Je choisis mes livres à la médiathèque, en grande partie pour la couverture, et je ne vais pas plus loin dans mes critères, quand j'achète, c'est différent. Cette couverture-ci m'a tapé dans l'oeil : Un dessin minutieux avec une entrée de la lumière en contre-jour travaillée avec minutie, regardez les fondus des arbres d'arrière plan, les reflets bleutés sur le bord du grand arbre, travaillé feuille par feuille, le cadrage est parfait, dynamisant la scène.
J'ouvre le livre, une première page avec une seule illustration tout aussi chiadée, une maison dans un arbre, avec une belle luminosité; la technique est numérique, pas de filets, de traits, de traces de pinceau, il y a une fluidité presque photographique. Je tourne la page, mes impressions sont confirmées.
Je me lance alors dans l'histoire, un garçon qui vit dans une maison-arbre gigantesque avec des livres partout, des fenêtres qui font entrer le soleil, c'est rempli de détails, et il y a Mathis qui est seul, il doit faire ses devoir, ses parents sont partis travailler, leur travail est en lien avec la forêt. Et la magie se dévoile, des animaux qui parlent, des objets, des décorations baroques. Mathis est représenté comme en peinture, mais avec des effets 3D efficaces, soignés, un petit cou, de très beaux yeux, des déformations comme on en voit dans la bande dessinée, mais un rendu photographique, presque hyperréaliste.
L'histoire commence donc et au bout de quatre ou cinq page, je trouve qu'il y a quelque chose qui cloche, malgré la beauté époustouflante des images, je ne ressent pas la vie dans cette histoire, les personnages semble figés, comme s'ils posaient pour la photo, une impression morbide, les textes sont dans des phylactères formatés, presque toujours la même longueur, le rythme est raide et plat. J'ai l'impression que chaque illustration est une prouesse et que l'histoire n'est que le prétexte d'un étalage esthétisant, l'histoire se décroche de l'image, c'est de l'esbroufe, elle nous en met plein les yeux pour faire de l'effet.
Cela commence à m'agacer, pourtant le propos est plutôt intelligent. Mathis, suite à un accident, s'est dédoublé et dans le moment fort de l'histoire, il y a une démonstration philosophique très intéressante sur la personnalité, mais elle semble artificiellement collée sur les illustrations. Elles ne se lient pas, jamais deux personnages dans la même vignette, jamais il ne se répondent, ils semblent poser pour un défilé de mode, c'est beau, c'est creux. Et le texte ne s'articule pas dans le graphisme, comme si c'était deux choses séparées.
Une histoire avec une leçon de philosophie très intelligente, des illustrations proches de la peinture classique, mais tout est trop propre, trop parfait, aucune étincelle de vie ne transparaît alors qu'il y a des étincelles partout dans les illustrations.
Pour moi, il manque l'essentiel : la bande dessinée, ce n'est pas un amalgame de peinture avec de la littérature, c'est un Art à part entière qui possède son propre mode de lecture, qui actionne les zone du cerveau avec ses propres spécificités, or ici, tout semble séparé, artificiel. Cette lecture me laisse froid, l'histoire ne semble qu'un prétexte pour faire étalage de son esthétique, juste pour nous en mettre plein la vue, c'est juste de la frime.
À la dernière page, je me suis dit : “c'est joli”. Ce n'est pas un compliment, généralement, j'utilise ce mot péjorativement.
À la fin, on y trouve une postface, et sa lecture me laisse sur le cul !
C'est bien mon truc à moi, ça, me lancer dans une lecture sans chercher à savoir auparavant de quoi il s'agit, comme je le disais précédemment, mon seul critère, c'est la couverture, et j'attaque directement la lecture tête la première, et les gadins ne sont pas rares. Oui, cette lecture m'a déçu, mais la raison se dévoile dans sa conception.
Je découvre avec cette postface, que cette bande dessinée a été réalisée à l'aide d'un intelligence artificielle ! J'aurais pu m'en douter, non pas que cela me surprend mais au contraire, cela confirme ce que j'en pense, c'est juste de la recherche d'effet, tape à l'oeil, mais il manque l'essentiel, non pas l'émotion, ça elle sait faire, l'IA, mais il manque la vie, dans ce qu'elle a de faillible, de maladroit, d'imparfait, de vrai, et parfois un graphisme assez grossier est un bien meilleur vecteur que le graphisme le plus sophistiqué.
De quoi relancer le débat sur l'intelligence artificielle, et sur l'Art.
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