AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Et je danse, aussi (341)

Je loge actuellement dans une chambre d’hôtes sur l’île d’Oléron. « Au lait rond », ai-je pensé, et j’ai soudain éprouvé de l’appétit pour cette petite terre touristique qui, hors saison, se révèle assez sauvage pour me dépayser, et assez civilisée pour ne pas effrayer la Parisienne que je suis devenue.
Je me lève chaque matin avec le soleil, et je pars marcher sur la plage. Le temps est frais, gris et capricieux. J’observe des oiseaux à longues pattes qui picorent des vers dans la vase ; j’ignore leur nom.
Je réfléchis à ce bout de chemin que j’ai parcouru, cahin-caha, dans cette vie, et aux chemins possibles que j’aimerais prendre désormais.
Passent-ils par cette île ? Je pense aussi à vous, très souvent, avec un pincement au cœur qui me donne l’air d’une âme en peine. L’autre jour, le long de la digue où je marchais, un pêcheur à la ligne m’a proposé un mouchoir. J’ai l’air enrhumée ? lui ai-je demandé. Il a souri avant de m’expliquer qu’une femme seule qui regarde la mer a forcément un chagrin d’amour. Je n’ai pas protesté. Voyez comme c’est lamentable, Pierre-Marie : je suis un cliché ambulant.
Commenter  J’apprécie          00
Ce que je ne peux pas supporter, c’est qu’elle m’ait menti. Pendant deux ans.
Pas une fois en passant, parce qu’elle n’aurait pas pu faire autrement à cause des circonstances. Pas une fois par accident, auquel cas elle se serait excusée le lendemain, aurait demandé pardon et aurait obtenu ce pardon. Qui n’a pas menti une fois, deux fois, cinq fois ? Non, elle a menti pendant deux ans. Sept cent trente jours et sept cent trente nuits.
Ce qui m’épouvante, c’est la durée. Cela m’humilie. Ça n’infecte pas seulement ces deux années-là pendant lesquelles je peux désormais mettre en doute tout ce que nous avons partagé, ou plutôt tout ce que je croyais partager avec elle. Non, ça se répand aussi par envahissement sur notre vie d’avant. C’est une marée noire.
Commenter  J’apprécie          00
Pierre-Marie,
Il pleut des cordes sur Paris aujourd’hui. Le petit morceau de ciel que j’aperçois depuis la fenêtre de ma chambre est gris comme en novembre. Mes deux copines de coloc’ sont parties bosser, je suis seule dans l’appart, et j’ai mal aux lombaires comme si j’avais des rhumatismes. À 26 ans, merde ! À cause de cette douleur, j’ai consulté un ostéo il y a un mois. C’était la première fois que je le voyais. Dès qu’il a posé ses mains sur mon dos, il m’a parlé de ma mère. « Vous avez de la colère contre elle ? » Tu imagines le truc ? Je suis restée scotchée, et je n’ai rien répondu. Il a ajouté qu’il sentait un poids très lourd à l’endroit où j’avais mal, et que j’avais sans doute besoin de m’alléger de ce que je portais. Je suis sortie de chez lui au radar, et quelques jours après, j’ai reçu ton premier message. Contrairement à Zoé, je sais que tu n’es pas aussi fort qu’un chameau, mais tu mesures quand même quelques têtes de plus que moi. En nous partageant le poids, peut-être que mon dos ira mieux ? Tu y crois, à ce genre de trucs, toi ? Je ne sais pas trop par où commencer. J’ai la trouille, comme si maman allait débouler dans mon dos (justement !) dès que je vais écrire le nom de cet homme : Vincent.
Commenter  J’apprécie          00
Adeline, je sais comme vous que dans cette enveloppe se trouve la fin de notre innocence. Je le sais d’autant plus depuis ce matin. Après le petit déjeuner, je suis allé dans mon bureau et je suis resté longtemps à la regarder. Je dois vous dire qu’elle me fait peur, votre enveloppe grand format renforcée. Elle est là, immobile et silencieuse, et elle ressemble à un animal dangereux qui dormirait et qu’il serait très périlleux d’aller déranger (oh le cliché ! la pauvre comparaison ! Sotto, Sotto ! on se ressaisit !). J’ai fini par la prendre dans mes mains, l’enveloppe, et, sans l’ouvrir, je l’ai tâtée. Il n’y a pas de manuscrit dedans. Ce ne sont pas des feuillets A4. Ce sont des enveloppes longues, format 22 × 11. Sans doute deux tas placés côte à côte, on sent bien la séparation entre eux malgré la chemise dans laquelle vous les avez réunis. Des lettres. Je ne sais pas ce qu’elles contiennent. Je sais seulement que leur lecture signifie la fin de nous deux tels que nous étions jusque-là. Alors avant de les ouvrir, je veux vous rassurer : l’Adeline avec laquelle je corresponds depuis quarante-trois jours, cette Adeline-là, je lui garde tendresse et affection. J’ai cru en son passé, en son présent, en sa chorale, en ses tisanes et en son banquier. Et rien ne pourra annuler ça. Un ami m’a raconté qu’au temps du Minitel il avait entretenu une correspondance torride avec une jeune femme avant de comprendre qu’elle était un homme, mais ça ne l’a pas empêché d’en garder un souvenir très agréable. J’aimerais pouvoir vous dire : continuez à vous inventer, Adeline, je vous pardonne même de ne pas exister ! Mais non, ça ne marchera pas, le charme sera rompu. Ceci dit, la littérature n’est que mensonge, enfin invention, ce qui est la même chose, l’invention étant un mensonge avoué par avance, non ?
D’ailleurs, je vous l’ai déjà dit, je m’appréhende parfois moi-même comme un personnage de fiction, cela m’aide à m’assumer, ça me rend plus intéressant et plus supportable que je ne le suis en vrai. Je veille juste à ne pas m’aventurer trop loin dans ce jeu dangereux. Et puis ma balance me rappelle à ma réalité : vous avez déjà vu une fiction de 106 kg ?
Commenter  J’apprécie          00
Beaucoup à votre place auraient tenté de me convaincre que je faisais fausse route, m’auraient demandé si j’avais des indices, sinon des preuves, de l’infidélité de Véra. Merci de vous en passer et de croire plutôt à cette fulgurante et terrible évidence : Véra avait quelqu’un d’autre que moi. Je vous ai déjà dit comment, depuis toujours, j’ai réussi à jouer à l’alchimiste, à tirer de mon malheur la substance de mon écriture, à transmuter mes souffrances pour en faire des objets littéraires et à les apaiser ainsi. Or la disparition de Véra n’est jamais entrée dans ce processus. Cet événement a résisté. Il est resté souffrance nue, peut-être comme celle qu’éprouvent les animaux. J’aurais dû comprendre plus tôt pourquoi je ne parvenais pas à changer ce plomb-là en or. Maintenant je sais. Elle est nommée, ma souffrance. Et pour soigner le mal, il faut le nommer, non ?
Je me suis donc retrouvé ce matin, comme vous le dites, avec une épouvantable gueule de bois, mais sans avoir bu un seul verre de schnaps, moi. Même pas cette consolation.
Commenter  J’apprécie          00
Pardon, Adeline, je ne suis pas fier de moi, mais ça doit être un mécanisme de défense. Il y a des choses que je ne supporte pas, alors je me défile, je blague, je botte en touche, comme on dit au rugby. La mort d’un enfant est une de ces choses. Je vous ai dit que je préférais les enterrements aux mariages, et que je vous expliquerais pourquoi. À présent que je sais ce qui vous est arrivé, je me dispenserai de cet exercice. L’enterrement d’un bébé de dix-sept jours. Je vous admire d’avoir survécu. Oui, sincèrement, je me fais minuscule et je m’incline. Vous parlez de reconstruction, d’études par correspondance, de diplômes obtenus, de travail. Où avez-vous puisé cette incroyable force ? J’aurais sombré je crois, plus encore que vous l’avez fait, et je ne serais jamais remonté de cet abysse. Ou bien alors peut-être en essayant de transposer cette souffrance dans mon écriture. L’art peut transcender, sublimer, nos malheurs devenant notre matière première. Enfance heureuse : malédiction pour un écrivain, dit-on ! Mais vous ? Où l’avez-vous fourré, votre désespoir ? Comment l’avez-vous maté ? Par la chimie, bien entendu, et par l’analyse peut-être, mais surtout j’en suis sûr, grâce à cet espoir que vous gardez de donner un petit frère ou une petite sœur à votre Philémon. J’ai trouvé cela bouleversant, je dois vous le dire. Et si un jour (dans le cas où notre correspondance durerait) vous m’appreniez cette nouvelle, je crois que j’en concevrais pour vous un bonheur incommensurable.
Commenter  J’apprécie          00
Cette maison, je ne l’ai pas choisie. C’est un héritage de ma mère. Rien de plus oppressant qu’un héritage lorsqu’on essaie de voler de ses propres ailes : pire qu’une corde pour se pendre. J’ai cru devoir entretenir la mémoire de la lignée en venant m’enterrer ici, au détriment de ma vie. C’est fini. Bon courage aux Anglais qui vont prendre ma place. À présent, il me reste à décider vers quels cieux j’ai envie de m’envoler.
Commenter  J’apprécie          00
Chère Adeline,
Soyons techniques, pour commencer : dans vos courriers, les points de suspension se transforment en S majuscules. Ce n’est pas très gênant, mais je ne sais pas l’expliquer. Et vous, Dieu soit loué, vous y recourez peu, aux points de suspension et c’est tant mieux. Je ne les aime pas, et d’ailleurs je vous mets au défi d’en trouver plus d’une quinzaine d’exemplaires dans tous mes livres. Ceux qui les utilisent me rappellent ces types qui font mine de vouloir se battre, qui vous forcent à les retenir par la manche et qui vocifèrent : retenez-moi ou je lui pète la gueule à ce connard ! En réalité, ils seraient bien embêtés qu’on les laisse aller au combat. De même, ces obsédés des points de suspension semblent vous dire : ah, si on me laissait faire, vous verriez cette superbe description que je vous brosserais là, et ce dialogue percutant, et cette analyse brillante. J’ai tout ça au bout des doigts, mais bon je me retiens. Pour cette fois ! On a envie de leur suggérer à l’oreille : laissez-vous donc aller, mon vieux, ne muselez plus ainsi ce génie qu’on devine en vous et qui ne demande qu’à nous exploser à la gueule. Lâchez-vous et le monde de la littérature en sera sous le choc, je vous le garantis.
Commenter  J’apprécie          00
Chère Adeline,
Sacré nom ! Quel rythme ! Quelle fougue ! J’en reste sur les fesses ! Et vous n’avez rien à voir avec la création ? Mon œil ! Savez-vous qu’il existe de par le monde quantité d’écrivains dont le seul tort est de n’avoir jamais rien écrit ? J’ai la conviction qu’on croise au quotidien ou presque des Proust, des Kafka, des Faulkner qui ne le savent pas et qui restent agents immobiliers, professeurs de judo ou moniteurs d’auto-école. J’exagère à peine. À l’inverse, je connais pas mal d’écrivains qui sont les seuls à penser qu’ils le sont, mais c’est un autre sujet.
Commenter  J’apprécie          00
Je compatis avec cette ado différente que vous étiez. J’imagine sans peine votre souffrance et vos larmes de désespoir. Les ados peuvent se comporter en épouvantables petits fascistes quand ils s’y mettent. Moi je n’étais pas gros. J’étais exagérément, épouvantablement, désespérément, définitivement… timide. Avec les filles en particulier. Je n’avais pas peur qu’elles me disent non (j’étais loin d’être moche), j’avais la terreur qu’elles me disent oui. Alors je faisais celui que ça n’intéressait pas.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (4398) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Et je danse, aussi

    Par combien d'auteurs ce roman a-t-il été écrit ?

    Un
    Deux
    Trois

    10 questions
    36 lecteurs ont répondu
    Thème : Et je danse, aussi de Anne-Laure BondouxCréer un quiz sur ce livre

    {* *}