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EAN : 9791092605020
96 pages
Le Pas de Côté (01/01/1900)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Jusqu’où nous conduira le développement technique ? Le genre humain ne risque-t-il pas de se faire submerger ? Face à la montée en puissance des machines, Samuel Butler sonne l’alarme. Ou bien les hommes acceptent de se laisser asservir par un progrès qu’ils ont déchaîné, et consentent à leur statut de rouages d’une machinerie qui ne cesse de grossir ; ou bien ils reprennent le contrôle de leurs créations, s’opposent à leur essor, et détruisent leurs maîtres d’acier... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
DEUS IN MACHINA.

Drôle de personnage que ce Samuel Butler : Fils et petit fils d'ecclésiastiques anglicans, il part un temps élever des moutons en Nouvelle-Zélande, non sans avoir d'abord étudié à Cambridge. Érudit, passionné d'Italie et de l'Odyssée (dont il attribuera la rédaction à une jeune femme originaire de Sicile), il fut un ardent lecteur et défenseur des théories de son compatriote Charles Darwin, dont il critiquait cependant le peu de considération pour l'oeuvre du grand père de ce dernier, Erasmus Darwin, qui débroussailla, si l'on peut dire, pour son célèbre petit fils. Il connu une certaine célébrité suite à la publication d'un texte utopique empli d'ironie - tant et si bien qu'elle confine parfois à la contre-utopie - Erewhon, parfait anagramme de nowhere...

L'ouvrage que les très critiques (à l'égard du productivisme) et étonnantes éditions vierzonnaises "Le pas de côté" proposent sous cet intitulé général, "Détruisons les machines", regroupe en réalité deux textes parus à quelques années d'intervalles, mais très proches en intention.
Le premier fut une lettre adressée au journal The Press de Christchurch (seconde plus grande ville néo-zélandaise, située sur l'île du sud) et que son auteur avait appelée «Darwin parmi les machines». Le second texte - le plus long de ce petit ouvrage - est en réalité un extrait de son fameux roman utopique Erewhon. Il en reprend trois chapitres au cours desquels le narrateur de cet essai romanesque tâche de résumer, via un livre qu'il a lu sur place puis perdu, les raisons de l'abandon de toute machine plus récente que sept cent ans en arrière par la civilisation qu'il découvre.

Dans la lettre à la presse comme dans son roman, Samuel Butler pose, de manière aussi tragique qu'ironique, les problèmes des rapports de l'homme à la machine. Pratiquant, avec un sens aiguë de l'anticipation et une surprenante intelligence, l'art difficile de la prospective, le britannique pressent non seulement l'évolution possible des machines - rappelons qu'il ne connait alors que celles fonctionnant à vapeur, souvent énormes, lourdes, peu souples, etc - en calquant les théories de l'évolution de son compatriote Charles Darwin sur l'évolution probable de ces créations humaines, répondant, selon lui, aux lois fondamentales mises en évidence par le grand naturaliste. Il perçoit ainsi leur très probable et générale miniaturisation, il comprend aussi que celles-ci, loin de n'être que les simples moyens de l'émancipation unilatérale de l'humanité face aux besoins animaux, n'étant alors, pour aller vite, que la mécanisation des bêtes de somme, auront en réalité pour résultante un asservissement progressif de l'homme à l'égard de ses propres inventions.

Des décennies avant l'invention des ancêtres de nos actuels ordinateurs, il saisit le mouvement d'ensemble, invariable, inarrêtable, qui va permettre à ces machines de devenir, peu ou prou "intelligentes" (pour reprendre une dénomination actuelle, mauvaise mais très signifiante traduction, soit dit en passant, du "smart" anglais), de se spécialiser à un point tel qu'elles vont peu à peu être à même de remplacer presque toutes les activités humaines, si ce n'est, sans doute, leur propre entretien ainsi que leur naissance.

Ne peut-on alors envisager une sorte de révolte de l'humain comprenant ce nouvel état de servilité ? Samuel Butler ne doute pas qu'un tel monde machinisé, incapable de revenir en arrière sans provoquer un désastre universel, sera alors totalement et définitivement, acquis à la cause machiniste, l'être humain se trouvant à son tour ravalé au même rang que ses anciennes bêtes de somme qu'il avait jadis domestiqué pour son seul usage.

Bien entendu, il ne faut pas prendre absolument au pied de la lettre ce que nous explique Samuel Butler. Ce serait lui prêter un dogmatisme et un sérieux intellectuel froid contre lesquels il ne cessa toute sa vie de combattre, entre autre par l'humour et l'ironie. Il n'empêche que sa vision extrême des rapports futurs entre homme et machine ne manquent pas de finesse et, disons-le, de clairvoyance. il suffit pour s'en convaincre de se promener, le nez en l'air, dans les rues de nos villes pour voir comme nos fils à la patte technologiques maintiennent nombre de nos contemporains - à commencer par nous-mêmes - dans une espèce de vide ontologique et d'état de quasi-esclavage que nous sommes pourtant souvent persuadés de maîtriser parfaitement. N'évoquons même pas l'idée de revenir de seulement trente ou quarante années en arrière, technologiquement parlant : rien de ce qui existe aujourd'hui ne pourrait fonctionner sans l'outil informatique... Mais est-ce encore seulement un outil ?

Peut-être n'est-il pas encore trop tard pour accomplir ce que les sages d'Erewhon avaient décidé...? Sans quoi, la machine pourrait bel et bien prendre définitivement le pouvoir et faire de nous ses simples supplétifs !

Un petit opus aussi délicieux qu'inquiétant, écrit dans une langue très agréablement datée, un peu précieuse parfois, d'une grande finesse d'idée et de rythme. Et même si le fond de l'histoire est aussi équivoque qu'alarmant, on en redemande ! Mais ce sera pour une prochaine fois, avec la découverte de cette étrange utopie qu'est Erewhon.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le malheur c'est que l'homme a été aveugle depuis trop longtemps déjà. Dans sa dépendance à l'usage de la vapeur*, il s'est fourvoyé en croissant et multipliant. Retirer tout à coup l'énergie de la vapeur n'aura pas pour effet de nous faire revenir à l'état où nous étions avant son introduction ; il y aura un effondrement général et une ère de chaos tel qu'on en a jamais connue ; ce sera comme si notre population doublait d'un seul coup, sans ressource supplémentaire pour nourrir le plus grand nombre. L'air que nous respirons est à peine plus nécessaire à notre vie animale que l'utilisation des machines ne l'est à notre civilisation : c'est grâce à leur force que la population s'est accrue. Ce sont autant les machines qui agissent sur l'homme et font de lui ce qu'il est, que l'homme qui a agi sur les machines et les a fabriquées. Mais nous devons choisir entre deux alternatives : endurer une grande souffrance dès à présent, ou bien nous voir progressivement supplantés par nos propres créatures, jusqu'à ce que nous ne nous classions pas plus haut vis-à-vis d'elles que les bêtes des champs vis-à-vis de nous.


*L'ouvrage est de 1872. L'essentiel des machines connues par l'auteur fonctionne donc à vapeur.
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Les machines ont exploité la servile préférence que l'homme donne à ses intérêts matériels plutôt que spirituels, et l'ont mystifié en lui fournissant cet élément de lutte et de guerre sans lequel aucune espèce ne peut se développer. Les animaux inférieurs progressent parce qu'ils luttent les uns contre les autres ; les plus faibles meurent, les plus forts se reproduisent et transmettent leur force. Les machines étant incapables de se battre elles-mêmes, elles se sont emparées de l'homme pour qu'il mène bataille à leur place : tant qu'il remplit dûment cette fonction, tout va bien pour lui - du moins il le pense ; mais dès qu'il échoue à faire de son mieux pour le progrès des machines en sélectionnant les bonnes et en détruisant les mauvaises, il est laissé à la traîne dans la course à la concurrence ; et cela signifie pour lui toutes sortes de situations inconfortables, et peut-être la mort.
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Qui nierait que celui qui peut ajouter un train spécial à son identité, et aller où il veut, soit plus hautement organisé que celui qui, même s'il aimerait avoir le même pouvoir, a autant de chance de l'obtenir que s'il désirait avoir les ailes d'un oiseau, et qui n'a pour tout moyen de locomotion que ses jambes ?
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Nous pensons qu'une guerre à mort devrait leur [les machines] être déclarée sur-le-champ. Toute machine de n'importe quel type devrait être détruite par celui qui se soucie de son espèce.
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Si une machine est capable de reproduire systématiquement une autre machine, nous pouvons bien sûr dire qu'elle est munie d'un appareil reproducteur. Qu'est-ce qu'un système reproducteur, sinon un système dédié à la reproduction ? […] Mais c'est l'homme qui les rends capables de faire ça. Oui ; mais n'est-ce pas les insectes qui permettent à la plupart des plantes de se reproduire ? […] Qui peut dire que trèfle violet n'a pas d'appareil reproducteur parce que le bourdon (et le bourdon seulement) doit être complice avant qu'il ne puisse se reproduire ? Personne. Le bourdon fait partie du système reproducteur du trèfle. […] alors pourquoi ne ferions-nous pas partie de celui des machines ?
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