Un essai qui nous amène à prendre conscience d'une dimension que l'on tait de notre réalité. Très instructif et permet de voir une autre facette de l'exploitation de la femme.
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La question de savoir qui doit nettoyer et qui peut s'en préserver revêt donc une importance cruciale. La ligne qui sépare les personnes qui nettoient de celles qui ne nettoient pas traverse les rapports sociaux de sexe, de classe et de race : dans la sphère privée, les hommes gardent plus facilement les mains propres que les femmes, les femmes des classes aisées plus facilement que les femmes des classes populaires et les femmes migrantes ; dans la sphère professionnelle, les Suissesses se préservent mieux que les étranger-e-s, les personnes qualifiées mieux que celles qui n'ont pas de qualification reconnue sur le marché de l'emploi. Le nettoyage est ainsi majoritairement accompli par des femmes et/ou des étranger-e-s. Il représente une de leur seule possibilité d'insertion sur le marché de l'emploi.
La propreté est une valeur absolue et incontestée des sociétés riches. Les normes qui la régissent sont à la fois multiples et précises et concernent tous les domaines de la vie sociale. La propreté des espaces intérieurs et extérieurs est associée à plusieurs choses : l'esthétique et la beauté, la santé et l'hygiène, l'ordre et la sécurité, la décence et la respectabilité, l'efficience et la productivité.
Toutefois, alors que l'élimination de la saleté est une fonction sociale fondamentale, le nettoyage est considéré et traité comme une activité annexe, marginale. L'entretien du ménage, comme le travail domestique en général, effectué gratuitement, par les femmes en majorité, n'est pas considéré comme un vrai travail. Perçu comme non productif, il n'est pas pris en compte dans le calcul du PIB d'une nation.