Fan inconditionnelle de
Juliette Benzoni depuis une vingtaine d'années, je m'attache aujourd'hui à rechercher ses romans ou ouvrages historiques les moins connus.
De deux roses l'une (publié en 1997) fait partie de ceux-ci.
Il évoque une période précise (plus ou moins méconnue de nous, Français) de l'histoire de l'Angleterre (1455 à 1485) au cours de laquelle la fine fleur de la noblesse a été quasiment décimée dans une guerre civile fratricide entre les tenants des York (le clan de la rose blanche) et les tenants des Lancastre (le clan de la rose rouge).
Et pourquoi, me demanderez-vous ? Toujours pour la même chose : revendiquer la succession du trône et avoir le pouvoir ! Rappelez-vous, à l'occasion de la sortie de la série Game of Thrones, il a souvent été dit que l'auteur du livre George R.
R. Martin, faisait en fait référence à cette fameuse guerre des clans.
Là où c'est plus intéressant, c'est de s'apercevoir que cette guerre a été initiée parce que la Reine était française (Marguerite d'Anjou) et détestée à la fois par le peuple anglais et par une grande partie de la noblesse (on sortait de la Guerre de Cent ans) ; parce que le roi Henri VI était fragile et enclin à de nombreuses "absences" proches de la folie qui ne lui permettaient pas de gouverner (les décisions étaient alors censées être prises par la Reine et ses principaux conseillers), ni de donner l'héritier mâle qui était attendu ; et enfin, parce que lorsque, après plusieurs années de mariage, cet héritier est enfin arrivé... il était fortement suspecté d'être le fruit des amours adultères de la Reine avec l'un des nobles de son entourage et qu'il n'était pas concevable que la reine assume la régence du pays en attendant que l'enfant ait l'âge de gouverner.
Autant dire des circonstances privilégiées pour que la meute des prétendants au trône s'active dans l'ombre pour priver la famille royale de ses prérogatives. Mais, c'était sans compter la ténacité et le courage de Marguerite d'Anjou devenue reine, qui fera tout pour que son époux et son fils légitime ne soient pas spoliés de leur héritage.
Que dire de ce livre ?
Il n'est pas dans la verve habituelle de
Juliette Benzoni qui, habituellement, nous transporte. Donc, il y a beaucoup moins de romantisme et beaucoup plus de faits historiques particulièrement bien décrits. S'il s'agit d'un "roman", celui-ci, dans son style, n'est pas trop romancé et s'attache à coller au plus près de la réalité historique. D'où une description assez âpre des événements : les descriptions des différentes batailles sont pour le moins réalistes et particulièrement gore.
J'ai d'ailleurs pris le temps, à la fin de ma lecture, de rechercher ce qui était écrit sur cette héroïne de l'Histoire, et j'ai pu constater que l'auteure était très proche de ce qui en a été retenu à travers le temps.
Il est très intéressant car il évoque la période qui a suivi la Guerre de Cent ans au cours de laquelle Jeanne la Pucelle a été tuée et certaines parties du pays français reprises par les Anglais. C'est d'ailleurs pour garantir la paix entre la France et l'Angleterre que cette idée initiale de marier le roi Henri VI d'Angleterre à Marguerite d'Anjou (alors qu'elle n'avait que quatorze ans) a germé.
Une union dans laquelle l'intéressée s'est impliquée corps et âme, même si dans le secret de son coeur, elle en aimait un autre (William de la Pôle, duc de Suffolk).
Ainsi, en cherchant à garantir la paix entre les deux ennemis de toujours, c'est la guerre qui est, finalement, advenue en Angleterre.
Il est intéressant parce qu'il montre la façon dont la politique était menée à cette période (cependant pas très lointaine de ce à quoi nous assistons de nos jours).
Une politique faite de parjures, de trahisons, de compromissions, de corruption, de meurtres sans vergogne... dans une nation dite civilisée qui se targue d'être un phare pour le monde !
Une politique très masculine dans laquelle les femmes n'ont que peu de place, même si ici, dans le cas de Marguerite d'Anjou devenue reine d'Angleterre, on a une figure féminine inhabituelle qui a bien compris qu'elle était au centre du pouvoir et qui entend y tenir toute sa place. Dès lors, quand la diplomatie ne permet pas d'obtenir les résultats escomptés, elle décidera de se battre à la façon des hommes (c'est d'ailleurs bien ce qu'on lui reproche... la place des femmes n'est-elle pas à la broderie ?) et sera à l'initiative de combats (perdus ou gagnés) pour tenter de préserver ce qui lui revient de droit.
Ce n'est pas une sainte pour autant, car on le verra, certaines erreurs de jugement essentiellement faites à cause de son inexpérience de la vie ou encore de son ego seront vraiment contre-productives.
Il est également intéressant car on y découvre également une France dont les contours n'étaient pas ceux qu'on lui connaît aujourd'hui (la Normandie, l'Aquitaine étaient possessions anglaises). Par certaines informations distillées ici ou là, on apprend la façon de gouverner de Charles VII puis de Louis XI (qui, lui aussi, saura "retourner sa veste" pour garantir ses intérêts). Et manifestement, la politique française n'avait rien à envier à la politique anglaise !
Donc, une leçon d'histoire de France et d'Angleterre pour tous ceux qui s'intéressent à ces sujets.