Les feuilles quittent l’arbre
Peut-être pour mieux vivre
Pour sentir d’autres souffles
Tenter d’autres lumières
Retrouver leur demeure
De terre et de mémoire
Sans rien perdre du ciel
J’écrivais des poèmes
Serait-ce un peu pareil ?
Puisque les soirs voient descendre
D’immenses draps sur les vignes
Devenues maigres orantes
Visages gris sous la bise
L’heure vient à la lisière
Les yeux pleins d’étoiles blêmes
Le vent risque son haleine
De prophète sous les portes
Puisque c’est l’heure où les âmes
Tentent d’allumer leur lampe
O la flamme est si tremblante
Comme la frêle espérance
Sur la vitre aux coins de givre
J’appelle depuis l’enfance
Dans la grande chambre vide
J’entends des pas qui s’approchent
Est-ce un ange ou bien mon juge ?
Les guêpes le jus des grappes
Les touffeurs d’un seuil d’automne
Sur les cèpes à nu des voiles
Mordorés qui se déploient
Ce fut la précieuse offrande
Déposée dans mon berceau
Et comme déjà l’annonce
D’une intime et dure absence
Je me cachais pour fuir
L'inconnu en visite
Un château invisible
Entourait mes jeux tristes
Sur les carreaux la pluie
Comme un écrit du soir
La poésie des livres
Prenait au vent sa chair
Pour dormir contre moi
Le ruisselet de la mémoire
Court après les prairies les saules
Qu’on voit sur la photographie
Les scabieuses les marguerites
Qui s’inclinaient près de ta robe
Du dimanche quand tu serrais
Mon tendre corps de fils unique
Contre toi assis sur ta jambe
Gauche comme chez statues
Si graves des vierges romanes
Cachant leur glaive de douleur
Poésie - Vite à l'école - Gérald BOCHOLIER