AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4

sur 658 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Borges active en nous une zone profonde dans notre cerveau et la laisse palpitante après. Lorsqu'on s'attaque à un livre de Borges, on sait d'emblée à quoi l'on s'attend : à l'inattendu. A l'indicible. C'est le monde enfuit dans le notre et qu'on ne retrouve que si l'on sonde les lieux insolites auxquels on ne fait pas attention, on ne visite pas, trop éblouit par les lieux communs.

Après Fictions, j'ai lu le livre de sable. le livre de Sable ou le livre de Borges car les deux sont fugaces et insaisissables, brillants et infinis. On sent l'influence des Mille et une nuits, de ces lectures d'encyclopédies, mais aussi des sagas scandinaves. Dans ces nouvelles, on raconte des faits mais l'on ne peut savoir si cela a vraiment eu lieu, ou c'est un rêve ou issu de l'imaginaire. le fantastique, l'imaginaire, le magique, le réalisme tous s'y mêlent.

Chacune des treize nouvelles a un caractère différent et peut être la source de longue analyse, ou d'inspiration à des romans volumineux.

L'histoire de ce livre de sable (dernière nouvelle du recueil) m'a fait penser au Facebook . Un livre sans début et sans fin, les pages sont en désordre, les images disparaissent une fois le livre fermé et l'on ne peut les trouver en cherchant sur les mêmes pages, on y trouve un peu de tout, il est infini ; le livre a emprisonné le narrateur dans son monde et l'a éloigné du réel. de même le Facebook, il est infini et les images ou publications cèdent leur place à d'autres, on y trouve tous les domaines imaginables, et si l'on cède à sa tentation on cède et on s'éloigne de la vie réelle.
Commenter  J’apprécie          750
« Le livre de sable » est un recueil de nouvelles tardif de Jorge Luis Borges, publié en 1975, soit plusieurs décennies après « Fictions » paru en 1944 et « L'Aleph » paru en 1949. On y retrouve l'inclination du génie argentin pour une pensée spéculative qui donne le vertige, et visite à nouveau ses thèmes de prédilection : l'infini, l'éternité, l'identité, la dualité, la frontière ténue qui sépare le rêve de la réalité.

Le recueil comporte treize nouvelles, autant de manières d'explorer les obsessions borgésiennes. La quatrième de couverture est d'une franchise déconcertante. Borges y indique : « Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour cette entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps ».

Né en 1899, l'écrivain argentin, âgé de 76 ans et quasiment aveugle lors de la publication de ce recueil est au crépuscule de son existence. Cette volonté « d'adoucir le cours du temps » teinte « Le livre de sable » d'une douce mélancolie et conduit son auteur à aborder le thème du temps qui passe et de sa propre finitude. Les nouvelles qui composent le recueil sont ainsi de facture plus classique que celles qui composent « Fictions ». S'il ne renonce pas à aborder les questions métaphysiques qui hantent son oeuvre, Borges se fait davantage conteur, et nous confie les émotions qui troublent ses narrateurs successifs, au cours des treize nouvelles qui composent le recueil.

---

Dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, le narrateur fait la rencontre d'un vendeur de Bibles qui souhaite lui vendre un « livre sacré », qui se présente sous la forme d'un volume in-octavo, relié en toile, écrit dans une langue inconnue. Les pages sont numérotées en chiffres arabes, mais d'une manière qui semble totalement aléatoire. La caractéristique essentielle de ce livre est qu'il est infini : « Cela n'est pas possible et pourtant cela est. le nombre de pages de ce livre est exactement infini. Aucune n'est la première, aucune n'est la dernière. Je ne sais pourquoi elles sont numérotées de cette façon arbitraire. Peut-être pour laisser entendre que les composants d'une série infinie peuvent être numérotés dans n'importe quel ordre ».

En échange du montant de sa retraite et de sa bible de Wyclif en caractères gothiques, le narrateur fait l'acquisition du livre « infini ». Très vite, le bonheur de posséder un tel objet cède à la crainte que l'on ne lui dérobe. le nouveau propriétaire en devient paranoïaque, et prisonnier du livre qu'il ne cesse d'examiner. Il comprend enfin que « Le livre de sable » est en réalité monstrueux et qu'il risque de le transformer lui aussi en monstre, et va entreprendre de se séparer de cet objet qui contient un nombre « exactement infini » de pages.

Si l'on retrouve dans cette nouvelle une audacieuse exploration du thème de l'infini cher à l'auteur, l'originalité du conte réside dans sa fin, ce moment où le narrateur prend conscience de la monstruosité de l'objet qu'il vient d'acquérir. Ce texte peut se lire comme une forme de confession dans laquelle Borges lui-même réalise à l'aube de la vieillesse le caractère absolument « monstrueux » de son obsession pour l'infini. La douce mélancolie qui irrigue « Le livre de sable » donne à la nouvelle la couleur de la sagesse.

Ainsi, le véritable enjeu du texte n'est sans doute pas d'explorer une fois encore le vertige de l'infini, mais de confesser à quel point certaines des obsessions qui traversent l'oeuvre de l'écrivain argentin sont au fond aussi vaines qu'absurdes.

---

Dans la première nouvelle du recueil, « L'autre », le narrateur est Jorge Luis Borges, en personne, qui s'assoit sur un banc faisant face au fleuve Charles, à dix heures du matin. Il est âgé de soixante-dix ans et constate que la personne assise à ses cotés sur le banc est un autre lui-même, nettement plus jeune, d'à peine vingt ans.

Cet « autre » Borges n'est de prime abord pas totalement convaincu par l'identité de son interlocuteur. Même lorsque son aîné lui narre des détails sur sa vie qu'il est le seul à pouvoir connaître, il reste perplexe et craint que cette rencontre ne soit qu'un rêve. Il se laisse malgré tout peu à peu convaincre et permet à son aîné de lui narrer les grandes lignes des cinquante années à venir. La nouvelle se termine par une explication « rationnelle » toute borgésienne de l'évènement « surnaturel » de la rencontre entre un Borges âgé de soixante-dix ans et un autre Borges de vingt ans.

Le texte explore comme d'autres l'ont fait avant lui, l'identité, la dualité, la frontière ténue qui sépare le rêve de la réalité, ainsi que la conception du temps chère à Héraclite qui soutenait « qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ».

L'originalité de la nouvelle tient à cette forme de prise de conscience douce-amère du temps qui passe d'un Borges vieillissant qui explique à son alter ego, que lorsqu'il aura son âge il aura presque complètement perdu la vue : « Tu ne verras que du jaune, des ombres, et des lumières. Ne t'inquiète pas. La cécité progressive n'est pas une chose tragique. C'est comme un soir d'été qui tombe lentement. »

Si ce texte teinté de nostalgie, revient sur les obsessions récurrentes de l'auteur, sa force de percussion tient, une fois n'est pas coutume, non pas à un tour de prestidigitation vertigineux dont Borges est si friand, mais au regard poétique que pose un homme âgé sur un jeune homme qui est, comme l'avait deviné Héraclite, un autre que lui.

---

Recelant les thèmes spéculatifs chers à son auteur, « Le livre de sable » frappe par la poésie nostalgique du regard que porte Borges au crépuscule de son existence, sur le temps qui passe, qui s'écoule inexorablement tel un fleuve dans lequel il est impossible de se baigner deux fois.
Commenter  J’apprécie          6833
Pour mes deux semaines de vacances andalouses j'avais pris pour défi de lire Borges en espagnol, langue que, malgré mes efforts, je balbutie encore.

Pas ses oeuvres complètes, non, juste ces 13 nouvelles réunies dans le livre de sable, choix idéal pour lire sur la plage, hahaha. Et en vulgaire tricheur, en édition bilingue, traduction en page de droite.
Défi accessible, donc. Croyais-je...

Car c'est en lisant Borges que Babelio, du moins le mien, si je puis dire, a commencé, n'ayons pas peur des mots, à déconner.
Je reçus tout d'abord quelques messages internes. Ravi, j'y répondis par de longs textes ... qui furent aussitôt remplacés par du vide : un carré noir aussi incongru qu'impoli. Babelio me censurait, sans préavis ni raison.

Puis ce fut une demande d'invitation à devenir l'ami de l'un ou l'une d'entre vous. Mais en l'ouvrant je découvris, perplexe et déçu, qu'elle émanait ... de mon propre profil. Absurde ! Je la refusai aussitôt. Trop vite peut-être. Que signifie ce réflexe si ce n'est le dégoût de moi-même ?...

N'ayant encore jamais été confronté à ces bugs, j'en déduisis logiquement que ma lecture de Borges ne pouvait qu'être à l'origine de ces facéties informatiques.
À moins que ce ne fussent des failles, des brêches par lesquelles j'aurais pu entrapercevoir le véritable, l'obscur dessein de Babelio ? C'est éprouvé, c'est par les brêches que nous parvient la lumière.

Plongé dans une intense réflexion, je réalisais alors que mes lectures diffèrent depuis que je suis sur Babelio. Plus assidues, concentrées, profondes. À la recherche des bons passages puis, livre refermé, aussitôt lancé dans les réflexions nécessaires à une éventuelle critique. Pourquoi ? Pour qui ? Pour moi, vous, les deux ? Ou pour Lui, Babelio ? Pour le nourrir, ce monstre glouton jamais rassasié ?

Comment puis-écrire "je suis sur Babelio" ? Serait-ce un lieu, un monde, un univers parallèle ? S'il en est un, est-il stable, pérenne, éternel ? Quelles en seraient ses frontières ? Quelle charge soutiendrait-il ? le poids de tous les textes écrits, lus et commentés dans toutes les langues depuis la naissance de l'écriture ?

De même, puis-je dire que "j'ai" Babelio ? D'avoir installé l'appli m'autorise-t-il à dire que je possède tout ou partie de Babelio ?
Être ou avoir Babelio ? Là est la question.
Ou, bien avant celle-là, qu'est-ce donc que Babelio ?

Une vulgaire base de données : des auteurs ayant écrit des livres lus par des lecteurs qui produisent citations et critiques, appréciées et commentées par d'autres lecteurs qui peuvent s'inviter et communiquer entre eux. Architecture basée sur ces 4 seules tables : auteurs, livres, lecteurs, critiques-citations. Bien maigre squelette.

Babelio c'est surtout l'ambition de devenir le réseau social de la lecture. Un club ouvert à tous, gigantesque mais restant convivial, doué d'omniscience et d'ubiquité. Ça comble un vide, alors on afflue et on en devient vite dépendant. Sans vraiment comprendre pourquoi... Moi qui me méfie des géants du web, que fais-je ici à livrer l'intimité de mes lectures ? D'autant qu'un malicieux fantôme m'y poursuit, décochant ses flèches assassines.

Babelio c'est aussi un labyrinthe en perpétuelle expansion dont les chemins tracés par tous nos "X aime la citation de Y extraite du livre que Z l'avait convaincu de lire" bâtissent un labyrinthe tentaculaire et exponentiel qui aurait, à coup sûr, inspiré Borges.

Je ne m'imaginais pas commenter la moindre ligne de Borges. Je préfère vous livrer le pitoyable galimatias de mes réflexions inabouties dans lesquelles m'avaient plongé ces récits déconcertants, débordants d'érudition et de surprises.

Treize petits contes auxquels je repenserai souvent et que je vous invite à lire et relire, pour bien gamberger.
Commenter  J’apprécie          2511
Merveilleux recueil de... "petits contes fantastiques", oserais-je dire, qui nous ramènent à la magie pure des "Ficciones" ("Fictions") : cette première nouvelle où le narrateur rencontre son double plus jeune sur un banc est fascinante ; quant à la nouvelle "lovecraftienne" (jusque dans son titre), loin d'être ironique et "second degré", elle est un très bel hommage au monde fort "tracassé" (*) de l'auteur natif de Providence... Et je repense aux mots affectueux de Julien Gracq : "Jules Verne, mon Primitif à moi..." : Borges avait donc cette même qualité de respect envers les fictions dites "mineures" de Howard-Philip Lovecraft (l'auteur de notre adolescence) ...

Bref, tout est d'une si grande perfection (artistique, éthique, ...) !

Borges fut un GRAND auteur de fantastique - comme Matheson, il réhabilita ce genre littéraire depuis toujours si déprécié, ou simplement sous-évalué...

Je voudrais aujourd'hui que tant d'auteurs - de par le monde - prennent le risque d'écrire aussi lentement (poétiquement ?) et aussi "sûrement" que lui...

Allons, et que vive la prose poétique !

(*) qualificatif employé dans notre Sud-Ouest ariégeois pour parler d'une personne un peu étrange...
Lien : http://www.regardsfeeriques...
Commenter  J’apprécie          143
Treize nouvelles composent « le livre de sable », un recueil de 1975 traduit en français en 1978.
Les récits, même sur des thèmes très classiques, se déploient avec Borges comme les ailes d'un animal mythique jamais contemplé jusqu'alors, avec le croisement de lieux et d'histoires des continents américains et européens - ici souvent scandinaves ou irlandaises – motifs des questions fondamentales du temps, du fini et de l'infini, de la mort et de l'immortalité, de la réalité et du rêve.

Première nouvelle de ce recueil, « L'autre » est ainsi un récit sur le thème classique du double. Borges, âgé de soixante-dix ans, rencontre son double, un alter ego plus jeune que lui car il a à peine vingt ans, sur un banc au bord d'un fleuve qui s'écoule comme le temps.

La magie opère dans « There are more things », lorsque l'orfèvre Borges nous abandonne au final, suspendus dans l'angoisse. Un homme, poussé par la curiosité, entre dans l'ancienne maison de son oncle, La Maison Rouge, rachetée par un personnage étrange, et maintenant entourée d'une aura de peur et de mystère.
« Mes pieds touchaient l'avant-dernier barreau de l'échelle quand j'entendis que montait par la rampe quelque chose de pesant, de lent et de multiple. La curiosité l'emporta sur la peur et je ne fermai pas les yeux. »

Dans « La nuit des dons », un groupe parle de la question de l'ignorance et de la connaissance ; un vieil homme prend alors la parole et conte l'histoire d'une nuit, en avril 1874, alors qu'il allait avoir treize ans. Un des péons, un garçon plus âgé, l'initie alors aux choses de la campagne. Ce soir-là, il l'emmène avec lui pour se distraire au village. Là, une femme, appelée La Captive, raconte l'histoire de l'attaque des Indiens.
« On aurait dit que tout le désert s'était mis à marcher. A travers les barreaux de fer de la grille nous avons vu le nuage de poussière avant de voir les Indiens. Ils venaient nous attaquer. »

Dans « le miroir et le masque », le roi demande à son poète de composer une oeuvre à sa gloire qui le rendra immortel.
« du temps de ma jeunesse, dit le Roi, j'ai navigué vers le Ponant. Dans une île, j'ai vu des lévriers d'argent qui mettaient à mort des sangliers d'or. Dans une autre, nous nous sommes nourris du seul parfum des pommes enchantées. Dans une autre, j'ai vu des murailles de feu. Dans la plus lointaine de toutes un fleuve passant sous des voûtes traversait le ciel et ses eaux étaient sillonnées de poissons et de bateaux. Ce sont là des choses merveilleuses, mais on ne peut les comparer à ton poème, qui en quelque sorte les contient toutes. Quel sortilège te l'inspira ? »

Souvent, Borges nous donne la sensation profonde et diffuse de toucher à la profondeur essentielle de l'existence et du questionnement de l'homme, comme dans UNDR, l'histoire d'un homme à la recherche d'hommes dont la poésie séculaire se réduit à un seul mot.
« Je suis de la race des Skalds - dès que j'ai su que la poésie des Urniens se réduisait à un seul mot je me suis mis à leur recherche et j'ai suivi la route qui devait me mener jusqu'à leur pays. Non sans peine et fatigue, j'y suis parvenu au bout d'une année. Il faisait nuit ; je remarquai que les hommes que je croisais en chemin me regardaient de façon étrange et certains me lancèrent même des pierres. J'aperçus le flamboiement d'une forge et entrai. »

Borges est un magicien. Son texte coule comme un fleuve de sable et laisse au fil des années une trace, un pli en nous, même sans souvenir précis des mots et des idées qui en forment le courant.
Commenter  J’apprécie          120
Un recueil de 13 nouvelles dans lesquelles le fantastique a la part belle.
L'auteur explore des thèmes aussi vieux que le monde : le jeune homme qui rencontre un vieillard qui n'est autre que lui-même, la non rencontre avec ce qui est peut être un monstre puisque tous les indices sont là mais le monstre lui est absent, et ce livre de sable qu'on ne peut feuilleter entièrement et dont les pages changent à tel point qu'il est impossible de retrouver une page déjà lue, et toutes ces références à la mythologie nordique que l'on retrouve comme un fil conducteur.
Des mots qui coulent sans qu'on les puisse les rattraper, un texte à la fois léger mais si dense dans sa philosophie.
13 nouvelles à déguster sans modération.
Commenter  J’apprécie          100
Voir une chose c'est la comprendre. Tous les objets qui nous entourent ont pour la plupart un sens dont le but est de nous rassurer.

Avoir une réelle vision de l'univers ne peut donc correspondre uniquement qu'à ce que nous pouvons assimiler.

Tout le reste n'est qu'une terre inconnue qu'il faut avoir le courage de fouler.

Une maison rouge local présumé d'un minotaure endormi aux formes insensées que l'on approche dans le dégout et l'effroi.

Des objets s'imbriquant les uns dans les autres échappant à tout entendement.

Un aspect général représentant les traits d'un hôte invisible ne faisant que se répandre dans un labyrinthe sans queue ni tête.

Propageant dans une demeure au bout de nulle part la reproduction démentielle du moins pour nous de sa conscience astronomique.

Dans une sorte de miroirs atypiques allant se perdre dans la pénombre de leurs plafonds.

De nouveaux clichés qu'il faut avoir la force d'affronter sans baisser les yeux au risque de voir s'effilocher au fil de la découverte de pièces aussi improbable les unes que les autres une raison incapable de s'adapter à de telles visions.

Et pourtant une seconde vérité est certainement présente dans toutes ces images dégotées au bord de la folie.

Un autre monde terrifiant dont on ne peut plus ignorer la présence qu'il faut accepter comme une seconde peau juxtaposée à notre monde et que l'univers transporte dans son expansion.

There are more things Jorge Luis Borges

A quoi bon s'acharner sur ce que l'on ne comprend pas ceci malgré l'apparence d'un document regroupant certainement le secret des secrets mais préférant le reproduire dans sa propre logique.

Logique n'en étant pas une du moins la notre puisque tout son contenu n'est qu'un assortiment décousu truffé de contradictions ne provoquant que curiosité peur et retrait.

Aucun suivi possible au contact de pages thématiques venues d'ailleurs dépourvues de consistances passant de main en main dans l'espace et le temps sans pour cela se démunir de leurs codes d'accès.

Le tout dans la paume de sa main pour presque rien certes mais dans quel état !

Une révélation en mode détraquée ne générant qu'un partenariat éprouvant et sans issue entre deux ressentis séparés par un mur infranchissable.

Isolant à tout jamais le mécanisme crypté d'une boite de pandore enchevêtrée dans l'ordonnancement de son déséquilibre, assumant pleinement la surface d'un texte inexploitable très éloigné d'un discernement conditionné dépendant depuis des siècles de sa cause à effet.

Un livre constamment à disposition certainement rédigé à l'aube des temps par la première particule dont nous avons anéanti la fantaisie par notre lucidité et son ordonnancement.

Le livre de sableJorge Luis Borges.

Dans un système universel soumis à la gravitation, un point en rotation autour d'une circonférence sera un présent à la poursuite de son futur et de son passé, concepts qu'il connait déjà puisque son déplacement circulaire est éternel.

Le début est égal à la fin, ce qui était devient ce qui est, tout en étant ce qui sera.

L'événement quel qu'il soit sera irrémédiablement voué à la répétition, malgré la ferme volonté de vouloir changer l'ordre des choses.

"L'hydre-univers tordant son corps écaillé d'astres."
Victor Hugo

En attendant la découverte de cette citation qu'il connait déjà, l'autre, aube et crépuscule d'un même esprit se rêve à distance sur un banc public en devisant sur les comparaisons de deux époques à parcourir ou révolues.

Genève et Cambridge. Borges jeune et vieux en devenir ou déclinant se parle à lui-même le temps d'une brève rencontre en devisant sur ses manques et ses acquis.

Interface entre l'homme d'hier qui grâce à la découverte de son double redevient l'homme d'aujourd'hui.

Plusieurs décennies ignorées par l'un parcourues par l'autre ne sont plus que le devenir et la finalité d'une même conscience.

La première réanime ses réminiscences que la seconde n'étant que le duplicata de la première se chargera de reproduire au coup par coup.

La reconstitution de toute une connaissance accumulée ayant la possibilité de se régénérer à nouveau en visitant ou revisitant toutes les étapes de son parcours sans pouvoir les modifier.

Celui qui a été dégrossit celui qui sera et qui se réalisera dans ses propres pas.

L'autre Jorge Luis Borges

Commenter  J’apprécie          90
Borges et sa recherche de l'infini, de quoi donner de la matière aux rêves. Les petits grains de sable que je cherche sont ici, ceux du marchand de sable. Et je creuse toujours plus dans ce livre de sable, cette œuvre éphémère, ce château de sable fait de mots réellement magiques tracés sur une plage, que les vagues viennent effacer. Je me demande si c'est voulu de la part de Borges la perception que j'ai de ses livres, parce que je les vois qui s'écoulent dans mon esprit comme dans un sablier, parce que je les oublie, avec le temps qui passe, mais il suffit d'y revenir, de retourner le sablier, pour réactiver le mécanisme et pour que le sable s'écoule, encore et encore.
Commenter  J’apprécie          92
N° 1428 - Février 2020.

Le livre de sable - Jorge Luis Borges- Folio.
Traduit de l'espagnol par Françoise Rosset.

C'est une atmosphère bien étrange qui baigne les différentes nouvelles de ce recueil tel Borges qui rencontre un autre lui-même. Il y a d'ailleurs beaucoup d entrevues dans ces textes au nombre de treize [est-ce une allusion au mystère de ce nombre? L'auteur précise lui-même qu'il est le fruit du hasard ou de la fatalité], le narrateur est toujours un sud-américain d'un certain âge qui croise, d'ailleurs fortuitement et sans suite pour l'avenir, un interlocuteur (ou trice) plus jeune. le conteur, qui ressemble à l'auteur tant les détails biographiques donnés le concernent (certains de ses personnages ont en effet des problèmes de vue), est toujours seul voire solitaire malgré quelques rencontres amoureuses mais qui ne durent pas. Les textes où le rêve tient un grande place sont souvent labyrinthiques, inquiétants, mystérieux, fantastiques avec des connotations d'horreur. Il est souvent fait allusion à d'autres écrivains de la même inspiration. Refusant d'écrire une préface à son propre livre Borges lui préfère un épilogue dans lequel il s'explique ou donne des clés de ces différentes fictions. Il souhaite que les rêves qu'elles ne manqueront pas de susciter continuent à nourrir l'imaginaire de ses lecteurs.

C'est sans doute la caractéristique d'un esprit quelque peu dérangé mais je dois bien avouer que je suis entré de plain-pied, sans le comprendre complètement peut-être, dans cet univers que je caractérise moi-même d'énigmatique et je souscris à la remarque de notre auteur faite au début de la nouvelle qui donne son titre au recueil. Il y écrit « C'est devenu une convention aujourd'hui d'affirmer de tout conte fantastique qu'il est véridique ». Cette remarque m'évoque à la fois celle de Boris Vian dans la préface de « l'écume des jours » : « L'histoire est entièrement vraie puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre. » ou, à contrario , le tableau de Magritte «Ceci n'est pas une pipe ».

Ce recueil illustre bien le parti-pris d'écriture qui fut celui de Borges. Il est en effet connu pour être un nouvelliste privilégiant le fantastique et l'aspect infini des choses comme peut l'indiquer la référence au sable qui figure dans le titre donné à cet ouvrage.

Je retiens aussi cette citation de Borges signant également la 4° de couverture « Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure ni pour une entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères aux démagogues. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps ».

©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite.comN° 1423 - Janvier 2020.
Commenter  J’apprécie          80
Borges a un talent fou pour nous emmener dans l'imaginaire, tout en veillant à donner un semblant de réalisme. Son style direct, presque parlé, est très facile à lire. Ses nouvelles très courtes troussent avec intensité une dramaturgie qui nous plonge dans les interstices spatio-temporelles, dans l'ère du doute, du fantastique et de l'onirisme, avec le plus souvent une perte des repères spatio-temporels et de l'identité même des personnages. Une confusion parfaitement maîtrisée, d'une intelligence rare, que j'ai trouvée proprement jubilatoire ! Il nous mène par le bout du nez, sans jamais nous perdre. Il joue avec les apparences, dans des jeux de masques à la Pirandello. Il se met en scène, de manière autobiographique, ou parfaitement irréelle tel ce double imaginaire de la première nouvelle »L'autre ».

« Personne ne s'intéresse maintenant aux faits. Ce ne sont que de simples points de départ pour l'invention et le travail de l'esprit. Dans nos écoles, on nous enseigne le doute et l'art d'oublier », écrit-il dans la nouvelle « Utopie d'un homme qui est fatigué ». Ce doute, il l'instille, avec un sens du décalage inouï et une réelle audace. Il est capable de conclure une nouvelle, en l'occurrence Avelino Arredondo par : « Ainsi ont dû se passer les choses, quoique de façon plus complexe ; ainsi puis-je rêver qu'elles se passèrent ».
Ce « livre de sable » est aussi le nom de la dernière nouvelle du recueil. C'est ce livre qui n'a ni fin, ni commencement...

Bibliothécaire, professeur de littérature, l'écrivain argentin distille de nombreuses références dans ses nouvelles, relevant du conte, du merveilleux, du fantastique ou même de la saga nordique. Ainsi parmi ses ouvrages clefs, on trouve : « Les Contes des mille et une nuits », Lovecraft, qu'il apprécie beaucoup, ou encore Kafka, source d'inspiration - précise-t-il lui-même dans l'épilogue - de la nouvelle le Congrès
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (1714) Voir plus



Quiz Voir plus

Créatures étranges.

Serpent bicéphale rencontré par Caton.

Amphisbène
Basilic
Mandrake
Mermecolion

5 questions
11 lecteurs ont répondu
Thème : Le livre des êtres imaginaires de Jorge Luis BorgesCréer un quiz sur ce livre

{* *}