Après avoir menti pendant plus de 17 ans à tous, Jean-Claude Romans tue sa femme, ses enfants le 9 janvier 1993 et le lendemain ses parents. Comment un homme, intelligent, qui aurait pu être médecin ou chercheur a-t-il pu passer à l'acte ? Acculé par le manque d'argent, les interdictions bancaires, il sent lui-même que tout est fini et il veut en finir avec tous ceux à qui il a menti.
Ce livre est au programme des élèves de seconde. Enfin, c'est le professeur de français qui l'a fait étudier à ses élèves. Mademoiselle a énormément apprécié ce livre. Elle a eu d'excellents résultats sur les DS de classe. Elle s'est imprégnée de l'histoire qu'elle a su à merveille restituer dans ses moindres détails. Elle m'a donc demandé de lire ce livre. J'ai mis quand même plus d'un an avant de le lire. Il a fait l'objet de discussions entre nous.
J'étais au courant de cette histoire sans être trop entrée dans les détails. Hormis le crime horrible de toute sa famille, on se demande ce qui se passe dans la tête d'un assassin et surtout d'un menteur. Car mentir pendant autant d'années, il faut le faire. Mentir 17 ans, c'est énorme. Mais comme l'a analysé ma fille, il ment depuis bien plus longtemps. Puisque dans sa famille on cachait les sentiments. On ne montrait pas l'amour, on ne montrait pas la joie et on ne montrait surtout pas les peines. C'est ce qui arrive dans de nombreuses familles et dont beaucoup vivent à la campagne. Mais si les personnes se renferment, taisent les choses, gardent les secrets, cela n'en fait pas pour autant des menteurs pendant autant d'années. Même fragile, un homme ou une femme ne ment pas forcément et ne devient pas un assassin. Romans a une vie extrêmement cloisonnée. Son “travail” et sa vie de famille. L'une ne doit pas interférer sur l'autre. Il a beaucoup réfléchi pour que cela se passe comme ça. Il a trouvé tous les moyens pour ne pas être pris.
Outre le fait qu'il ait menti, je trouve que sa relation amoureuse et son mariage sont déjà un mensonge. Y avait-il de l'amour entre eux ? de la tendresse, forcément, à la longue. Mais vraiment de l'amour. Jean-Claude Romans a eu sa femme par le mensonge, en lui annonçant sa maladie. A-t-elle voulu lui épargner ainsi une souffrance psychologique en rompant ?
Ce livre ne m'a fait ni chaud, ni froid. Oh, bien sûr, j'ai été scandalisée concernant les meurtres. Mais je suis beaucoup plus scandalisée par l'attitude de cet homme.
Emmanuel Carrère lui laisse sa part d'humanité. Ce qui est normal. Puisqu'il est en train de payer pour les meurtres commis mais il laisse encore plus d'humanité à tous ceux qui ont souffert pas la faute de Romans, la famille défunte mais aussi tous les amis qui ont souffert à cause de ces crimes, et en particulier les enfants. Et surtout
Emmanuel Carrère trouve, par deux fois, que le fils de Romans ressemble à son propre fils. Carrère veut savoir ce qui s'est passé dans la tête de Romans, mais il n'y réussira pas, à moins qu'il n'ait pas tout écrit.
Pouvoir écrire sur une tragédie n'est pas donné à tout le monde. Il ne faut pas y mettre du sentimental quand on relate les faits. Cet exercice est très bien maîtrisé par
Ann Rule. Un peu moins par
Emmanuel Carrère.
Par ailleurs, je me pose également beaucoup de questions. Comment a-t-il pu vivre plus de 20 ans avec cet argent ? Bon, c'est vrai, cela faisait un bon paquet d'argent détourné en Suisse, mais si je fais le compte on n'arrive pas au million de Francs. Et tout ça pendant 17 ans. C'est vrai qu'au départ, ils vivaient dans un petit appartement. Mais ils ont acheté, ont envoyé leurs enfants dans une école privée et surtout il y a ces fameuses dépenses dans des produits de luxe, hôtels et restaurants.
J'analyse plutôt la vie de Jean-Claude Romans, alors qu'il faudrait que j'analyse
Emmanuel Carrère. Il a fallu du temps à l'auteur pour finaliser son projet. Entre les premiers contacts, les premières réponses de Romans, des années ont passé. L'auteur a mis de côté son projet. Même il n'a plus voulu l'écrire, pensant que s'il se rangeait du côté de l'assassin (ce qui n'est pas le cas), il ferait souffrir encore plus ses victimes.
Emmanuel Carrère se sent donc honteux d'écrire sur cet homme. Mais un auteur doit faire son travail. Il doit écrire sur les sujets qui le passionnent pour tenter de donner la vérité. Mais ce que livre
Emmanuel Carrère est sans concessions. Il y a du travail de journalisme puisqu'il rend compte du procès, des éléments que tout le monde connaît. Mais il rend compte également de la vie de Romans derrière les barreaux. Un homme, qui reconnaît ce qu'il a fait, mais qui reste une énigme pour la psychiatrie. Car il n'a vraiment pas l'air de se rendre compte que tout est fini pour lui. Ah oui, il demande pardon. Mais comme il a été bien éduqué, c'est normal. ll pense qu'il l'obtiendra ce pardon et que ceux qu'il a tué, il les retrouvera dans l'au-delà et qu'ils seront ravis de l'accueillir. On voit également un homme qui a commis ces meurtres de sang-froid. Il n'a pas eu d'arrières pensées, il a exécuté sa famille, l'a laissée mourir et a pris son temps. On aurait pu penser, au départ, qu'il voulait mourir avec eux, mais non. Jean-Claude Romans est un homme égoïste qui ne pense qu'à lui. Il ne pense pas au mal qu'il a fait. S'il “rentrait” en lui-même, il se rendrait compte de toutes les horreurs accomplies. Il se souviendrait de tout et alors là, sa vie est finie. C'est soit la dépression, la démence qui l'attendent avec une possibilité de guérison ou le suicide. D'un autre côté, il voulait que ces crimes soient découverts puisqu'il a attendu longtemps avant de mettre le feu à la maison et il a permis aux pompiers de le sauver. Cela lui permettait également de mettre tout à jour. du narcissisme en lui ? Fort possible. Il paie pour des crimes. Mais il paie également pour ses mensonges et ses malversations. Sa vie est donc ainsi brisée pour de bon. Car en définitive que sa belle famille, ses amis, connaissances, sachent les mensonges maintenant, quel intérêt ! Tout est fini pour lui. Il veut peut-être également faire payer tous ceux qui ont réussi et en particulier son plus fidèle ami. le faire payer parce qu'il ne s'est pas assez intéressé à lui. le faire payer parce qu'il ne l'a pas assez questionné. Jean-Claude Romans n'a pas détruit sa vie, même s'il se pose en victime. Il a détruit toutes celles des autres. Il avait la capacité, qu'il possède encore, à faire dévier les conversations. Jean-Claude Romans est une énigme, avant tout, pour lui-même.
On peut également s'interroger sur les amis. Pourquoi ne sont-ils pas allés plus loin lorsqu'ils avaient des doutes ? La confiance, l'amitié, est-ce que cela fait un tout ?
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