Je viens de quitter l'hiver Cévenol de
Grossir le ciel et me voici dans l'automne de
Plateau. Eh oui,
Franck Bouysse remonte le temps et les saisons à travers ses romans, dans
Glaise (j'ai vérifié) on sera en été, au début du 20ème siècle, au tout début de la première guerre mondiale, et Né d'aucune femme se passe au siècle d'avant encore, pendant les doux mois du printemps… Ces quatre livres forment une unité, une cohérence, et j'avoue que ça me plait bien…
Dans
Plateau nous rencontrons
Virgile et sa femme Judith, deux vieux agriculteurs qui tiennent leur ferme tant bien que mal sur le
plateau de Millevaches. À côté vit leur neveu Georges, il tient lui aussi une ferme et vit dans une caravane, juste en face de la maison de ses parents, morts lorsqu'il avait quatre ans. Encore un peu plus loin vit Karl, qui est arrivé ici un beau jour et qui aime bien chasser avec
Virgile et se faire payer un café ensuite chez son voisin. Nous voici donc encore une fois dans un endroit tranquille, sans histoire, un endroit où chacun vit simplement au rythme de la nature… et des saisons…
Vous percevez sans doute mon sourire, à travers ces mots ? Et vous percevez bien ! Qui peut croire, à présent, que
Franck Bouysse va nous conter la ruralité enchantée ? Il sait bien que nous avons tous des histoires cachées, enfouies, des secrets, des peurs, le sans histoire, ça n'existe pas…
Dans ce hameau paisible où chacun vaque à ses occupations, arrive alors la nièce de Judith, Cory. Elle a vécu des choses qui l'ont blessée, qui ont laissé des traces, elle a besoin d'un endroit pour trouver la paix, pour se retrouver. Et là, vous pressentez sans doute, que l'arrivée de cette femme va rompre des équilibres précaires, va chambouler ce calme apparent, et vous avez mille fois raison !
Franck Bouysse a un don certain pour raconter les histoires, je le soupçonne d'avoir eu des ancêtres conteurs par le passé, des vieux qui tenaient leur auditoire en haleine, les soirs d'hiver, à la veillée, au coin du feu… Et je trouve aussi, qu'il a des talents d'architecte, il met une pierre ici, on la croise au cours de la lecture, on ne comprend pas vraiment ce qu'elle fait là, mais on poursuit, et puis on rencontre une tuile, ou une lauze et on se dit « Tiens, c'est étrange… » et à la fin du récit on comprend tout, l'édifice est sous nos yeux ! Je ne sais pas vous, mais moi j'adore quand un auteur me balade comme ça, d'autant plus que la balade se fait dans l'amour des mots, les chemins de son écriture sont pavés d'images poétiques, de musique, d'émotion…