Bobin Christian (1951-) – "
L'homme joie" – Gallimard /L'iconoclaste, 2012 (ISBN 978-2-07-273365-9)
– recueil de dix-sept fragments de prose poétique, dont "un carnet bleu" (pp. 61-76) reproduit en fac-simile manuscrit, composé en 1980 ; insertion avant chaque pièce d'une phrase manuscrite.
Loin des diktats littéraires gaucho- bobo-branchoss (permettant de se répandre sur les ondes d'Arte, France-Culture et autres cercles cultureux germano-pratins),
loin des modes suivies par les z'écri-vains en vue se vautrant dans l'ordure et la dérision, loin des canons pessimistes obligés,
Christian Bobin trace son sillon, ciselant son écriture, ne publiant que des oeuvres abouties : autant dire que cet écrivain détonne complètement dans le paysage actuel.
Et quand on précise qu'il ne cache en rien sa foi catholique, cela provoquerait presque l'effroi...
Entre autres trésors, il y a là par exemple
ce magnifique portrait sur deux mots "c'est Maria",
des pages lumineuses sur le travail de
Glenn Gould ("L'irresistible") qui comprend un paragraphe traduisant ce que l'on fait vraiment lorsqu'on "joue de la musique",
trois pages pudiques ("Un prince") évoquant la disparition de la compagne "Dans la penderie du ciel bleu, une robe blanche. Elle sort de la lessive de la mort. L'éternité la sèche",
une "jupe mystique qui se déploie comme un soleil soufi multicolore" ("La restitution"),
les mains d'Oïstrakh et Menuhin ("La main de vie")...
Et tant d'autres évocations si justes, dont par exemple
"Bach est un enfant dont l'angoisse est si grande qu'il fait venir l'éternel à son chevet",
sans oublier de belles évocations de lectures : le "
Surena" de
Corneille, les "Pensées" du sieur Pascal, "Typhon" de Conrad...
A déguster sans modération...