Balance ta grenade

Safia Kessas est une journaliste. Elle anime une rubrique sur la radio La 1ère en Belgique, à une heure de grande écoute. Ce livre réunit ses meilleures chroniques depuis le début du confinement en mars 2020. Balance ta grenade évoque sur un ton faussement badin les grands enjeux de société féministes, en Belgique, mais aussi dans le monde. Alors que les femmes sont en première ligne dans la lutte contre la pandémie COVID (médecins, infirmières, mais aussi caissières, ...) et que d'autres doivent jongler entre télétravail et éducation / garde d'enfant(s), les magazines féminins et les influenceuses continuent à prôner aux femmes de cacher ses cheveux gris ou de se tartiner de maquillage pour les réunions par vidéoconférence...
Drôle et incisif, le regard de Safia Kessas sur l'actualité et la société en une époque plus décisive en changements de fonds (et de forme). A ne pas souhaiter un retour à l'(a)normal.

J'aime l'image de la grenade, l'explosif et le fruit, celle qu'on dégoupille et celle qui recèle une multiplicité de graines, toutes différentes, comme les femmes, ainsi que Safia Kessas l'a évoqué dans une interview.

Car nous sommes toutes représentées dans son ouvrage  « Balance ta grenade ». Cette compilation de chroniques originellement écrites pour la radio est à la fois un outil pédagogique et l'instantané d'une époque. Cette ère, c'est notamment celle de la pandémie de coronavirus (et vous, vous dites le ou la covid ?) qui met en lumière bien des inégalités, les femmes étant souvent en première ligne dans les hôpitaux, dans les magasins, à la maison. En effet, ce sont les femmes à qui on ne lâche pas la grappe (restons dans le thème des fruits 🍇), les sommant de toutes sortes d'injonctions à la beauté et la jeunesse en plein confinement, comme si la charge mentale ne suffisait pas.

Beaucoup d'autres sujets d'actualité sont évoqués dans ces grenades, ciblant la Belgique mais pas que : #BlackLivesMatter, #MeToo, les féminicides, le licenciement d'Adama Cissé pour avoir dormi pendant une pause, le renouveau de l'engouement pour l'écoféminisme, l'élection de Kamala Harris en tant que VP des USA (porteuse d'espoir même si elle ne fera pas de miracle), le « Génie Lesbien » d'Alice Coffin, le film « 365 jours », le groupe "Louvain-le-mec", etc.

Les chroniques vont à l'essentiel et vulgarisent beaucoup de sujets féministes, en deux temps trois arguments Safia Kessas clouerait le bec à votre tonton sexiste et raciste. Des textes mordants et brillants, limpides. À lire, à écouter, à partager avec les machos et, surtout, avec vos amies pour que toutes ensemble on les balance, nos grenades.

Safia Kessas est journaliste. Elle est également autrice et réalisatrice. Depuis cinq ans, on la retrouve sur la Première, où ses chroniques sont dégoupillées avec la violence d'une grenade, fauchant l'hypocrisie et les poncifs. Pas étonnant donc de retrouver le titre de ses billets sur la couverture de cet ouvrage qui revient sur le meilleur de ses interventions. Certains diront une sorte de best-of, avec tout ce que cette expression peut contenir de subjectif. L'occasion de découvrir ou de redécouvrir plusieurs de ses interventions et de réfléchir à la profondeur de celles-ci. L'opportunité également de remettre certaines valeurs en question ou de débattre sur des sujets de société allant du plus important à celui qui occupe une deuxième, voire une troisième position. Il s'agit avant tout d'un regard de femme d'aujourd'hui, moderne et un chouia féministe, car il y a malheureusement toujours un combat à mener contre les inégalités qui frappent une partie de la population, le machisme, la violence, les traditions ancestrales, etc. Autant de freins qui endiguent l'émancipation.

Ce livre fait l'éclatante démonstration qu'il y a un besoin urgent de mettre à nu ce qui oppresse et ce qui opprime, servi par les rouages du patriarcat ancestral et larvé. Au fil des textes courts, l'autrice pique là où les mots griffent, sans complaisance, mais de façon à souligner des vérités que certains n'aiment pas entendre. Il s'agit de désamorcer les tensions et de rendre à toutes la liberté à laquelle elles aspirent.