survécut dans ces circonstances extraordinaires ,...)
Ensuite elle arrive en Suisse puis c'est le départ pour Israël où elle enseignera dans un grand lycée de Tel- Aviv ....Elle eut l'auteure comme élève entre autres ...
C'est un livre ambigu et court ( 200 pages ) à la fois historique et intime , une sorte de voyage entre vécu réel et fictions de l'âme.
Il n'est pas aisé de déterminer l'ineffable discrétion , la nature exacte des engagements, les résonances infinies et totalement impénétrables de cette rescapée de la Shoah, sans aucune vie sociale , qui avait échappé à l'extermination nazie mais qui n'en parlait jamais ....
Ce livre bien écrit mais un peu froid intellectualise et traduit le mystère insondable de cette Elsa Weiss , basé sur son histoire « vraie ».
Il suscite de très nombreuses questions et interrogations .
L'auteure utilise le langage et la littérature pour sonder l'effacement volontaire d'Elsa Weiss , tout en l'inscrivant à jamais dans la mémoire de ceux qui l'ont connue , semblent l'avoir connue, frôlée sinon, comme ses élèves ... « C' était une professeure qui ne laissait voir aucune saute d'humeur .
Il était impossible de s'identifier à elle ou de vouloir lui ressembler .Elle ne servait pas de modèle. Elle était exactement ce que l'on ne voulait pas être .... »
Une femme qui ne voulait pas que l'on se souvienne d'elle.... « Chaque être crie en silence pour être lu autrement . »
Une quête impossible ?
Qui échappe au lecteur curieux comme à l'auteure semble t- il?
Une critique pas facile pour traduire correctement ses impressions ....
« Car c'est une image irrécupérable du passé qui risque de s'évanouir avec chaque présent qui ne s'est pas reconnu visé par elle.. »
W. Benjamin.
Roman traduit de l'hébreu par Rosie Pinhas - Éditions
Actes Sud .