Avec Philippe Blondel, on plonge dans les années 60 avec plus ou moins de plaisir selon le souvenir que l'on en a gardé et l'âge que l'on a. Je dois dire que le milieu étriqué et poussiéreux que constitue le microcosme enseignant des années 60/70, époque où les instituteurs vivaient toute leur vie dans des logements de fonction attenant à leur lieu de travail, tels les gendarmes dans leur caserne, m'a rappelé mes débuts. Suppléante éventuelle dans les années 80, pompeuse dénomination de la remplaçante non titulaire, dont seule l'Education Nationale a le secret, j'en avais perçu les petitesses et les contraintes de promiscuité. Avec Blondel, on y retourne et ça sent le vécu. le petit monde qu'il nous décrit est croustillant de détails et d'ambiances « seventies ». J'ai eu l'impression de feuilleter l'album photo de mes débuts.
Un si petit monde, c'est le Nature humaine de Serge Joncour, mais en petit format…
J'y ai trouvé quelques passages réjouissants, comme celui de l'inspection de Véronique Forgeot par Charles Florimont, criant de vérité et très drôle…
Philippe Blondel est très doué pour décrire avec humour les travers et les petitesses des hommes et des femmes qui ont gravité dans son univers d'enfant. Il sait les faire revivre avec beaucoup de réalisme au point qu'on a l'impression qu'il les a réellement côtoyés. Ce qui m'a manqué, c'est le lien. J'ai eu l'impression d'être l'enfant qui observe une fourmilière, suivant le parcours d'une fourmi, puis sautant à une autre, puis une autre encore, qui vient de croiser le chemin des deux premières, sans jamais savoir réunir les différents destins afin d'en tirer une logique, une idée générale, un enseignement, une morale. La description d'une agitation vaine et sans but qui d'ailleurs est peut-être volontaire de la part de Philippe Blondel, mais qui me désarçonne. Peut-être justement parce que tout cela nous renvoie tous, et peut-être plus encore dans le monde enseignant, à la vanité de nos vies, à nos espoirs déçus.
Voilà pourquoi cet auteur dont la plume est plaisante, fluide, imagée et souvent très drôle ne me séduit qu'à moitié.