Poignants souvenirs
Si l'on veut vraiment comprendre
Bukowski, il faut commencer par le début. Les souvenirs, ce sont les siens, le pas grand-chose, c'est lui. de son enfance jusqu'au début de son arrivée dans l'âge adulte,
Bukowski nous dresse une fresque autobiographique froide et intime, lucide et pathétique.
Un récit rythmé en micro-chapitres, comme autant d'instants de vie, de fragments d'enfance sur fond d'Amérique des années 30-40.
Sous les traits d'Henri Chinaski, l'auteur nous confie son dur chemin d'une façon désintéressé, presque sans sentiment ni émotion, avec son style simple et direct néanmoins bourré de réflexions aussi acerbes que sagaces sur le monde qui l'entoure et la société dans laquelle il évolue.
Bagarreur solitaire, attiré par les femmes et leurs jupes qui remontent,
Charles Bukowski ressemble à une version triste et violente du Petit Nicolas.
Les souvenirs prennent vie simplement sous sa plume franche et directe. Pas le temps de s'embêter, quelques images valent mieux qu'une page d'envolées. L'action prévaut sur la réflexion. La violence, familiale comme scolaire, prend le dessus sur l'empathie et la réussite. Fils d'un père menteur, raciste et violent, d'une mère soumise et battue, il grandit sous les coups et les injures. Trajectoire désenchantée d'un enfant qui se cherche entre ses rêves d'innocence perdue et l'injustice violente dans laquelle il berce depuis sa naissance.
« Et puis les coups et les hurlements cessèrent. Je n'entendis plus que les sanglots de ma mère. Elle sanglota pendant longtemps. Et puis ses sanglots se firent de moins en moins forts. Et puis ils s'arrêtèrent. »
Voilà le genre de vérité crue que l'on trouve au détour d'un chapitre. le malheur est assimilé, normalisé, il en devient presque anecdotique. Pourtant c'est bien ce malheur et cette violence qui ont fait de
Bukowski l'homme qu'il est devenu et l'écrivain qu'il fut. Un récit qui ne s'encombre pas d'emphase, tout est là, clair, pur. Les souvenirs reviennent comme autant de boomerang striés de lames de rasoir. Baladés de bagarres en engueulades, de journées enfermées dans une chambre ou d'actions d'éclats sur les terrains vagues, on assiste à la véritable naissance du génie de l'écriture qui sommeille en lui, encore sous-jacente, encore bridée mais déjà brûlante. On ressent sa haine viscéral des gens et de la société, qui n'a rien pu pour lui et dont il n'attend plus rien. Comment aimer les autres quand jamais personne ne nous a aimé ? Inadapté et déçu, il commence très jeune à se passionner pour l'alcool, seul liquide capable de percer le nuage sombre qui surplombe son chemin.
Un livre parfois dur à lire tant la véracité abrupte de son style et de ses expériences nous prend aux tripes. Mais un récit où résident tout de même quelques joies et touches d'espoir, on se surprend à sourire et à rire franchement, perdu entre les limbes d'une enfance volée et l'effervescence d'une cour de récré aux airs de purgatoire.