Je me nomme. Je ne me tais pas
Dans sa préface, Anne-Laure Buffet parle de rencontre, de découverte, d'histoire, « mais la vie se nourrit souvent d'autres débuts ». Et le « il était une fois » se révèle être un piège. La préfacière aborde le tour dramatique d'histoires commencées en amour, le bleu, le jaune teinté de noir, « l'arc-en-ciel foncé et douloureux », le silence et la négation, la violence masculine déployée, les jugements sur l'acceptable voire l'excuse, « L'agresseur conserve sa belle image et la victime préfère le silence à la parole qui met en danger, qui alimente la honte et la culpabilité d'être une femme battue », la dissimulation des marques, la violence psychologique et la terreur, « Tu es folle tu perds la tête. Il faut consulter ma pauvre fille », la négation de la victime, l'autre face de l'existence, la négation de soi…
Et ici la prise de parole, le cri pour refuser de mourir, la main tendue aux oubliées et aux silencieuses…
Un magnifique livre où le texte en blanc s'inscrit sur la page entre les graphismes en noir et blanc.
Un texte comme un long poème du souvenir et de l'espérance broyés par la banalité des paroles inhumaines, du mépris et des violences. Les cauchemars, l'interchangeabilité des femmes, « je redeviens celle que l'on aime pas », der Blaue Reiter, les traces de toi hideux, ce qu'il lui a volé, « Tu es folle tu perds la tête. Il faut consulter ma pauvre fille », l'obligation de se taire, « mon corps devenu comme une maison incendiée », le cauchemar, les mensonges, les calomnies, les vols, les séquestrations, le présent et le passé, le wagon de l'horreur, les femmes « gamme au dessus de l'animal de compagnie »…
Fais comme ci. Fais pas comme cela, dormir par brides éparses, les cachettes dans les replis de doublures, le monde semblant libre hors moi, le retournement et « cette victime du féminisme intempestif », la surface viciée dedans les murs d'ici, une sidération inouïe, les espaces redessinés aux mensonges, les expressions et les épaves ravagées, les calomnies et les injures, « Je demeure ta femme à abattre, concaténation de toutes », les réminiscences, la honte, « j'ai honte parce que je suis une femme »…
La sorcellerie présumée, des mots et encore des mots, « l'espace de ma respiration n'existe plus », l'intériorisation du tais-toi, « Il faudra tirer la chaine par l'autre bout des siècles, tirer le fil du maillot d'impuissances pour le détricoter », les angles du souvenir , « Tu déglutis des serpents à venin tricotés des lambeaux de ton rire de faussaire », un mois de rien, la tête à l'envers, la cécité et son envers au miroir, « tais-toi. C'est fini. »
« Je ne me taira pas. Je te l'ai dit. »
Lien :
https://entreleslignesentrel..