La solitude c'est précieux mais ça fait mal. Et au bout d'un moment on peut plus s'en passer, mais ça continue de faire mal.
La première fois que j’ai obéi à Ab Stenson, je n’ai pas vu qu’elle était belle. D’ailleurs je n’ai pas compris que c’était une femme avant un moment, vu qu’elle portait des habits d’homme
La première fois que j’ai rencontré Ab Stenson, je lui ai obéi.
C'était doux sans être triste, ou triste sans oublier d'être doux, et j'ai compris que la nostalgie n'était pas une histoire de vieux - j'avais déjà de quoi en savourer la délicieuse amertume. J'avais 17 ans.
Quand on ne sait pas rester à sa place, on n'a plus de place du tout.
- [...] Quelle conne ! C'est Stenson qui avait raison. On peut pas être ce que d'autres veulent, ou alors pas longtemps. [...] Quand t'as pas de place, il faut t'en faire une, et pas une toute petite dans un coin à jouer la discrète comme s'il fallait s'excuser de vivre.
"Une fille qui s'habille en homme, une honte pour toutes les femmes de ce pays ! Nous y voilà. Ce n'est pas qu'elle ait vidé des coffres de banques. Que Stenson ait choisi de porter un pantalon, une chemise, et de vivre une vie d'homme, ça, personne ne lui pardonne." pages 190 et 191
Grâce à cette bête merveilleuse, j'ai pris pied dans la vie d'une façon toute nouvelle, me suis ouvert comme un fruit sec éclaté sous une pierre. J'ai eu moins peur du monde. Accompagné par mon chien, je savais parler, rire, et même affronter. Je ne compte pas le nombre de fois où son poil roux sous mes doigts a apaisé mes peines, la douleur et l'humiliation d'une raclée.
Je n’ai jamais été amoureux d’Abigaïl Stenson. La fascination qu’elle exerçait sur moi était d’un autre ordre. Peut-être que j’aurais aimé lui ressembler, peut-être qu’elle incarnait tout ce qu’on m’avait appris à détester. Je ne sais toujours pas exactement.
Elle était effrayante et ça me rassurait. C’était comme être du bon côté du fusil, malgré les apparences.
J’aurais aimé en savoir plus, et si elle avait fui autrement que devant la Loi en armes et en nombre. Mais tout ce que j’ai su de Stenson, ce sont d’autres qui me l’ont raconté, et ce temps trop court passé près d’elle, bien sûr, qui m’en a dit plus que des mots.
Au seuil de nos vie d'hommes, nous sommes lui et moi des demi-orphelins, bancals, déjà froissés de secrets et de grandes douleurs - notre amitié naît de cela, et d'une évidence qu'on ne saurait nommer ; on tombe amis comme on tombe en amour.