DE L’HOMME SEUL
Seul dans le tout, seul dans l’immensité,
Seul sur la terre
Et seul dans la cité,
Seul sur la Place et seul dans la tanière,
Et seul sous l’oripeau,
Seul dans la peau.
DE LA GLOIRE VAINE
Ô toi qui, de rien fait, de rien ne fais que rien,
Qui, né de moins que rien, dois mourir rien de rien,
Seras-tu plus que rien, quand, dans un monde-rien,
Cent millions de riens sauront que tu n’es rien ?
SONNET DU SEXE VOLANT
En moi couché tout dort, tout dort d’un parfait somme,
Et le sang et le muscle et la moelle et les os.
Seul demeure insoumis à l’ordre des yeux clos
L’incontrôlable nerf par lequel je suis homme.
Vers celle qui l’ignore ou qui tout bas le nomme,
Toujours de gorge en mont il s’en va sans repos.
Léger dans le maintien, libre dans le propos,
L’adultère il perpètre et l’inceste il consomme.
Par ses ballons porté, lourd ensemble et gaillard,
Chez la vierge ou l’épouse attiré par l’arôme,
À travers les rideaux il suit rêve et fantôme.
Et rien ne fermerait les ailes du paillard
Quand, parcourant des chairs l’illimité royaume,
Sur les corps il furète, indiscret oreillard.
CHANSON DE L’AMANT QUI REVIENT SEUL
Six mois peut-être
Depuis le jour
Qui vit paraître
Ce double amour.
Plus sur la mousse
Des longs chemins
Ne vient la douce
M’offrant ses mains.
Le brouillard monte
Dans ce bosquet
Qui la vit prompte
Au jeu coquet.
Plus de caresses,
Fronts défrisés ;
Plus de tendresses,
Cœurs dégrisés.
Près de la stèle
Vain rendez-vous
De l’infidèle
Et du jaloux !
Sous la ramée,
Bois vermoulus,
La Bien-Aimée
Ne viendra plus.
DE LA FEMME DÉCEVANT
Femme, faux or dont le 2, plomb se révèle
Quand on le tient ;
Astre glacé qui sans feu ni lumière
Vous éblouit ;
Beau fruit tentant qui, sitôt qu’on le pèle,
Tout ver devient ;
Spectre de gaz qui, sitôt qu’on le serre,
S’évanouit.