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3,84

sur 179 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'aurai toujours une place particulière dans mon coeur pour ce livre, qui est le premier de l'aînée des Bronté que j'ai lu. Je les ai tous lu depuis. Sans spoiler, chacune de ses oeuvres est un bout d'autobiographie romancée, et ça fait mal.

ATTENTION SPOILERS car je n'arrive pas à masquer je ne sais pas pourquoi



quand on connait le contexte d'écriture, on a le coeur brisé. Une Charlotte a commencé ce livre, une autre l'a terminé. Entre temps, un frère et deux soeurs perdus, la même année. Un livre arrêté pour cause de dépression, puis repris. Une fin changée, plus joyeuse. Charlotte s'est apparemment inspirée d'Emily pour Shirley, et d'Anne pour Caroline. Elle leur aurait donné le happy end qu'elles n'ont jamais eu. Initialement, Caroline devait mourir de maladie, et Robert Moore de ses blessures. Je ne sais pas si je m'en serai remise..J'ai tellement aimé ces personnages. le contraste entre Shirley et Caroline, qui se complètent si bien. Je me méfiais de la 1ère au début, à tort (elle a d'ailleurs mis du temps à apparaître, pour une oeuvre qui porte son nom)
Caroline est l'heroine pour moi et Shirley un personnage secondaire, c'est dire. Peut être que Shirley devait avoir plus d'importance qu'elle n'en a finalement eu, je ne sais pas, et hop, flemme de Charlotte de changer le titre. Mais ne nous leurrons pas: elle est essentielle à l'histoire.
Et 2 histoires d'amour touchantes, un Robert têtu mais attachant et au final juste et droit. On pourrait penser le couple Shirley-Louis plus passionné, mais on sait bien que non. Caroline est à fond sur son Robert, et, le peu de fois où on a accès aux pensées de celui-ci, on sait parfaitement ou se trouve son coeur.
Il y aurait tant à dire encore: le contexte social, l'oncle révérend, les 3 pasteurs... mais je vais m'arrêter là.
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Bronte Charlotte
Shirley
Encore un agréable moment de plaisir.
Shirley, franchement je ne me souvenais pas ni de l'avoir lu ni de le connaître. Mais tous les ingrédients y sont pour faire un superbe roman pas seulement, mais aussi, elle reproduit bien la manière de vivre, de penser de cette époque ainsi et surtout la vie des patrons et des ouvriers de l'époque. Certains se plaignent actuellement, qu'ils relisent cette période.
Vers les années 1812 le Yorkshire se ressent fortement d'une terrible dépression industrielle.
Ils ont beaucoup de difficultés à faire travailler pour un guignon de pain d'ailleurs, leurs ouvriers, et il en vient toujours plus cependant. La difficulté aussi à cause des guerres de vendre leurs stocks, et la méfiance des nouvelles machines qui pourraient faciliter le travail.
Une foule de personnage gravitent dans ce livre et sont tous bien représentatifs de leur fonction que ce soit les patrons bons ou mauvais, les pasteurs, idem, la vie sociale, la misère, la bonté d'autres, l'amour discret et délicat de l'époque
Franchement tout en apprenant pas mal de choses sur cette époque victorienne, on ne peut que prendre un grand plaisir à participer aux discussions, aux révoltes, une impression bizarre, je ne sais pourquoi, mais d'être vraiment au milieu d'eux, c'est ce que j'ai ressenti.
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Après le succès remporté par Jane Eyre, Charlotte Brontë se lança dans la rédaction de Shirley, roman dans lequel nous retrouvons les thèmes chers aux soeurs Brontë, à commencer par les terres du Yorkshire où elles vécurent. Toutefois, la romancière rédige un ouvrage avant-gardiste doté d'un fort cachet réaliste : l'intrigue se déroule entre les années 1811 et 1814, lesquelles furent marquées par la première dépression industrielle de l'Histoire, alors que l'Angleterre faisaient face aux guerres napoléoniennes. Charlotte Brontë précise d'ailleurs que son objectif était de concevoir « quelque chose de réel, de froid, de solide, aussi peu romanesque qu'un lundi matin ». le récit est le suivant : dans les terres du Yorkshire, la jeune Caroline Helstone coule une existence austère sous la tutelle de son oncle, un pasteur étriqué. Timide, douce et effacée, Caroline nourrit des sentiments pour son cousin Robert Moore, propriétaire de filatures sévèrement éprouvées par la dépression, qui ne se doute de rien. Mais qui est donc Shirley qui donne son nom au roman ? me demanderez-vous sûrement ? Pour le savoir, il vous faudra avoir dévoré rien de moins que les deux-cent premières pages du roman (soyez sans crainte, le suspense est édifiant ! C'est tout à fait jubilatoire!) ! Pour dresser le schéma de son roman, Charlotte Brontë s'inspire de la personnalité de ses cadettes : ainsi, le lecteur peut discerner en Caroline Helstone la discrète Anne Brontë, tandis que l'audacieuse Shirley nous renvoie à Emily. Il faut le reconnaître, parmi les oeuvres rédigées par l'aînée du trio Brontë, Shirley est une étoile filante injustement méconnue. Ce qui est regrettable, car ce roman nous permet de découvrir un être romanesque hors du commun : Shirley est une femme éprise de liberté, ne supportant pas la contrainte, elle veut vivre, se faire entendre, partager ses idées et être considérée autrement que comme une héritière bien nantie et bonne à marier. Exubérante, elle va jusqu'à adopter la conduite d'un homme. Au fond, cela n'a rien de surprenant, sachant que jadis, Shirley, tout comme Ashley, était un prénom exclusivement masculin. On constate que Charlotte Brontë s'est affirmée depuis Jane Eyre, puisque c'est dans Vilette que nous retrouvons une héroïne craintive semblable à la narratrice de Jane Eyre. Shirley se présente également comme une étude de moeurs qui nous permet d'en apprendre davantage sur la vie paroissiale dans les campagnes. de sa plume caustique, la romancière n'épargne pas les tartuffe qui font mine de prendre à coeur la cause des petites gens ou le développement de leur Église...
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En 1811-1812, le Yorkshire industriel est frappé par une crise économique due à la guerre contre la France et au blocus continental décrété par Napoléon contre l'Angleterre. Les patrons des usines textiles sont contraints de licencier, certains se dotent de métiers mécaniques pour économiser sur la main d'oeuvre mais ces innovations provoquent des manifestations violentes de la part des ouvriers. Robert Moore est l'un de ces entrepreneurs dont le soucis principal est d'éviter la ruine et il ne se pose guère de questions sur les conditions de vie des ouvriers au chômage et de leurs familles. Caroline Helstone, orpheline élevée par son oncle, jeune femme douce et réservée, cousine De Robert, est amoureuse du jeune homme et celui-ci semble apprécier sa compagnie. Cependant Caroline est pauvre, Robert au bord de la faillite et il ne peut envisager un mariage dans ces conditions. Survient Shirley Keevlar, riche héritière, propriétaire des terres sur lesquelles se situe la fabrique De Robert, jeune femme vive et enjouée. Shirley et Caroline deviennent vite d'excellentes amies.

Voici un long roman de plus de 700 pages et dont l'histoire se déroule lentement et sans grande surprise : j'ai deviné au fur et à mesure comment se terminerait chacune des péripéties qui permettent de faire avancer le récit. Aucun ennui à la lecture cependant car l'intérêt réside dans la description d'une vie encore campagnarde malgré un début d'industrialisation et dans les opinions et les commentaires de Charlotte Brontë à qui Shirley sert de tribune. En s'adressant directement au lecteur assez régulièrement, l'autrice prend position sur différents sujets avec parfois un ton critique qui peut être amusant. Il est question notamment de l'Eglise, dans une région où l'anglicanisme fait face à des sectes dissidentes : "Rendons aux prêtres d'Angleterre l'hommage qu'ils méritent. Ils ont leurs défauts : comme nous tous, ils sont des créatures de chair et de sang. Mais, sans eux, le pays souffrirait. La Grande-Bretagne pleurerait son Eglise, si cette Eglise venait à tomber. Que Dieu la sauve ! Et aussi : que Dieu la réforme !"

Si Charlotte Brontë compatit aux malheurs des chômeurs sans ressources, elle ne les soutient pas quand ils se révoltent contre les industriels. Les émeutiers sont présentés comme "des hommes égarés par de mauvais conseils et poussés par les privations". Leurs chefs sont "des étrangers venus des grandes villes. (...) des débauchés, des banqueroutiers toujours endettés, souvent ivres, des hommes n'ayant rien à perdre et tout à apprendre sous le rapport du courage, de la propreté et des moyens matériels".

La solution proposée pour sortir de la misère le brave William Farren ? C'est la charité : Moore intervient secrètement pour lui faire retrouver un emploi et le bon pasteur Hall procure à la femme de William une somme d'argent qui lui permet d'ouvrir un petit commerce. Une solution qui semble demeurer individuelle et qui repose sur la bonne opinion qu'ont les intervenants sur William Farren, pauvre méritant.

Ce que j'apprécie le plus c'est, qu'à travers ses deux héroïnes, Caroline et Shirley, le roman est un plaidoyer pour l'autonomie des filles (même s'il ne s'agit que de celle des filles : une fois qu'une femme est mariée, elle se soumet à son mari). Caroline souhaiterait travailler, elle s'en ouvre à son oncle à plusieurs reprises et apporte des arguments. Shirley, qui porte un prénom de garçon (à l'époque Shirley était un prénom masculin), en adopte les manières : elle mène sa barque comme elle l'entend, discute affaires d'égale à égal avec Robert. Elle fait même des commentaires sur les jeunes filles à marier du secteur, ce que lui reproche sa gouvernante. Enfin, nous croisons une enfant de 12 ans qui veut voyager pour découvrir le monde et échapper à sa condition qui lui enjoint de rester à coudre au foyer : "Mieux vaut essayer de toutes choses et les trouver vides que de rien essayer et mener une vie nulle".

En préface j'apprends que Charlotte Brontë a changé la fin qu'elle avait prévue en cours de rédaction. Alors qu'elle en est au chapitre 23 son frère et deux de ses soeurs meurent de tuberculose en peu de temps. Quand elle reprend la plume, elle se dirige vers une fin plus positive, semble-t-il, que celle qu'elle avait envisagée pour donner à ses soeurs défuntes, qui sont le modèle de ses personnages, une destinée heureuse, au moins dans le roman. Cette fragilité de la vie à l'époque -Charlotte avait déjà perdu sa mère et deux autres soeurs- on la retrouve dans la lecture : à un moment ou un autre on craint pour la vie des personnages principaux.

Shirley est un roman riche dont j'ai grandement apprécié la lecture.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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En guerre contre Napoléon, l'Angleterre ferme ses frontières et tout le monde y est perdant : les industriels qui font faillite et les ouvriers qui ne retrouvent pas de travail. Sur fond de révolte des seconds contre les premiers, on suit les péripéties de Robert Moore, jeune fabricant de drap au bord de la ruine, qui a le choix entre deux femmes : son ingénue et tendre cousine Caroline Helstone, et la riche héritière de la région, Shirley Keeldar, jeune femme indépendante tiraillée entre son éducation presque masculine (Shirley était un prénom d'homme à l'époque) et les attentes de sa famille vis-à-vis d'une jeune fille bien. Cerise sur le gâteau, les deux jeunes femmes deviennent vite amies, et il y a d'étranges non-dits entre Shirley et le frère De Robert, Louis Moore. A travers ce carré amoureux, c'est toute une société qui est dépeinte, parfois avec beaucoup de sarcasmes, comme des femmes et des jeunes filles qui ont "une éducation et des principes excellents mais rien d'autre", et on notera même l'apparition d'un personnage nommé Agnès Grey comme l'héroïne d'Anne Brontë, peut-être la tentative de créer un Brontë Cinematic Universe avant l'heure ? En tout cas, ce roman a beau être un pavé, il se lit très bien sans aucun temps mort, même si on peut regretter quelques très longues difficultés des personnages à avouer leurs sentiments (c'était l'usage de l'époque, mais qui reste un peu incongru pour un lecteur d'aujourd'hui).
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Un roman intelligent, plein de suspense, de personnages attachants et complexes et de féminisme. Mais comme j'ai beaucoup de travail ce mois-ci, je n'ai pas le temps de faire une critique, alors j'ai juste choisi quelques passages que j'ai commentés avec le groupe Victorians! sur Goodreads.

Quel plaidoyer en faveur du féminisme dans la discussion des enfants Yorke au chapitre 9 ! Excellent, je voyais Charlotte Bronte s'amuser en l'écrivant !
« - Tous les enfants, surtout nous les filles, doivent se taire en présence de leurs aînés. Pourquoi avons-nous des langues, alors ? demanda Jessy. Et pourquoi surtout les filles, mère ?
- Premièrement, parce que je le dis, et deuxièmement, parce que la discrétion et la réserve sont la meilleure sagesse d'une fille.
- Les gens, poursuivit Jessy, font attention aux garçons. Tous mes oncles et tantes semblent penser que leurs neveux sont meilleurs que leurs nièces, et quand des messieurs viennent ici pour dîner, ce sont toujours mes frères à qui on parle, et jamais Rose et moi... »

Robert Moore, le personnage principal masculin, tente de se remettre de la faillite de sa famille et de garder son entreprise pour continuer à fournir du travail, source d'argent et de vie pour les familles des ouvriers.
Robert Moore a été dur quand il a répondu à l'ouvrier Farren. Mais il s'en est expliqué à M. Yorke. Robert sait qu'il a commis une erreur, mais "Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre."
« Oui, c'est vrai, dit Robert Moore à Yorke. Farren n'a exprimé que la vérité et le bon sens. Je lui ai répondu aussi grossièrement qu'aux autres, qui n'ont fait que jacassé. Je ne pouvais pas faire de distinction. Son apparence racontait ce qu'il avait vécu dernièrement de façon plus claire que ses paroles ; mais à quoi bon expliquer ? Donnons-lui du travail. »
Robert est étranglé. Il se bat pour ne pas perdre son emploi, c'est-à-dire son usine. Il comprend les travailleurs comme Farren, pour qui le travail qu'il leur donne est vital, mais pour l'instant, il n'y peut rien. C'est sans doute en raison de son impuissance face à la crise mondiale et aux crises familiales de ses ouvriers, que Robert Moore a été dur avec Farren. Moore est un homme fort qui réagit avec force. Ce n'est pas contre Farren qu'il s'est fâché, mais contre une situation qui échappe à son contrôle en ce moment. Et dans le dialogue avec Yorke, il explique :
« J'ai reçu ce matin des lettres qui me montrent assez clairement où j'en suis, et ce n'est pas loin de la fin. Mon marché étranger, en tout cas, est englouti. S'il n'y a pas de changement - s'il n'y a aucune perspective de paix - si les décrets du Conseil ne sont pas, au moins, suspendus, afin d'ouvrir notre chemin en Occident - je ne sais pas vers qui me tourner. Je ne vois pas plus de lumière que si j'étais enfermée dans une grotte, de sorte que pour moi prétendre offrir un gagne-pain à un homme serait faire une chose malhonnête. »
Robert Moore est un homme honnête :
« Oui, un deuxième échec - que je peux retarder, mais que je ne vois aucun moyen d'éviter pour l'instant - aurait complètement détruit le nom de Moore ; et vous savez que j'avais de bonnes intentions de rembourser chaque dette et de rétablir l'ancienne société sur ses anciennes bases. »
Je comprends la détresse des travailleurs qui perdent leur emploi à cause des progrès des machines. Mais tel est le progrès. Tôt ou tard, chacun doit s'adapter, et casser des machines qui ne leur appartiennent pas n'est pas la solution.
Dans mon autre travail, non pas celui d'écrivain, mais celui qui nous fait vivre mes enfants et moi, j'ai été confronté à cette situation. J'ai dû m'adapter, et je n'ai pas détruit de machines ni d'hommes pour ça. C'est la vie !
La vie de Farren l'ouvrier n'est pas facile. Mais la vie de Robert Moore le manufacturier ne l'est pas plus. S'il fait faillite, il se retrouvera sans ressources, comme Farren, et en plus, non seulement lui-même, mais aussi ses travailleurs seront au chômage et cela pèsera sur son coeur.

Maintenant, laissons Shirley se décrire :
« Les affaires ! Vraiment, ce mot me fait prendre conscience que je ne suis plus une fille, mais une vraie femme et plus. Je suis un Esquire ! Shirley Keeldar, Esquire, devrait être mon genre et mon titre. On m'a donné un nom d'homme, j'occupe un poste d'homme, il suffit de m'inspirer d'une touche de virilité, et des gens comme ce Moore me parlent sérieusement des affaires, je me sens vraiment comme un gentleman. »
Qui est-elle ? Nul doute qu'elle est féministe et certainement la femme que Charlotte Brontë aurait aimé être : indépendante, libre pour deux raisons : premièrement, l'argent rend libre, deuxièmement, c'est un esprit libre... et ça, ce n'est pas l'argent qui le donne et pas à tous !
Qui est Shirley ?
À la fin du chapitre 15 : L'Exode de M. Donne, les hommes pourraient vous répondre : c'est un homme, plus encore, c'est un gentleman !
Je réponds : Shirley est une femme, plus encore, une femme courageuse et honnête !
Et Donne, cet arrogant qu'elle met à la porte ? Donne était stupéfait. Les aveugles sont forcément surpris devant des femmes lucides !

Quant à Caroline Helstone, il semble qu'elle n'ait été considérée que par une seule personne : Robert. Ou c'est ce qu'elle croyait...
Sa mère est inexistante, on ne sait pas pourquoi, mais elle n'est pas très bien jugée par ceux qui l'ont connue. Son père était un horrible personnage. Son oncle s'occupe bien d'elle, mais par devoir plutôt que par amour. Hortense, si je me souviens bien, ne lui donne des cours de français que parce que cela la rend personnellement heureuse.
Caroline a donc beaucoup investi dans son amour pour Robert. Plus on croit en une chose, plus on est déçu quand ce n'est pas ce qu'on croyait.

Le féminisme est au chapitre XIV et partout ailleurs dans Shirley !
« Les hommes aiment rarement que leurs semblables lisent leur nature intérieure trop clairement et vraiment. Il est bon pour les femmes, en particulier, d'être dotées d'une cécité douce : avoir des yeux doux et sombres, qui ne pénètrent jamais sous la surface des choses - qui prennent tout pour argent comptant : des milliers, sachant cela, gardent leurs paupières closes par habitude ; mais le regard le plus bas a sa brèche, par laquelle il peut, à l'occasion, faire sa propre enquête sur la vie. »

Et féminisme encore, qui me rappelle l'Indiana de George Sand et qu'on retrouve chez Charlotte Brontë dans le chapitre 21 de Shirley dans le dialogue entre Mme Pryor et Caroline.
La différence est que, dans son observation, Charlotte Brontë me semble triste et désespérée alors que George Sand, qui avait lutté pour se faire une vie libre, ne l'était pas. Quoi qu'il en soit, leur observation est la même. Voici le dialogue de Charlotte Brontë :
« - Dans ce cas, le mariage ne devrait pas exister.
- Il devrait, ma chère, s'il ne s'agissait que de prouver que cette vie n'est qu'une simple mise à l'épreuve, où ni le repos ni la récompense ne doivent être garantis. (...)
Dieu mêle quelque chose du baume de la miséricorde, même dans les fioles des malheurs les plus corrosifs. Il peut ainsi tourner les événements, afin que du même acte aveugle et téméraire jaillisse la malédiction de la moitié de notre vie, puisse couler la bénédiction du reste de l'humanité. Je n'aurais jamais dû me marier : ma nature n'est pas faite pour cela. J'étais tout à fait consciente de mon inéligibilité ; et si je n'avais pas été si malheureuse comme gouvernante, je ne me serais jamais mariée… »

Chapitre 22, extrait :
"Les gens détestent qu'on leur rappelle des maux auxquels ils ne peuvent ou ne veulent pas remédier : un tel rappel, en leur imposant le sentiment de leur propre incapacité, ou le sentiment plus douloureux d'une obligation de faire un effort désagréable, trouble leur aisance et secoue leur complaisance personnelle...".
C'est exactement ce que ma propre expérience m'a fait découvrir il y a quelques années. Quand j'ai finalement dit que j'avais été agressée, les adultes qui auraient dû le voir cela dans mon enfance n'ont toujours pas été capables de l'entendre à l'âge adulte. Ainsi va la vie ! Nous apprenons que certaines questions resteront sans réponse, mais la guérison vient de la capacité à poser la question et à supporter la non-réponse.

Chapitre 22, nouvel extrait :
« Les vieilles servantes, comme les sans-logis et les chômeurs pauvres, ne devraient pas demander une place et une occupation dans le monde : la demande dérange les heureux et les riches... »
Encore une fois, cela m'a rappelé ce que George Sand dans Indiana :
« … la société, organisée comme elle l'était alors, lui était favorable et avantageuse ; elle ne pouvait pas être dérangée sans que la somme de son bien-être fût diminuée, et c'est un merveilleux enseignement à la modération que cette parfaite quiétude de situation qui se communique à la pensée. Quel homme est assez ingrat envers la Providence pour lui reprocher le malheur des autres, si pour lui elle n'a eu que des sourires et des bienfaits ? Comment eût-on pu persuader à ces jeunes appuis de la monarchie constitutionnelle que la constitution était déjà vieille, qu'elle pesait sur le corps social et le fatiguait, lorsqu'ils la trouvaient légère pour eux-mêmes et n'en recueillaient que les avantages ? Qui croit à la misère qu'il ne connaît pas ?... »

Et quel plaidoyer féministe et indépendant Shirley envoie à son oncle à la fin du roman ! Vas-y, Shirley !

Belle phrase de Charlotte Brontë dite par Robert Moore, au chapitre 35 :
« Nous nous souviendrons que nous serons jugés à la mesure dont nous aurons jugé les autres ; c'est pourquoi dans notre coeur régnera l'affection au lieu du mépris. »

Et la dernière phrase du roman :
« L'histoire est finie. Il me semble voir le lecteur judicieux mettre ses lunettes à la recherche de la morale. Ce serait une insulte à sa sagacité que de lui offrir des directives. Je lui dis seulement : que Dieu l'assiste dans sa quête ! »
S'il vous plaît, honorable ProfesseurC. Brontë, puis-je seulement apprécier ce roman, ou dois-je vraiment y réfléchir ? Eh bien ! j'y réfléchirai, ce qui sera un très humble remerciement à vous qui avez écrit ces belles et fortes pages.

Mon cher Théophile Gautier a écrit :
« Qu'importe que ce soit un sabre, un goupillon ou un parapluie qui vous gouverne ! C'est toujours un bâton, et je m'étonne que des hommes de progrès en soient à disputer sur le choix du gourdin qui leur doit chatouiller l'épaule, tandis qu'il serait beaucoup plus progressif et moins dispendieux de le casser et d'en jeter les morceaux à tous les diables. » (L'épée étant le symbole de la force armée, le goupillon celui du clergé et le parapluie celui de l'autorité séculière.)
Dans Shirley, tous les personnages sont soumis à une ou plusieurs autorités : le lointain et étranger Napoléon, Lord Wellington l'Anglais, les hommes d'Église, l'oncle..., dont les décisions ont un impact direct sur leur vie.
Question : Avons-nous encore vraiment besoin de tous ces soi-disant chefs ou directeurs de conscience ? Les humains ne sont pas encore assez sages, me répondrez-vous, donc ils ont encore besoin de chefs. Mais les les chefs qu'ils se choisissent sont-ils des sages, eux ?

Quoi, Mlle Brontë ? Ce n'est pas assez ? Ok, voyons voir....
D'une part, Robert Moore, bien qu'il ait du coeur, dirige son usine d'une main de fer. Il la défend fusil contre fusil. Il en résulte des morts, des blessés et de la vengeance, et qu'à la fin, c'est Robert Moore qui se sent mal et qui est seul.
D'un autre côté, Shirley, comme Moore, gère son domaine et ses gens. Elle aussi a du coeur, mais elle est sans violence : elle ne réprimande pas sa cuisinière qui la vole ouvertement. La cuisinière a finalement été conquise par ce bon coeur : elle n'a plus volé sa maîtresse et l'a même défendue. Shirley n'est pas isolée comme Moore, elle se fait des amis : Mme Pryor, Caroline, M. Hall, Henry, etc..... Avec des moyens différents de ceux de Moore, elle parvient à gérer son domaine.
Robert Moore agit d'abord conformément à l'éducation qu'il a reçu de la société et l'époque dans laquelle il vit : il agit comme un homme. Mais, heureusement, il est l'un des héros du roman et, seul, il apprendra à changer pour son propre bien et celui des autres.
Shirley, elle, agit avec les qualités d'une femme de son époque : gentillesse, compréhension, etc..... bien que son caractère soit aussi impétueux que celui de Robert Moore, il est atténué par son éducation. Elle a de la chance, parce que, prenons l'exemple de la cuisinière : Mme Gil, c'est son nom, je crois ? Mme Gil aurait pu être une personne sans coeur et continuer à voler Shirley, auquel cas Shirley aurait dû agir.
Deux leaders, deux façons différentes de diriger.

Toujours pas assez ? Au sujet du féminisme, Mlle Brontë ?
Eh bien ! il y a eu des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire ! Merci pour ce beau roman, Charlotte Brontë !
Lien : https://www.gabrielle-dubois..
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Je n'ai quasiment rien à reprocher à ce livre, tant je trouve que les oeuvres des soeurs Brontë sont des valeurs sûres.
On parle bien souvent de "Jane Eyre" mais quasiment jamais de "Shirley". C'est plutôt dommage car, ce livre, bien que radicalement différent, est tout aussi bon.
Il y a dans Shirley une dimension de "roman social" avec la Révolution Industrielle en Grande-Bretagne et les manifestations ouvrières par exemple qui est très appréciable. Charlotte Brontë a su dépeindre les problèmes liés à cette époque tout en créant un personnage au fort caractère.
Un excellent roman à découvrir !
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Dans ce roman, Charlotte Brontë la vie du nord du Yorkshire, un lieu qu'elle connait bien puisqu'elle y vit. Elle dénonce les difficultés de vivre pour les petits chefs d'entreprises et les paysans, car leur voix n'est pas écoutée en haut lieu.
Elle décrit les paysages et la vie des jeunes femmes et des jeunes hommes qui espèrent des jours meilleurs pour faire des projets plus personnels.
Un grand roman de la littérature anglaise.
Lien : http://passionreading.canalb..
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Les éditions l'Archipel nous offre une belle édition collector de "Shirley". Je ne sais pas vous mais je craque totalement pour cette couverture ! Je vous ai fait une photo que vous retrouverez en bas de mon article car la première de couverture ne rend pas hommage au travail du maquettiste designer.



Un retour au classique qui fait le plus grand bien et qui change des lectures contemporaines. Retrouver la plume de Charlotte Brontë a été un délice qui a été de courte durée mais que j'ai savouré !



1812, nous sommes dans la province du Yorshire. A cause des guerres napoléoniennes, la province du Yorshire subit sa première dépression industrielle. Les temps sont durs aussi bien pour les ouvriers que pour le patronat. Les ouvriers sont menacés de perdre leur emploi à cause de l'avancée technologique (des machines à outils), de ce fait, ils se révoltent (grève).



Robert Moore est l'un de ces patrons industriels qui se trouve avec des usines vides, sans employés. Très occupé à essayer de calmer le jeu, d'éviter les émeutes et une faillite, il ne s'aperçoit pas que sa chère cousine est très éprise de lui ! Caroline est jeune et timide. Robert n'a pas envie de se marier avec sa cousine, il a une autre personne en vue...



En effet, ce cher Robert songe plus à Shirley Keeldar, une jeune héritière qui vient de s'installer en ville. C'est une jeune femme pleine de vie, entreprenante, qui sait ce qu'elle veut, qui sait ce qu'elle fait et qui fait ce qui lui plaît ! "Capitaine Keeldard" comme on la surnomme déborde d'idées et sait où et comment investir son argent. Elle souhaite aider Robert et ses ouvriers. Est-ce qu'un mariage de raison serait en vue ?



En tout cas, c'est ce que pense cette pauvre Caroline qui croît que son avenir est joué et que son amoureux Robert va se marier avec Shirley... Mais elle va vite comprendre son erreur. Elle ne comprendra pas le comportement de Shirley qui est quelque peu cavalier pour l'époque. Elle repousse les hommes de bons partis qui la courtisent, alors qu'elle est courtoise, agréable, familière, naturelle avec les domestiques alors que dans le même temps, elle n'accorde que peu d'intérêts aux hommes qui l'approchent, je pense notamment au frère De Robert.



Ce dernier envisage de fermer l'usine pour aller vivre au Canada. Malheureusement, cela restera à l'état de projet...



Ce livre m'a plu à tous les niveaux ! Que ce soit pour les personnages, pour le lieu, pour l'histoire... Bref, tout ! Caroline et Shirley sont des personnages totalement différents qui équilibre parfaitement le récit tout comme pour les personnages masculins avec Louis et Robert. L'un est doux tandis que l'autre est "sauvage", du moins pour l'époque.



Dois-je vous parler de la plume de Charlotte Brontë ? Elle nous offre un récit haletant, captivant, un brin en avance sur son temps. Elle nous conte une magnifique histoire d'amour où elle y dresse le portrait très réaliste de la société du 19ème siècle.



"Shirley" est une magnifique lecture que je ne peux que vous recommander ! C'est une superbe lecture qui vous plaira pour sa fraîcheur, pour sa vitalité, pour ses personnages, pour son histoire.




Lien : http://leslecturesdeladiablo..
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Robert Moore voit son commerce de draps péricliter en raison de la guerre qui oppose la France et l'Angleterre. En outre, ses ouvriers refusent qu'il installe des métiers à tisser dans la fabrique, craignant de perdre leur emploi. À ses côtés, sa soeur Hortense tient le ménage et à fort à faire avec des domestiques indisciplinés. Leur cousine, la douce et jolie Caroline, orpheline de père et de mère, est très éprise de Robert et désespère d'en être aimée en retour. Mais le jeune homme ne se préoccupe que de son entreprise. À proximité de Hollow se trouve Fieldhead, le domaine de la jeune Shirley, également orpheline et héritière d'une belle fortune. Indépendante et fougueuse, elle dirige sa vie avec sagesse et liberté, guidée par sa gouvernante, la mystérieuse Mistress Pryor, et bien décidée à ne pas se plier à la volonté de son oncle qui voudrait la voir se marier au plus vite. Shirley se lie d'amitié avec Caroline, mais un nuage plane sur leur relation. La fortune de la première peut-être sauver le négoce de Robert Moore ? Si oui, ce ne sera qu'avec un mariage et au désespoir de Caroline. Arrive Louis Moore, le jeune frère de Robert, précepteur très épris d'une ancienne élève. À chacun sa chacune, reste à savoir qui épousera qui.

Ce roman met longtemps, longtemps, longtemps à démarrer. le décor est bien posé, l'atmosphère bien installée, l'histoire peut enfin commencer. Outre l'amour, ce roman parle du mariage et cette institution est à la fois moquée et honorée. « S'il est une chose que je haïsse par-dessus tout, c'est l'idée du mariage. J'entends le mariage dans le sens vulgaire, et comme pure matière de sentiment : deux fous consentent à unir leur indigence par quelque fantastique lien de sympathie mutuelle, quelle absurdité ! Mais une union formée en vue de solides intérêts n'est pas si mauvaise, qu'en dites-vous ? » Entre l'union toute commerciale et l'alliance sentimentale, il n'est pas difficile de comprendre vers où le coeur de l'auteure se penche. Non, ne vous fiez pas à la citation précédente ! le roman est également un plaidoyer en faveur de l'éducation des filles qui ne sont pas que bonnes à faire de la broderie ou à du piano. Selon Charlotte Brontë, le mariage doit élever les deux époux et les placer à égalité. « Un homme et une famille rendent un homme prudent. »

Ceci dit, nous sommes encore dans une histoire où les jeunes filles dépérissent d'amour et où les hommes sont aveugles aux peines des femmes tant qu'elles ne s'effondrent pas dans leurs bras. « Je crois que le chagrin est et a toujours été le vif aliment de ma maladie. Je pense quelquefois qu'un peu de bonheur me ferait pleinement revivre. » Passons cela. Les personnages sont finement construits. Je retiens avec délectation les portraits liminaires et finaux des vicaires Malone, Donne et Sweeting. J'ai aussi vraiment apprécié l'introduction progressive des personnages : Shirley n'entre en scène qu'après un tiers du roman et Louis Moore environ 100 pages avant la fin. Ça redéfinit le sens de personnage principal et déplace l'intérêt d'un protagoniste à un autre sans en léser aucun. Petit détail cocasse : quand le roman est paru, Shirley était un prénom masculin ; il est devenu féminin après l'immense succès du roman. Les lecteurs de l'époque s'attendaient à un héros masculin : quelle surprise cela a dû être de voir débarquer l'impétueuse jeune héroïne !

Shirley n'est pas tragico-gothique comme l'est Jane Eyre, roman que j'aimerai d'amour pour toujours. Il a toutes les qualités sociales d'un roman d'Elizabeth Gaskell et tout le piquant cynique d'un roman de Jane Austen. Oubliée ma déception après ma lecture du professeur ! Shirley est un excellent roman de Charlotte Brontë, pour un peu qu'on lui laisse sa chance et qu'on survive à ses cent premières pages.
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