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EAN : 9782742740918
297 pages
Actes Sud (04/11/2002)
4.75/5   6 notes
Résumé :
En 1947, alors que l'Inde proclame son indépendance, le régime colonial britannique divise le pays et trace de nouvelles frontières selon des zones supposées de densité musulmane et hindoue, créant ainsi deux nations : le Pakistan - occidental et oriental (devenu ensuite le Bangladesh) - et l'Inde. On peut affirmer aujourd'hui que la partition de l'Inde a provoqué l'une des plus grandes convulsions de l'histoire : douze millions de personnes ont été déplacées, plus ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La partition de l'inde et du Pakistan est un sujet passionnant à envisager.
Cette thématique fait partie des grands phénomènes historiques qui des décennies après leurs phases de grande intensité travaillent encore les sociétés et les mentalités en profondeur , tellement ils sont ancrés dans les imaginaires nationaux par le biais de productions d'ordre métahistoriques et du fait des ressentiments individuels larvés qu'ils diffusent dans la réalité de manières plus ou moins occultes .
C'est beaucoup plus que des problématiques de mémoires ou de connaissances historiques rationnelles , que ces phénomènes de forte intensité collectives .
En 1947 le Raj britannique touche à sa fin , l'inde va vers l'indépendance . Toutes les parties concernées sont saufs exceptions assez rares ( dont Gandhi ) d'accords , le pays doit être divisé sur la base d'identités religieuses plus que ethniques .
Une inde majoritairement hindoue et un « Hindoustan « musulman ( Pakistan et Bengladesh actuel ) .
Pour bien comprendre la prégnance des données religieuses , sachez que le Pakistan est composé en partie du Panjab qui fut tranché en deux , musulmans au pays des purs , et sikhs et hindous en Inde .
De même pour le Bengladesh qui est le résultat du découpage du Bengale , un vieux pays à la riche civilisation et à la conscience identitaire nationale pourtant très aigue et quasiment antique .
La dimension nationale et ethnique s 'avère à cette heure de l'indépendance majoritairement inopérante en ce sens qu'elle n'est que très faiblement fédératrice . Les populations éprouvent le besoin de se libérer les unes des autres , de se séparer et Gandhi et le congrès n'y pourront rien …
Les données du découpage territorial sont assez consensuelles . Elles sont globalement le reflet de la réalité sur le terrain , mais elles sont en même temps largement illusoires tant les peuplements sont mêlés .
Quasiment le jour de l'indépendance , le brasier s'enflamme presque partout tant les populations sont mêlées , dans de larges parties du territoire du monde indien. Les violences communautaires explosent à une échelle invraisemblable et quasiment tout l'Hindoustan est concerné .
Massacres , agressions , viols , destructions de biens . le monde indien prend feux au sens propre comme au sens figuré et des millions de personnes perdent tout , sont jetées sur les routes où elles subiront toutes les avanies possibles et imaginables.
Les états s'organisent et mettent à disposition de ces gens des moyens de transports , qui s'avèrent inquiétants , éprouvants et souvent plus dangereux que efficaces …
Des millions de personnes traversent les nouvelles frontières , des millions d'autres restent où elles sont et subissent des situations précaires et angoissantes , où le pire peut se produire chaque jour au coin de la rue , à chaque instant et n'importe où .
Ces flux migratoires désespérés , concernent principalement « l'inde « du nord , de l'Afghanistan au Bengale , ainsi que les régions situées tous le long de la vallée du Gange , le fleuve sacré , qui est la chevelure de Shiva et le lieux de toutes les rivalités , depuis des siècles de domination musulmane , souvent tolérante et syncrétique pourtant mais pas toujours ….
Les gens partent , les mémoires de la cohabitation commencent de s'effacer lentement et les élites ( plus mobiles) surtout s'évacuent laissant souvent leurs communautés politiquement décapitées et culturellement désemparées . C'est- ce qui explique notamment la lente mais sure disparition de l'Ourdou en inde et son transfert dans villes du Sind et du Panjab pakistanais où il est finalement exogène et essentiellement pratiqué par les mohadjirs , les réfugiés musulmans au Pakistan ( originaires de l'ensemble de l'inde ( principalement du nord )) .
Dans le reste du monde indien , dans le Sind pakistanais , dans le Dekkan au sens large , les violences sont retentissantes mais les populations ont tendance à rester sur place ou bien à s'employer à des mouvements de plus faible amplitude ( quartiers , cantons ) .
Hormis le fait que les situations y sont également dramatiques , se pencher sur ces régions présente un intérêt structurel dans l'analyse du sujet car la dimension ethnique y est réintroduite . Les musulmans marathes ou dravidiens ne se sont pas identifiés avec le Pakistan ( à l'époque uni politiquement au Bengladesh ) . Il sont restés chez eux , à l'exception d'une large partie des élites culturelles et religieuses . le facteur ethnique a joué son rôle dans ces régions . Il a fixé les populations sans pour autant leur éviter les heurts intercommunautaires , les recompositions territoriales locales et les drames . Il a fixé les populations sans les fédérer.
Le facteur ethnique donc à contribué à limiter les flux migratoires longues distances sans pour autant éteindre l'incendie identitaire qui s'était allumé et qui fut loin d'être un feu de paille même dans ces régions …
Comme dans toutes les problématiques de ce genre , autant le contentieux s'est publiquement exprimé au plan collectif , autant les victimes se sont murées dans un châle de silence au plan individuel . Cette dynamique à infléchie les consciences identitaires vers une radicalisation lancinante et rampante qui n'a pas fini de travailler les sociétés de l'Inde et du Pakistan , et c'est ce brulant contentieux qui empêche toujours la résolution des problématiques autour de la question kashmiri et qui explique également les différentes guerres et les différents accrochages militaires récurant et fréquents entre les deux pays.
Les rapports sont moins tendus entre l'inde et le Bengladesh où une minorité hindoue assez importante est restée . Là aussi le facteur ethnique a limité la mobilité des populations , pour des raisons différentes de celles du sud et du centre de l'inde , mais sachez que ce pays est néanmoins séparé de l'inde par un immense mur de béton d'une invraisemblable longueur ….
L'auteur a souhaité produire ce document et contribuer modestement à soulever la Chappe de silence qui pèse encore sur tous ces destins fracassés et toutes ces vie brisées. C'est un recueil de témoignages principalement , avec une présentation du contexte historique qui est aussi brève que pointilleuse et solide . Douze millions de personnes déplacées , un million de morts …
Ces témoignages sonnent vrais , Ils sont très circonstanciés , pas romancés . C'est un peu des récits de vie à la Bourdieu …
Cela se lit très facilement , c'est un voyage éloquent au coeur du drame de la partition du sous-continent indien .
C'est un texte dramatique de forte intensité , très prenant riche de sens et d'affects …
Aussi vivant et poignant qu'un roman intensément tragique .
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Urvashi Butalia est une féministe indienne. Elle a fondé une maison d'édition qui publie des livres écrits par des femmes et sur les femmes. Dans cet ouvrage elle étudie la Partition (la séparation de l'Inde et du Pakistan au moment de l'indépendance, en 1947) du point de vue de ceux que l'histoire a souvent oubliés, les femmes, les enfants et les intouchables. La façon dont la Partition a été organisée administrativement (armée, administration) est présentée et ses conséquences sur les populations étudiées illustrées par des témoignages recueillis par l'auteur.

La Partition a provoqué le plus grand déplacement de population de l'histoire, environ 12 millions de personnes, hindous et sikhs quittant le Pakistan pour l'Inde, musulmans quittant l'Inde pour le Pakistan. On estime à un million le nombre de victimes à cause des massacres inter-religieux mais aussi de malnutrition ou de maladie.

75 000 femmes auraient été enlevées et violées. Pour les rechercher les deux pays ont mis en place des équipes chargées de les ramener auprès de leurs familles. Il a fallu d'abord définir quelles femmes étaient concernées : toute femme qui, à partir de mars 1947, vit avec un homme de l'autre religion. Dans ce cas là on ne leur demande pas ce qu'elles souhaitent, elles sont ramenées dans leur pays alors que leurs familles n'acceptent pas toujours de les reprendre. Si elles ont eu des enfants, la situation se complique encore.

Urvashi Butalia montre aussi que, contrairement à une idée répandue, les exactions n'ont pas tant été le fait d'inconnus des victimes mais plutôt de proches, de voisins, voire même de membres de leur famille. Pour les protéger de la conversion forcée, beaucoup de femmes et d'enfants sont tués par leur propre famille. Chez les sikhs ils sont considérés comme des martyrs. Aujourd'hui ces histoires sont encore citées en exemple et les exécuteurs respectés.

A travers tous ces exemples, l'auteure mène aussi une réflexion sur la mémoire de la Partition en Inde. Elle a jusqu'à présent été peu entretenue et au moment où Urvashi Butalia mène ses entretiens on lui demande souvent pourquoi elle le fait et quel intérêt ça présente. Elle-même ne s'est vraiment intéressée à la question qu'après l'assassinat d'Indira Gandhi en 1984 qui a provoqué des pogroms anti-sikhs (elle est à moitié sikhe) qui ont fait remonter chez beaucoup des souvenirs de la Partition.

J'ai trouvé tout cela passionnant et intelligemment mené. Les traumatismes de la Partition sont régulièrement évoqués dans les romans qui se déroulent dans l'Inde contemporaine, j'ai donc apprécié d'en apprendre plus sur le sujet.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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