Gus est agriculteur. Un brave type peu causant. Gus est un solitaire. Gus a un chien, des cals plein les mains, et un goût prononcé pour le gros rouge.
Bref, Gus est un drôle de gus.
Son voisin Abel, c'est le même en plus vieux. À croire que tous les paysans des Cévennes sont faits de ce même bois rugueux, noueux, malmené par les vents mais coriace et fermement enraciné.
Bref, deux ronces.
Un peu contraints par la force des choses, les deux hommes en viennent à partager de loin leurs quotidiens de célibataires endurcis, et c'est sur cette relation un peu rustre, amicale-mais-pas-trop, que
Franck Bouysse s'attarde. Lentement, posément, par petites touches, au rythme immuable de ces campagnes reculées, hors du temps.
Bref, c'est la vie à la ferme, la rudesse du terroir.
Et l'effet est très (mais alors très !) réussi.
Au point, presque, de reléguer au second plan l'intrigue "policière", en fait assez sommaire (des coups de feu entendus, un peu de sang dans la neige et des visiteurs mystérieux dans un hameau habituellement désert).
Bref, on est plus proche du roman sociologique, de la peinture brute et superbe d'une ruralité en voie d'extinction, que du polar survitaminé ... et c'est très bien ainsi !
Une écriture sensible et épurée, des personnages forts, des rancunes et des souvenirs parfois douloureux qui remontent en surface, des silences lourds de sens, des dits et des non-dits, quelques dialogues rares et secs, qui claquent comme des bourrasques : nous voilà scotchés par un roman - noir - plein d'authenticité.
Bref, j'ai beaucoup aimé.