: C'est avec un plaisir non contenu, suite aux lectures des destins de "Panthasileia" et "Medousa", que nous nous saisirons du premier tome paru, celui de l'héroïne "Ariádnê".
Force est de constater et ce, dès les premières pages, que
Flora Boukri arrivera à renouveler vraiment à chaque fois des mythes que nous pensions connaitre que trop bien.
Ils sont à présent à redécouvrir pour les ados, avec un regard nouveau, plus mature, en considérant ce qui nous avait échappé de ces contextes divins grecs capricieux et humains politiques qui ne réservaient pas que du Merveilleux.
Nous franchirons encore ce passage de l'envers des histoires pour saisir ce niveau supérieur attendant les lecteurs de l'autre côté du mythe.
Comme avec la famille de Meduse "Medousa", le déshonneur se placera sur les épaules et la tête de la famille d'Ariane "Ariádnê" à cause des dieux ( encore!).
Cette infamie encore ici se saura, bannissant le roi Minos et ses héritiers des amitiés diplomatiques.
La marque des "intouchables" des Olympiens, une rancoeur de longue date.
Comme souvent dans ces récits, les malédictions jetées par les dieux de l'Olympe peuvent courir sur plusieurs époques et plusieurs faits ( voir le concours de la pomme d'or de Pâris jusqu'à la Guerre de Troie). C'est dire si la rancune est divinement tenace car pour que faire le devoir de mémoire tout semblera se plannifier jusqu'à un avenir lointain, loin d'être incertain, voire même déja conclu depuis des lustres afin de punir toute une lignée.
Nous nous permettrons de faire une pause ici avec l'aventure d'Ariane qui comportera aussi son lot d'histoires familiales fatales.
Minos, le père d'Ariane, est un demi-dieu, fils d'Europe et d'une infidélité de Zeus ( encore!), métamorphosé en taureau pour échapper à la vigilance d'Héra sa femme. C'est après l'avoir enlevée sur son dos que Zeus révelera son apparence à Europe et ce qui devait arriver arrivera.
La famille d'Ariádnê était déja inscrite sous le signe du taureau buen avant le supplice du minotaure puisqu'en souvenir de ses origines divines, Minos fera des cornes de taureau le symbole de son royaume Knossos.
Passons à la mère d'Ariádnê, Pasiphaé, c'est une demi-déesse également, projéniture d'Hélios le dieu solaire. Certaines histoires raconteraient qu'Aphrodite elle-même aurait maudit la descendance mortelle du dieu Titan Hélios ( les Titans, les premiers dieux ennemis jurés des Olympiens). Hélios, dieu solaire haut perché qui voit tout, aurait rapporté l'infidélité d'Aphrodite ( encore!), déesse de l'Amour, à son époux le dieu forgeron Héphaïstos.
Ainsi pour se venger, la déesse aura inspirer un fort désir à un taureau blanc dans les écuries de Minos, mais également à Pasiphaé la fille d'Hélios le traitre, se rappelant l'histoire même de Minos. Quelle ironie.
D'où le minotaure.
C'est un pied de nez qui fera sourire les dieux, probablement.
Il existe autant de versions de ces histoires que de conteurs et l'une incriminera Poséïdon pour la naissance du minotaure, après que Minos ait réclamé du ciel un taureau magnifique et blanc à leur sacrifier en leur honneur, puis qu'il se soit ravisé et ait sacrifié un autre taureau afin de garder le taureau divin. Même punition pour la pauvre Pasiphaé.
C'est donc de là qu'est ici arrivé le monstre minotaure, qui offrira finalement un levier à Minos sur les colonies indociles vis à vis de son île-état Cnossos et une opportunité de les tyranniser, en obligeant le sacrifice annuel de sept jeunes hommes et sept jeunes femmes de chaque cité à sacrifier à la bête.
Minos est décrit comme un personnage impitoyable, convoquant l'architecte Dédale pour inventer un labyrinthe-prison dont il est impossible de s'échapper, promettant du sport à sa personne mais également capable de retenir le monstre- c'est aussi à cause de cela que le pauvre Dédale, en danger de mort pour que Minos conserve seul le secret du bon chemin du labyrinthe, dût s'évader de Cnossos avec son fils Icare grâce à une autre de ses inventions: des ailes de cire- . Nous vous renverrons à tous ces mythes avec d'autres ouvrages, il ne faudrait pas vous priver d'être un peu plus dans le secret des dieux.
Ariádnê.
Pauvre enfant, fille d'un tyran.
L'auteure orientera le supplice du labyrinthe vers un acte de justice, après que la haine qu'on témoignait à sa famille conduisit à duel trompeur dans une taverne, l'excuse pour l'exécution de son fils aîné lors d'un échange houleux.
Ceci fera poser un poids tragique sur les épaules des enfants restants qui devront supporter annuellement le sacrifice de jeunes hommes et femmes en échange de la vie du fils assassiné.
Combien de temps dure un deuil et combien de punitions pourront racheter une dette à la société de Minos qui continuera de sacrifier encore plus de jeunes innocents?
Un lourd tribu qui ne consolera jamais Minos mais qui l'entrainera d'avantage dans la noire folie et enfoncera chaque fois davantage ses enfants dans une dépression, un sentiment de complicité de meurtre d'innocents. Il faudra choisir: le père, le frère défunt ou la justice?
C'est bien entendu Ariádnê qui s'exprimera en premier (mais comme d'accoutumée pour cette série, le problème sera traité sous plusieurs angles avec d'autres témoignages). Nous partirons d'Ariádnê, puis nous nous détacherons d'elle pour réfléchir sur sa position, les enjeux de son tourment et la décision qu'elle prendra pour gagner liberté et libre arbitre, comme l'avait fait Pentésileia et Medousa.
Le contexte est lourd, pesant, car les enfants de Minos, pour leur propre santé et sens moral, mettent en place rapidement un plan pour le trahir.
Les enfants voient aussi plus loin que le temps de gouvernance de Minos: qu'adviendra t-il après, lorsqu'il ne laissera après sa mort à ses héritiers que des alliances rompues et des dettes de vie à régler avec les autres peuples?
Le raisonnement est pertinent, le récit encore une fois passionnant et intelligent.
L'écriture de
Flora Boukri injectera beaucoup d'empathie chez ses personnages, ce qui permettra de nourrir la réflexion en constamment se mettant à la place de l'autre pour chacun des personnages.
C'est une narration encore une fois ingénieuse afin de traiter un problème sous tous ses angles et suivant plusieurs sensibilités.
Même le héros Thésée " Thêseús" aura l'occasion de s'exprimer sur la situation et surtout sur cette princesse courageuse qui fera selon sa conscience.
On aime toujours.