Pour mes deux semaines de vacances andalouses j'avais pris pour défi de lire
Borges en espagnol, langue que, malgré mes efforts, je balbutie encore.
Pas ses oeuvres complètes, non, juste ces 13
nouvelles réunies dans
le livre de sable, choix idéal pour lire sur la plage, hahaha. Et en vulgaire tricheur, en édition bilingue, traduction en page de droite.
Défi accessible, donc. Croyais-je...
Car c'est en lisant
Borges que Babelio, du moins le mien, si je puis dire, a commencé, n'ayons pas peur des mots, à déconner.
Je reçus tout d'abord quelques messages internes. Ravi, j'y répondis par de longs textes ... qui furent aussitôt remplacés par du vide : un carré noir aussi incongru qu'impoli. Babelio me censurait, sans préavis ni raison.
Puis ce fut une demande d'invitation à devenir l'ami de l'un ou l'une d'entre vous. Mais en l'ouvrant je découvris, perplexe et déçu, qu'elle émanait ... de mon propre profil. Absurde ! Je la refusai aussitôt. Trop vite peut-être. Que signifie ce réflexe si ce n'est le dégoût de moi-même ?...
N'ayant encore jamais été confronté à ces bugs, j'en déduisis logiquement que ma lecture de
Borges ne pouvait qu'être à l'origine de ces facéties informatiques.
À moins que ce ne fussent des failles, des brêches par lesquelles j'aurais pu entrapercevoir le véritable, l'obscur dessein de Babelio ? C'est éprouvé, c'est par les brêches que nous parvient la lumière.
Plongé dans une intense réflexion, je réalisais alors que mes lectures diffèrent depuis que je suis sur Babelio. Plus assidues, concentrées, profondes. À la recherche des bons passages puis, livre refermé, aussitôt lancé dans les réflexions nécessaires à une éventuelle critique. Pourquoi ? Pour qui ? Pour moi, vous, les deux ? Ou pour Lui, Babelio ? Pour le nourrir, ce monstre glouton jamais rassasié ?
Comment puis-écrire "je suis sur Babelio" ? Serait-ce un lieu, un monde, un univers parallèle ? S'il en est un, est-il stable, pérenne, éternel ? Quelles en seraient ses frontières ? Quelle charge soutiendrait-il ? le poids de tous les textes écrits, lus et commentés dans toutes les langues depuis la naissance de l'écriture ?
De même, puis-je dire que "j'ai" Babelio ? D'avoir installé l'appli m'autorise-t-il à dire que je possède tout ou partie de Babelio ?
Être ou avoir Babelio ? Là est la question.
Ou, bien avant celle-là, qu'est-ce donc que Babelio ?
Une vulgaire base de données : des auteurs ayant écrit des livres lus par des lecteurs qui produisent citations et critiques, appréciées et commentées par d'autres lecteurs qui peuvent s'inviter et communiquer entre eux. Architecture basée sur ces 4 seules tables : auteurs, livres, lecteurs, critiques-citations. Bien maigre squelette.
Babelio c'est surtout l'ambition de devenir le réseau social de la lecture. Un club ouvert à tous, gigantesque mais restant convivial, doué d'omniscience et d'ubiquité. Ça comble un vide, alors on afflue et on en devient vite dépendant. Sans vraiment comprendre pourquoi... Moi qui me méfie des géants du web, que fais-je ici à livrer l'intimité de mes lectures ? D'autant qu'un malicieux fantôme m'y poursuit, décochant ses flèches assassines.
Babelio c'est aussi un labyrinthe en perpétuelle expansion dont les chemins tracés par tous nos "X aime la citation de Y extraite du livre que Z l'avait convaincu de lire" bâtissent un labyrinthe tentaculaire et exponentiel qui aurait, à coup sûr, inspiré
Borges.
Je ne m'imaginais pas commenter la moindre ligne de
Borges. Je préfère vous livrer le pitoyable galimatias de mes réflexions inabouties dans lesquelles m'avaient plongé ces récits déconcertants, débordants d'érudition et de surprises.
Treize petits contes auxquels je repenserai souvent et que je vous invite à lire et relire, pour bien gamberger.