Au mois de juin 1899, le musée du Luxembourg, continuant la série de ses expositions des principaux maîtres des arts graphiques, ornait sa petite salle, bien connue aujourd'hui du public, de l'ensemble des lithographies de Fantin-Latour. C'était à ce moment-là une véritable nouveauté, car, bien que depuis vingt ans cet artiste n'eût guère manqué de Salons, aussi bien comme lithographe que comme peintre; bien que, déjà, un certain nombre de grands musées étrangers eussent pris à cœur de recueillir ces belles images qui leur paraissaient une des formes les plus délicates et les plus pénétrantes de l'idéalisme français contemporain ; bien que ces productions eussent préludé au grand mouvement de renouveau lithographique et que l'auteur fût hautement considéré comme l'initiateur et le doyen de la corporation, tout cet oeuvre lithographique était très mal connu, et qui plus est, méconnu.
J'ai dit que Fantin-Latour était un dérivé du romantisme. Ce n'est pas lui qui s'en plaindra. Nature exaltée au fond, bien que coule il avait besoin non point seulement de s'animer au spectacle attachait de la vie des êtres et des choses, mais aussi de chercher, dans ces êtres secrets qu'il s'appliquait à faire saillir clans la palpitation de l'air et de la lumière, ce qu'il avait en eux de noble, de créateur, de génial, de divin.
Malgré ce premier échec, il ne tarda pas à obtenir son admission au Salon, bien qu'il eût toujours quelque ouvrage proscrit, ce qui lui permettait, au fameux Salon des Refusés de 1863, de prendre fièrement sa place, parmi les opposants que le gouvernement favorisait dans ses querelles avec l'Institut. Mais à partir de 1861, il n'a cessé d'exposer sans interruption, si ce n'est seulement en 1868, à tous les Salons, sans vouloir quitter, au moment de la scission et malgré les sympathies qui l'appelaient dans l'autre camp, celui où il avait porté ses premières armes.
Sa vie, depuis les incidents de ses débuts, s'est écoulée paisiblement, sans particularités notables. Avec la tolérance revenue dans les mœurs des organisateurs des expositions, le petit groupe, chaque jour émietté, perdit ses allures un peu révolutionnaires. Fantin-Latour reçut ses brevets officiels, ses médailles et la croix. Mais, nature délicate et farouche, il se tint désormais à l'écart, dans un cercle d'amis de choix, artistes et amateurs, et surtout musiciens et poètes, qui partageaient ses goûts et qui revivent dans son œuvre connue dans sa vie.
Ses compositions, d'ordre purement Imaginatif,bien que liées entre elles par les liens d'une étroite parenté, se rapportent à des conceptions un peu diverses. Ce sont tout d'abord des sujets empruntés aux œuvres des célèbres musiciens contemporains. Vivement ému, dès l'origine, parles grandes créations chevaleresques ou mythologique de Wagner, son imagination s'exalta avec un nouvel enthousiasme, lorsqu'il entendit pour la première fois, à Bayreuth, la tétralogie de l'Anneau du Niebelung. C'est une date décisive dans sa vie.