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sur 658 notes
~ Sables mouvants ~

Un cocktail de nouvelles contemplatif, mystérieux, fantastique, philosophique & surtout labyrinthique
Borges y mêle les genres & les époques, références littéraires & traits autobiographiques, les sagas scandinaves à celle de Lovecraft ou encore celle de Poe. Il brouille les pistes, mêle fiction, rêve et réalité, le tout saupoudré d'une érudition certaine qui fait douter le lecteur.

J'ai beaucoup aimé "L'autre" in fine, nous ne sommes qu'une éternelle suite de variations de mouvements de va-et viens et notre rapport à nous-même n'est jamais une parfaite connaissance mais ressemble plutôt à une vague estimation. L'enjeu c'est être presque nous-même & trouver dans ce presque, toute la magie du vivant ! Un brin philosophique, mais j'ai prévenu !

Il y a aussi Ulrica, La Nuit des dons, Utopie d'un homme qui est fatigué, et principalement, le livre de sable où tout lecteur se reconnaîtra !

Cristina Campo dira à son sujet : «En vérité, dans chacune de ses nouvelles se répète cette collision magique, qui a pour fin de nous reconduire chaque fois à cette parole antique : Tout est Un. »

Remarquablement écrit, et si bien pensé !
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Plutôt incrédule devant le culte voué à cet écrivain, alors que la série de nouvelles qui composent ce livre ci , ne relèvent en définitive que d'un brouet insipide de considérations oiseuses, saturé d'une érudition poussiéreuse et bouffie ou la cuistrerie le dispute à la bouffonnerie autosatisfaite.
Et puis comment ne pas avoir envie de pisser débout sur quelqu'un (ou l'un de ses doubles) qui déclare au début de son livre: " Aujourd'hui les choses vont mal. La Russie est en train de s'emparer de la planète ; l' Amérique entravée par la superstition , ne se décide pas à être un empire. de jour en jour notre pays devient de plus en plus provincial . plus provincial et plus présomptueux, comme s'il se repliait sur lui-même. je ne serai pas surpris que l'enseignement du latin soit remplacé par celui du guarani."
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Les treize contes sont présentés comme des récits, donc forcément véridiques, authentiques. Pourtant, il s'attaquent à une utopie. le poème qui ne contient qu'un seul mot. La bibliothèque qui doit contenir tous les livres. le livre qui contient tout.

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire en séquentiel d'abord dans une des deux langues, puis ensuite dans l'autre. En édition bilingue, on a l'opportunité de découvrir la précision et la subtilité de l'espagnol de Borges, même si comme moi on n'en a que quelques notions scolaires. On connaît le principe: page de gauche, le texte original; à droite, la traduction. On peut immédiatement constater que la page de droite est un peu plus longue que l'autre.

Ces contes fantastiques sont pour la plupart très courts, et en refermant le livre, on se demande quel était le but de Borges: jouer au chat et à la souris avec son lecteur? Peut-être, car certains de ces contes n'ont pas de dénouement. Nous égarer dans des vertiges métaphysiques? le problème de la connaissance, entre autres... Borges est décidément rusé, voire retors.

Je penche plutôt pour l'expression du désenchantement atteint par l'écrivain en fin de vie. Cela est particulièrement flagrant dans "Utopie d'un homme qui est fatigué". L'imprimerie, explique-t-il, pince-sans-rire, fut le pire fléau de l'humanité, car elle a principalement servi à multiplier les textes inutiles. Que dirait-il aujourd'hui devant la logorrhée d'images, d'avis péremptoires, de fake news, et de vidéos, déversée chaque seconde sur internet?

Je n'ai pu aussi m'empêcher de relever les petites remarques assassines distillées sur les sociétés de son temps, sur les politiciens, "des invalides que l'on est obligé de promener dans de grosses voitures", sur les argentins ("être de souche italienne était encore déshonorant à Buenos Aires"), sur les Etats-Unis, ce pays qui ne l'intéresse que fort peu.

Sous l'ironie apparente, l'amertume perce par moments: l'amour ne dure pas, et la philosophie ne semble pas pouvoir beaucoup aider à supporter la vie...
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Après avoir lu Fictions fin 2022, j'ai souhaité relire le Livre de sable, que j'avais lu il y a une quinzaine d'années environ. Celui-ci a été écrit bien après Fictions et il est permis de penser que Borges, au sommet de son art, livre ici des nouvelles encore plus concises, éludant l'évidence pour aller à l'essentiel, convoquant le malaise ou le fantastique en quelques lignes. C'est probablement le cas, mais paradoxalement, cela m'a rendu ces nouvelles moins savoureuses, comme lorsqu'un cuisinier, épurant au maximum son bouillon du gras de la volaille, supprime du même geste le liant et la source de la saveur. J'ai donc préféré les nouvelles de Fictions, ce qui naturellement n'ôte rien à celles-ci, qui restent typiques du style de Borges, et de très grande qualité. Ma préférence est allée à Ulrica, le Stratagème, Utopie d'un homme qui est fatigué et bien sûr le Livre de sable.
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Vous avez dit Argentine ?
Je dis Borges.
Et naturellement le livre de sable (le sable, symbole du temps qui s'écoule).
Dans les treize nouvelles de cet ensemble, l'auteur met en scène deux personnes, et en premier l'affrontement entre un Borges vieillissant, un peu aveugle, et le Borges de vingt ans.
Ce dernier ne croit pas à ce qui lui arrive, se voir dans cinquante ans, car « la peur élémentaire de l'impossible qui apparaît pourtant comme certain l'effrayait. » Se voir, ayant perdu les illusions de la jeunesse, lié à ce double que le destin lui destine, c'est un peu dur à avaler.
Je viens de dire rencontre de deux personnes, mais dans la nouvelle « le Congrès », il s'agit de la rencontre de tous les représentants de toutes les nations, un peu comme une compilation de l'humanité, un peu comme le désir de réunir tous les livres dans une bibliothèque idéale, un peu comme le désir de représenter tous les archétypes de tous les penseurs. Un cosmos, une somme, qui peut se transformer en rien, par la mise à feu de tous les livres, qui procure une jouissance inattendue de tous les membres à les voir détruire.

Tout ou rien, cela semble égal, puisque le temps, réel ou rêvé, présent ou passé, infini et à la fois n'existant qu'au présent, rend futile la prétention même de le penser .Saint Augustin le premier a affirmé l'impossibilité de penser le temps, puisqu'il passe au moment où on le pense.
Dans un labyrinthe de pensées, de citations, Borges émet l'hypothèse que tout cela ne soit qu'un rêve, ou une utopie. Et justement, une des dernières rencontres a lieu entre l'auteur et un homme de quatre siècles plus vieux. Il décrit avec humour empreint de tristesse un monde où les livres n'ont plus de fonction vitale, ni l'argent, ni la publicité, ni le vol, puisque la possession n'existe plus, donc plus d'héritages, plus de gouvernement, plus de politique, et surtout plus de ces espèces d'invalides que l'on transporte dans de longs et bruyants véhicules, les anciens et inutiles hommes politiques ; finie aussi la peur de la mort liée aux précédents, mais, chut…

Utopie qui contrecarre, je l'espère sciemment, les mauvais augures de l'apocalypse et reste pourtant, comme la précédente, un miroir de l'imagination.

La mélancolie, liée au vieillissement et à la cécité grandissante de Borges, est liée au concept d'infini. Un livre infini, c'est un cauchemar, voilà sans doute pourquoi l'auteur nous convie à des unicités : celle des mots, car tous les mots rassemblés, avec but de former le poème absolu, l'ode après quoi plus rien ne peut être écrit consiste en un mot. Un mot, et tout est dit. le rêve de tout écrivain.
Comme Borges le note dans son épilogue, nous sommes loin de la Bibliothèque de Babel, écrit en 1941, imaginant un nombre infini de livres, par l'invention de « littératures séculaires » ne comportant qu'un seul mot. Mélancolie, donc :

« La vieillesse des hommes et le crépuscule, les rêves et la vie, le temps qui passe et l'eau. »

LC Thématique décembre : littérature étrangère
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« Le livre de sable » est un recueil de nouvelles tardif de Jorge Luis Borges, publié en 1975, soit plusieurs décennies après « Fictions » paru en 1944 et « L'Aleph » paru en 1949. On y retrouve l'inclination du génie argentin pour une pensée spéculative qui donne le vertige, et visite à nouveau ses thèmes de prédilection : l'infini, l'éternité, l'identité, la dualité, la frontière ténue qui sépare le rêve de la réalité.

Le recueil comporte treize nouvelles, autant de manières d'explorer les obsessions borgésiennes. La quatrième de couverture est d'une franchise déconcertante. Borges y indique : « Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour cette entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps ».

Né en 1899, l'écrivain argentin, âgé de 76 ans et quasiment aveugle lors de la publication de ce recueil est au crépuscule de son existence. Cette volonté « d'adoucir le cours du temps » teinte « Le livre de sable » d'une douce mélancolie et conduit son auteur à aborder le thème du temps qui passe et de sa propre finitude. Les nouvelles qui composent le recueil sont ainsi de facture plus classique que celles qui composent « Fictions ». S'il ne renonce pas à aborder les questions métaphysiques qui hantent son oeuvre, Borges se fait davantage conteur, et nous confie les émotions qui troublent ses narrateurs successifs, au cours des treize nouvelles qui composent le recueil.

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Dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, le narrateur fait la rencontre d'un vendeur de Bibles qui souhaite lui vendre un « livre sacré », qui se présente sous la forme d'un volume in-octavo, relié en toile, écrit dans une langue inconnue. Les pages sont numérotées en chiffres arabes, mais d'une manière qui semble totalement aléatoire. La caractéristique essentielle de ce livre est qu'il est infini : « Cela n'est pas possible et pourtant cela est. le nombre de pages de ce livre est exactement infini. Aucune n'est la première, aucune n'est la dernière. Je ne sais pourquoi elles sont numérotées de cette façon arbitraire. Peut-être pour laisser entendre que les composants d'une série infinie peuvent être numérotés dans n'importe quel ordre ».

En échange du montant de sa retraite et de sa bible de Wyclif en caractères gothiques, le narrateur fait l'acquisition du livre « infini ». Très vite, le bonheur de posséder un tel objet cède à la crainte que l'on ne lui dérobe. le nouveau propriétaire en devient paranoïaque, et prisonnier du livre qu'il ne cesse d'examiner. Il comprend enfin que « Le livre de sable » est en réalité monstrueux et qu'il risque de le transformer lui aussi en monstre, et va entreprendre de se séparer de cet objet qui contient un nombre « exactement infini » de pages.

Si l'on retrouve dans cette nouvelle une audacieuse exploration du thème de l'infini cher à l'auteur, l'originalité du conte réside dans sa fin, ce moment où le narrateur prend conscience de la monstruosité de l'objet qu'il vient d'acquérir. Ce texte peut se lire comme une forme de confession dans laquelle Borges lui-même réalise à l'aube de la vieillesse le caractère absolument « monstrueux » de son obsession pour l'infini. La douce mélancolie qui irrigue « Le livre de sable » donne à la nouvelle la couleur de la sagesse.

Ainsi, le véritable enjeu du texte n'est sans doute pas d'explorer une fois encore le vertige de l'infini, mais de confesser à quel point certaines des obsessions qui traversent l'oeuvre de l'écrivain argentin sont au fond aussi vaines qu'absurdes.

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Dans la première nouvelle du recueil, « L'autre », le narrateur est Jorge Luis Borges, en personne, qui s'assoit sur un banc faisant face au fleuve Charles, à dix heures du matin. Il est âgé de soixante-dix ans et constate que la personne assise à ses cotés sur le banc est un autre lui-même, nettement plus jeune, d'à peine vingt ans.

Cet « autre » Borges n'est de prime abord pas totalement convaincu par l'identité de son interlocuteur. Même lorsque son aîné lui narre des détails sur sa vie qu'il est le seul à pouvoir connaître, il reste perplexe et craint que cette rencontre ne soit qu'un rêve. Il se laisse malgré tout peu à peu convaincre et permet à son aîné de lui narrer les grandes lignes des cinquante années à venir. La nouvelle se termine par une explication « rationnelle » toute borgésienne de l'évènement « surnaturel » de la rencontre entre un Borges âgé de soixante-dix ans et un autre Borges de vingt ans.

Le texte explore comme d'autres l'ont fait avant lui, l'identité, la dualité, la frontière ténue qui sépare le rêve de la réalité, ainsi que la conception du temps chère à Héraclite qui soutenait « qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ».

L'originalité de la nouvelle tient à cette forme de prise de conscience douce-amère du temps qui passe d'un Borges vieillissant qui explique à son alter ego, que lorsqu'il aura son âge il aura presque complètement perdu la vue : « Tu ne verras que du jaune, des ombres, et des lumières. Ne t'inquiète pas. La cécité progressive n'est pas une chose tragique. C'est comme un soir d'été qui tombe lentement. »

Si ce texte teinté de nostalgie, revient sur les obsessions récurrentes de l'auteur, sa force de percussion tient, une fois n'est pas coutume, non pas à un tour de prestidigitation vertigineux dont Borges est si friand, mais au regard poétique que pose un homme âgé sur un jeune homme qui est, comme l'avait deviné Héraclite, un autre que lui.

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Recelant les thèmes spéculatifs chers à son auteur, « Le livre de sable » frappe par la poésie nostalgique du regard que porte Borges au crépuscule de son existence, sur le temps qui passe, qui s'écoule inexorablement tel un fleuve dans lequel il est impossible de se baigner deux fois.
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Un recueil de 13 nouvelles dans lesquelles le fantastique a la part belle.
L'auteur explore des thèmes aussi vieux que le monde : le jeune homme qui rencontre un vieillard qui n'est autre que lui-même, la non rencontre avec ce qui est peut être un monstre puisque tous les indices sont là mais le monstre lui est absent, et ce livre de sable qu'on ne peut feuilleter entièrement et dont les pages changent à tel point qu'il est impossible de retrouver une page déjà lue, et toutes ces références à la mythologie nordique que l'on retrouve comme un fil conducteur.
Des mots qui coulent sans qu'on les puisse les rattraper, un texte à la fois léger mais si dense dans sa philosophie.
13 nouvelles à déguster sans modération.
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Il me semblait que ce recueil de nouvelles pouvait être un bon moyen pour entrer dans l'univers de Jorge Luis Bores.
Une dose de fantastique dans chacune de ces nouvelles, ce qui fait penser à Gabriel Garcia Marques.

Ses 13 nouvelles tournent toutes autour des mêmes thèmes : la vieillesse, la mémoire, la fuite du temps, les réflexions philosophiques et/ou théologiques. Et puis le mot, le verbe, la parole.

Présentées comme des souvenirs ou des contes, elles sont autant de métaphores, pas toujours d'une grande limpidité pour qui n'est pas familier de l'oeuvre de l'auteur. Les références à la mythologie nordique y sont nombreuses.

J'ai été peu sensible au propos de l'auteur, probablement parce que je n'ai pas toutes les références nécessaires à saisir le sens de sa pensée. Peut-être aussi parce qu'elles sont très courtes, ne laissant pas le temps de rentrer dans le récit, lequel s'arrête souvent assez brutalement. Si je ne devais retenir qu'une nouvelle ce serait « le miroir et le masque » (métaphore de la vanité, de la suffisance ?).

Pas certaine d'avoir envie d'en découvrir plus sur cet auteur devenu classique.
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Une série de nouvelles toutes aussi surréalistes, hors du temps et surprenantes comme Borges les aime déstabiliser le lecteur. Derrière le fantastique, l'irrationnel, il y a la poésie de l'argentin qui donne des ailes à l'imaginaire et ouvre ainsi des portes sur des univers inédits qu'on a l'impression d'avoir vraiment parcouru longtemps après. Tout ça grâce aux mots de petites histoires simples dans lesquelles on se trouve emporté malgré nous vers une autre réalité. Unique.
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Lecture décevante de cet ensemble de treize contes qui figurent, selon mon ressenti, un amas de leçons de vie et de philosophie simplistes, parfois exprimé par l'absurde voire par l'ésotérique et toujours avec un vernis de références littéraires ou historiques. Je n'y ai trouvé absolument aucun intérêt.
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