Suite à l'exposition du même nom qui se tint en 1982, ce livre-catalogue demeure une référence et un bel objet pour se familiariser avec l'écriture hiéroglyphique ou cunéiforme. On n'apprendra pas à lire ces écritures ni à les manier, mais à travers l'abondance documentation textuelle et iconographique, on voyagera dans le temps et l'espace et l'on aura l'idée de systèmes écrits totalement étrangers et fascinants.
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Reflet des traditions, les hiéroglyphes continuent à reproduire des formes ayant disparu depuis des millénaires : ainsi le signe servant à écrire le mot "scribe" présente jusqu'à la fin de l'époque pharaonique une écritoire dont la forme était déjà abandonnée à l'époque des pyramides ! Au même titre que les statues et les reliefs, les hiéroglyphes avaient pour les Egyptiens une valeur magique. Ce sont des images conçues comme vivantes, et qui à ce titre peuvent se révéler dangereuses. Aussi sur les parois des tombes et des sarcophages, le scribe prend-il parfois la précaution de rendre inoffensifs les hiéroglyphes qui pourraient nuire au mort : l'artiste mutile ou larde de couteaux des signes évoquant les animaux féroces, des hommes armés. Parois il remplace ces signes inquiétants par d'autres, plus neutres.
p. 136
Le concept d'histoire est inconnu des Mésopotamiens mais ils avaient une idée arrêtée sur l'évolution de leur société dans le temps. Elle est foncièrement pessimiste. L'homme a reçu la civilisation tout achevée des dieux mais depuis la révélation, le monde s'éloigne de cette perfection qu'aucun effort ne saurait maintenir. Archivistes et bibliothécaires, collectionneurs d'antiques à l'occasion, les Mésopotamiens connaissaient trop bien leur passé tumultueux et étaient des témoins trop attentifs de leur présent pour juger que tout décidément allait de mal en pis. L'histoire est alors enseignement d'une morale sociale dont l'archaïsme fondait la valeur : la connaissance des crises passées sert, sinon à en éviter le retour, du moins à le retarder ou à en atténuer les effets. Après chaque catastrophe, les Mésopotamiens, énergiques et désabusés, se remettaient à la tâche.
Daniel Arnaud, p. 196