J'ai compris que la nostalgie n'était pas une histoire de vieux -- j'avais déjà de quoi en savourer la délicieuse amertume. J'avais seize ans.
Elle se méfiait des gens de religion, et méprisait leur obéissance, mais elle savait leur pouvoir de nuisance, leurs certitudes portées en vérité. Elle savait qu'il ne fallait pas négliger ça : penser avoir raison et vouloir donner au monde la forme de ses convictions. Ces gens-là pouvaient être dangereux, et se mettre en danger tout autant.
J'attends, en retenant mon souffle, qu'elle me raconte. Elle ne m'a jamais parlé autant. Nos jours de cavalcade ont été faits de silences, de bruits d'orage, du claquement des balles au-dessus du shérif ou dans la peau de l'ourse.
- Déshabille-toi !
- Quoi ?
- Tu pues Garett, désolé de te l’apprendre.
- C’est toi qui dis ça ?
- Des nègres libres, m’ame, ouais. Vous avez un problème avec ça ? L’or à la même couleur dans une main blanche ou dans une main noir.
Un type que je ne connaissais pas a ricané, il avait l'air plus con que méchant mais souvent les deux se rejoignent, au final.
La solitude c'est précieux mais ça fait mal. Et au bout d'un moment on peut plus s'en passer, mais ça continue de faire mal.
Je ne tue pas pour le plaisir, Garett. Ni les bêtes, ni les hommes.
Et le visage de Pearl, crispé par la bagarre, qui découvre la présence de sa mère, son regard sur la scène qui se joue. Elle halète un peu, la lèvre humide mais l'œil sec, ses jambes plantés dans le sol face à l'adversaire vaincu. Je regarde Steson, qui observe sa fille sans rien dire. Un hochement de tête, le regard qui dure, la gosse a le visage qui fleurit, incapable de cacher sa joie d'avoir été vue victorieuse.
La bouche entrouverte et les yeux écarquillés de surprise, Caroline m'a toisé d'un regard qui m'a cloué dans la poussière. Elle n'a pas dit un mot, a pris son élan et, d'un revers puissant, m'a balancé la beigne la plus humiliante et la plus méritée que j'ai jamais reçue.