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3,9

sur 1617 notes
Je ne vais faire une énième chronique de ce roman, il y en a déjà tant, je vais simplement partager mon ressenti car je voulais le lire depuis longtemps...

En fait, je ne m'attendais pas du tout à ça : roman noir plus que polar, dans cette campagne reculée, dans les Cévennes, les Doges, où le travail de la terre est dur, où le voisin le plus proche n'est pas très commode. A défaut d'amitié, il existe l'entraide entre les deux hommes, mais les mystères d'Abel sont souvent un frein à la confiance.

Devant son poste de télévision, alors que se déroulent les funérailles de l'Abbé Pierre qu'il aimait beaucoup, Gus se rend quand même compte que les éloges dithyrambiques sonnent parfois faux, et en descendant sa bouteille de prune pour combattre son rhume, car l'hiver est froid aux Doges, il pense à sa propre vie.

Franck Bouysse évoque ici des évènements étranges, mais on est loin du polar, on entre dans le domaine de la souffrance, de l'enfance maltraitée, des parents violents, des taloches pour un oui ou un non, de la haine, à part la tendresse de la grand-mère qui le protège comme elle peut.

Gus n'a jamais compris pourquoi ses parents le haïssaient, se demande ce qu'il a bien pu faire, et les violences et les moqueries continuent à l'école. On devine qu'il y a des secrets de famille lourds derrière tout ceci et cela aboutit un beau roman.

Une scène m'a marquée : la mort de la mère et la manière dont elle est ressentie par Gus et ce qu'il en fait.

Un regard tendre, au passage, au tracteur Massey-Fergusson, qui me rappelle tant de souvenirs : mon grand-père en avait un, c'était son premier tracteur, et il avait remisé le Percheron à l'écurie, ne lui confiant que des efforts pas trop durs pour entretenir sa forme…

J'ai découvert la plume de Franck Bouysse avec ce roman et j'ai vraiment beaucoup aimé l'histoire, les personnages, au caractère bien trempé, comme la nature, qu'il s'agisse de Gus ou de son voisin étrange Abel, ainsi que toute la réflexion sur la dureté de la vie, la solitude, le bon sens de Gus…

Le titre est magnifique, il évoque ces lignées de paysans qui s'éteignent peu à peu et s'en vont « grossir le ciel ».
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C'est bien ma chance, pour une fois que je lis un roman estampillé « Policier » par le Livre de Poche, il n'y a pas l'ombre d'un képi ou d'un gros inspecteur à l'horizon.
Décevant ? Non.
En fait, je n'y ai pas perdu au change.
C'est un roman noir, noir des idées, noir des images avec du gris dedans, gris du ciel en hiver et des pierres des Cévennes, et puis du blanc aussi, blanc du vide de vies, de solitude et d'isolement.
Par touches rugueuses, l'auteur pour plus de nuances et de complexité a tout de même décoché de la couleur :
Du rouge sombre de sang, du vert morne de peur, du bleu à l'âme et du jaune d'oeuf. « Les oeufs roulèrent du plateau et s'écrasèrent par terre, faisant comme deux soleils éclatés. »
Je ne vous dirai rien de Gus et d'Abel, il faut que leurs secrets demeurent tant que vous-mêmes ne les aurez pas débusqués car les phrases de Franck Bouysse se dégustent et se sirotent comme un vieux marc dans un divan.
L'objectif n'est pas de savoir mais de découvrir, comme pour certains voyages, le but n'est pas d'arriver mais de faire le chemin.
Emprunter ce chemin boueux et torturé c'est s'immiscer dans des existences austères et meurtries qui, avant de grossir le ciel, ont magnifié la terre.
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Une fois n'est pas coutume j'ai envie de laisser la parole au héros pour vous parler de ce livre. Gus, on t'écoute :

Ben voilà ce que je voulais dire c'est que j'ai comme ma petite idée que ce livre là c'est pas tant que ça un polar parce que sûr qu'il s'y passe de drôles de choses mais c'est pas comme d'habitude enfin moi je trouve pas.
D'abord vous pouvez toujours chercher le policier dans ce truc, y en a pas c'est simple. Alors c'est sûr qu'il y a un mystère oui pour ça il y en a même plus d'un ; mais faut pas croire que ce soit si simple que dans les polars à 5 euros qu'on achète au tabac du coin. Non, cette histoire c'est bien autre chose, c'est mon histoire et c'est pas rien de le dire, parce que mon histoire c'est pas de la roupie de sansonnet. J'habite un coin paumé au fin fond des Cévennes alors j'ai pas beaucoup d'amis et on croise pas grand monde dans le coin, mais si vous voulez tout savoir, moi c'est ça qui me plaît. Moi et mon chien, on est bien. Sauf qu'un jour voilà t'y pas que je me mêle des histoires de mon voisin le plus proche, Abel, c'est son nom, on cause parfois tous les deux. Je l'aime bien au fond. Mais tout ce que je peux vous dire c'est que jamais j'aurais du fourrer mon nez où fallait pas parce qu'ici c'est comme partout, les oiseaux de proie c'est pas ça qui manque.
Et pis si après ça vous croyez encore que mon histoire c'est de la flicaille et de l'enquête à gogo vous vous fourrez sacrément le doigt dans l'oeil. La vérité c'est que mon histoire c'est tout comme dans la vraie vie et Franck, il la décrit sacrément bien ma vie, avec ce petit goût de dépôt au fond du verre de rouge et qui reste sur la langue. Et pour sûr aussi qu'il aime les Cévennes ce gars là, parce que j'ai jamais vu de si belles descriptions de mon petit coin de paradis, enfin quand je dis paradis, faut me comprendre, dès fois le paradis c'est l'enfer.
Je peux rien dire de plus pour vous convaincre et si ça vous va pas c'est du pareil au même, mais je vous garantis que si vous lisez mon histoire vous le regretterez pas.
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Gus, paysan dans une ferme isolée des Cévennes, vit presque comme un ermite, avec pour seule compagnie, son chien Mars, ses vaches, son fusil et son voisin Abel.

À la télé qui grésille et fait de la neige, il parvient à apprendre la nouvelle du décès de l'Abbé Pierre.
L'Abbé Pierre fait partie de sa famille. Une image paternelle ; celui qui prend soin des autres, les met à l'abri de la solitude et du froid. Et Gus en avait bien besoin.

D'habitude il ne pose pas de questions, il regarde les faits sans tenter de les relier, de leur donner un sens. Il vit comme la nature. Mais le jour de ce coup de feu, où la neige se colore de rouge, Gus le taiseux arrête le temps du silence. Il pense, il se souvient, il veut comprendre.

Abel aussi de son côté, malgré le mystère qui l'enveloppe, tente de dévoiler un peu de lui. Il fait des choses qui ne sont pas habituelles. La routine qui réconforte la solitude et voile les souvenirs, est brisée par ce coup de feu.

Un huit clos au coeur de l'hiver dans les Cévennes qui nous étouffe, nous révolte. La fin du roman me gêne. Si on pouvait changer le cours de l'histoire, faire parler ces taiseux avant que le drame ne survienne.
Mais c'est un roman noir, une poésie noire, avec des mots qui font briller les silences, qui percent la neige de lumière, embellissent les taiseux et font grossir le ciel.
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S'y il a une évidence dans ce roman de Franck Bouysse c'est le style. Parfaitement mené, on devient très vite l'ombre de Gus, comme lui on s'interroge, on s'angoisse. Tous les minis évènements renforcent cette inquiétude. Qu'est ce qui cloche à ce point qui vous conforte dans votre peur.
Chez Bouysse ces personnages sont des taiseux, bien décidés à ne pas se faire emmerder dans leur vie routinière et solitaire. Bouysse glisse tel le petit poucet des indices qui renforce une forme de paranoïa. C'est drôlement efficace et difficile à lâcher. Dommage peut-être que la fin soit en deçà de l'impression que laisse le roman. Un roman noir de belle facture quand même.
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C'est l'hiver en pays Cévenol, la neige recouvre le paysage de blanc, de silence, le froid s'installe.
Quelque part entre Alès et Mende, au lieu-dit les Doges, un coin perdu, vit Gus et son chien Mars, dans la modeste ferme qu'il a hérité de ses parents.
Son unique voisin Abel vit seul, lui aussi, dans une autre ferme à quelques centaines de mètres de là.
Ils sont l'un pour l'autre ce qui ressemblerait le plus, à leurs yeux, à des amis, mais avec des codes qui leur sont propres. Des amis taiseux, des mal-à-l'aise en société, des hommes qui se méfient des mots. Leurs journées sont plutôt routinières dans ce paysage splendide, ils vivent au rythme de leurs bêtes, des saisons, sans grand besoin, sans réel désir. C'est une vie dure, rugueuse comme le vin qu'ils partagent parfois ensemble, comme la terre qui les nourrit, et ça leur va bien.
Et puis un petit grain de sable vient faire sauter la chaîne de cette mécanique relativement bien huilée. Un jour Gus découvre une tache de sang dans la neige. Ça l'intrigue, il s'interroge, le doute s'immisce tout doucement dans leur relation. L'atmosphère entre ces deux taiseux va devenir lourde, oppressante, ils se jaugent, s'observent…
Franck Bouysse est décidemment très fort. Il a l'art de nous entraîner dans une histoire, a priori sans histoire justement, et puis, tout doucement, petites touches par petites touches, il nous enferme avec ces deux-là, on est coincé là-haut dans la neige, coincé dans leur passé, avec leurs fêlures, leurs drames… on ne sait plus à qui se fier, et on s'inquiète nous aussi… Et tout cela est porté par une écriture sensuelle, parfois très poétique, parfois plus brutale, mais toujours très belle…
Vous l'aurez compris j'ai adoré ce livre, je continue ma découverte de cet auteur, et ça m'enchante…
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Les Cévennes haut lieu du protestantisme, c'est aux Doges que vivent Abel et Gus, les deux personnages principaux de Grossir le Ciel de Franck Bouysse.

Ce sont, des paysans taiseux qui cultivent la terre et le bétail, c'est tout ce qu'ils possèdent.

Et oui, ils vivotent, ils sirotent aussi accessoirement du pinard. C'est leur moment à eux, ces deux compères. Quelques centaines de mètres séparent les deux exploitations. Avec les années ils se sont apprivoisés, donnés des coups de main.

C'est la débrouille, l'entraide, comme un petite bougie qui se consume au fil des années.

Je me suis donc engouffrée dans cette lecture durant la canicule, j'ai tenu bon.

Au fil des pages, j'ai apprivoisé ces deux bougres. Ils vivent dans la solitude, l'aprêté de leur quotidien, se battent pour garder leurs lopins de terre si convoités.

Dans cette apparente tranquillité, ça va basculer…

Franck Bouysse nous fait croiser ces deux destins, y donne un sens. Un roman noir, rural, vous ne voyez pas le déclin arriver, mais les événements vont se précipiter et s'accélérer.
Je ne pensais pas qu'il se passerait grand-chose de nouveau à ce stade de la lecture, mais se serait méconnaitre son auteur !

Abel veut alléger son fardeau alors il s'épanche sur Gus qui est abasourdi, qui ne comprend pas, n'adhère pas. La tension est palpable entre les deux hommes.

Cette révélation, ce secret de famille qui les unit c'est comme un mort sans tombeau.

Les esprits s'échauffent et cela va dégénérer…

Abel, Gus où êtes vous ? je vous cherche partout dans mon ciel.

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Je ne m'attendais pas du tout à ça !
Je pensais lire un texte bucolique sur des éleveurs de chèvres en Lozère, au milieu des châtaigniers et des hippies vieillissants, et voilà que j'ai été plongée dans un drame paysan d'une brutale violence.
Je connais les Cévennes, enfin, les Cévennes l'été, et pour moi, c'est un paradis vert et méridional...Sauf que là, c'est une sorte d'enfer...
Gus et Abel, deux paysans sans âge et sans siècle, sont attachés à leur sol de granit et de schiste par des racines insondables, dont eux-mêmes ignorent la profondeur. Et on ne sait pourquoi, le jour de la mort de l'abbé Pierre, le destin se met en marche pour eux. Et le destin a décidé qu'il fallait tout régler maintenant, tout de suite. Les fautes, les secrets, les crimes, les trahisons. Même et surtout ceux dont ils ne sont pas vraiment responsables.
C'est donc une vraie tragédie qui se joue dans un paysage que je n'ai pas reconnu, un paysage dur, de montagne, de neige, de forêt nue.
Original et magnifique.
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22 janvier 2007, décès de l'Abbé Pierre.
Paysan solitaire et bourru de cinquante ans, Gus ne laisse pas pénétrer grand-chose du monde extérieur chez lui, mais cet événement-là le travaille. D'autant que cette date marque un tournant dans sa vie, dans ses relations avec le vieil Abel en particulier.
Ces deux-là sont voisins depuis toujours, mais ne se parlent que depuis vingt ans, ils sont devenus amis comme deux ours taiseux peuvent l'être : « Ils avaient pris l'habitude de mélanger leurs solitudes en buvant un coup, chez l'un ou chez l'autre ». Ils s'entraident pour les travaux agricoles, ils ont la même vie : quelques vaches, quelques veaux, un chien, un vieux Massey-Ferguson, ils vivent isolés, soumis à un climat rude, se réchauffent au feu de cheminée et à coup de gnôle...

Une histoire qui a pour cadre la campagne, la vraie, « un lieu-dit au fin fond des Cévennes ».
Mais il ne s'agit pas d'un 'roman du terroir' pour autant, ni par le style, ni par l'intrigue. C'est beaucoup mieux, à mon goût, sans accent rural forcé, mais bien avec le regard de quelqu'un qui y vit.
Avant d'être happée par le suspense, je suis tombée sous le charme de la plume de l'auteur, de ses descriptions (attitudes du chien, notamment) et de ses dialogues en particulier. Les joutes verbales sont vraiment réjouissantes, même si l'on peut s'étonner du sens de la repartie de Gus, censé être un peu simplet - ou ai-je mal compris la présentation du personnage au début ?

Coup de coeur sur toute la lecture, jusqu'aux vingt dernières pages qui m'ont légèrement déçue. J'aurais sans doute préféré que l'auteur s'arrête un tout petit peu plus tôt, que l'intrigue reste plus simple, plus sobre...

Pour conclure, j'emprunte les mots d'Alain Léauthier (Marianne) : « On n'a pas fini d'en parler, du style Bouysse : charnel, racé. D'un rien, il fait un monde ».
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J'ai pourtant eu du mal à y entrer dans cet univers de taiseux : des comparaisons à foison parfois tirées par les cheveux, des dialogues ennuyeux dignes de taciturnes qui se mettent à causer, un style au rythme saccadé, sans réelle originalité à mes yeux. A deux doigts d'arrêter, que j'étais. Mais c'était le premier tiers, à peu près. Parce que pour le reste, l'alchimie singulière entre un lecteur et son livre a déboulé, sans explication réelle, mais avec une bonne dose de subjectivité.
Le miracle tient à l'atmosphère de cette histoire, mystérieuse à souhait, où la neige des Cévennes se teinte d'hémoglobine, s'incruste du sceau de présences invisibles, ou de traces de pneumatiques. Sans oublier l'abbé Pierre, dont on se demande en quoi le décès va bien pouvoir susciter l'intérêt, dans cet univers protestant où les « suceurs de bible » ne sont pas bienvenus. Une histoire d'amitié sordide entre voisins célibataires, Gus et Abel, compagnons idéaux de la gente canine, rejetons de famille malheureuse, ou délétère. Avec une fin pour le moins palpitante.
Bien m'a pris donc de ne pas m'en séparer de cette lecture, d'avoir pu mettre de côté mes priorités, pour me laisser enfin emporter.
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