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sur 3245 notes
Difficile de trouver les mots face à ce terrible fait divers... On ressent même une certaine gêne de la part de l'auteur à aborder cette histoire.

Jean-Claude Romand est un bon cas d'étude en psychiatrie/psychologie c'est le sentiment que cette lecture m'a laissé.

Incroyable de se dire qu'un type ait pu mentir sur sa vie à ses plus proches durant tant d'années sans jamais avoir éveillé le moindre soupçon. le sens de la manipulation il en a usé et abusé, et même après la tragédie, il continue mine de rien à manipuler -ou du moins tenter- l'auteur, les visiteurs qui viennent charitablement en prison lui apporter une présence et une écoute etc... On le sent à travers ses lettres qu'il envoie à l'auteur, sa tristesse, son désespoir et la nouvelle voie qu'il a trouvé à travers la prière me paraissent bien peu sincères.

Je trouve cette histoire fascinante, effrayante et déconcertante.



L'auteur pose beaucoup de questions, mais ne semble pas donner de réponses. Bien sûr on ne peut jamais savoir ce qui passe dans la tête d'un homme, mais j'aurai aimé lire des hypothèses plus fouillées de la part de l'auteur. Il se contente mollement de retranscrire le déroulé du drame, en revenant sur le passé nébuleux de ce personnage et en faisant un parallèle totalement hors propos sur sa vie. Quel intérêt de trouver des points communs avec cet assassin en mettant en avant le fait que lui aussi était en famille ce jour fatidique du 3 janvier 93, ou que lui aussi connaissait une vie de solitude lorsqu'il se mettait au travail pour l'écriture de nouveaux livres? Moi aussi je pourrais dire que le 3 janvier 93 j'allais sur mes 6 ans, peut-être étais-je en famille ce samedi la? Ou avec ma nounou ou mon chien? Ai-je passé la journée à faire des dessins ou jouer aux barbies?

Dommage de retrouver ce genre de propos dans un tel ouvrage qui est très bien écrit soit dit en passant.



C'est une des histoires vraies des plus difficiles à comprendre. Un homme d'une grande intelligence a cessé de passer ses examens en médecine mais a continué d'étudier fiévreusement année après année. Pourquoi une telle bêtise? Pourquoi ne pas reconnaître un échec et repartir de l'avant? Il a même pu s'entretenir à de nombreuses reprises avec de vrais professionnels qui ne manquaient pas d'éloges devant ses connaissances! Il y a la une grosse blessure narcissique ça ne fait aucun doute, mais ça n'explique pas tout, ça dépasse l'entendement. Il y a parfois de pieux mensonges qui se disent en famille pour ne pas blesser les susceptibilités d'untel ou plus communément parce qu'ils correspondent à des secrets de famille bien enfouillis depuis longtemps. Mais tout de même, baser sa vie sur le mensonge, adopter une personnalité factice, se marier, avoir des enfants, épouser une profession qui n'est pas la sienne pendant des décennies! Seule une personne extrêmement intelligente aurait pu le faire. Il est facile de mentir, plus difficile de s'en souvenir sur le long terme du contenu intégral dudit mensonge, et plus difficile encore de mentir sur plusieurs fronts, simultanément et en toute circonstance sans jamais baisser la garde!



Une lecture passionnante, qui soulève beaucoup de questions sur notre vie et nos rapports avec ceux qui nous entourent. le danger ne vient pas toujours de l'extérieur...




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Cet ouvrage n'est pas ordinaire. Il traite de la fascination d'un auteur de livres auprès d'un auteur de mensonges,qui se fera auteur de crimes pour pouvoir, pense-t-il , continuer à mentir sa vie.
Comment ne pas s'interroger sur ce qui attire si fort Emmanuel Carrère dans cette histoire, certes incroyable, mais plus proche du médico-légal que de la littérature? A moins que mentir sa vie soit une des définitions du romancier?
En tout cas, l'ouvrage est excellent et il donne à penser. Qu'est ce qu'exister, aux yeux du monde? Où commence l'imposture? Qu'est-ce qui, de nous, est vrai? A quoi acquiescent finalement les personnes qui nous entourent, et attestent de notre vie, de notre personne? Sommes-nous complices ou victimes de certains mensonges? Qu'est-ce que l'image sociale? A quoi tient-elle? Que sont les apparences?A quoi tient l'idée que l'on se fait d'une personne?

Dans un autre registre, les réflexions sont également multiples. J'en extrait une seule, qui touche à la construction psychologique du personnage qui vécut des années à une telle distance de ses proches, et que je formulerai peut-être paradoxalement. de quelle certitude procédait la vie mensongère de J-C Romand?

Un livre vertigineux.
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Le samedi 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand tue sa femme, leurs deux enfants, puis ses parents, acculé par les mensonges sur lesquels reposaient toute sa vie, le faisant passer pour un brillant médecin travaillant à Genève quand il n'était qu'un escroc qui vivait de l'argent que ses proches lui confiaient, espérant de juteux placements suisses.
Le fait divers a défrayé la chronique, et Emmanuel Carrère, avec son talent de romancier judiciaire, essaie ici de nous montrer ce personnage, de refaire le film depuis la première "bifurcation" jusqu'aux années d'incarcération qui suivent le procès. Des années de faux-semblants pour couvrir l'anodine faille originelle. Quel profil se dégage alors ? Et surtout, quels liens se tissent entre le travail d'écriture et la violence brute des faits ? Quel angle permet de rester sincère devant la mystification ? L'écrivain n'est-il pas aussi celui qui accommode la vérité pour la passer à travers le filtre de son oeuvre ?
Cette lecture est prenante, et si elle donne des réponses, elle pose aussi nombre de questions, difficile d'en sortir indemne tant elle semble nous tendre un miroir déformant le réel. La mythomanie élevée au rang de chef-d'oeuvre est une jubilation pour l'esprit tant qu'il s'agit de fiction, mais dès qu'elle lors qu'elle est bien réelle, elle ne peut révéler que dégoût et désespoir. Cette tragédie véritable a suscité pour moi davantage de terreur que de pitié.
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En 1993, Jean-Claude Romand tue femme, enfants et parents. L'enquête montre qu'il n'est pas le médecin et chercheur à l'OMS qu'il prétend, mais qu'il n'a jamais terminé ses études, qu'il vit depuis 17 ans sur les économies de ses proches et regarde les jours s'écouler dans des mensonges inextricables. L'auteur relate ce fait divers à la manière d'un roman policier et d'une analyse psychologique, s'attachant à comprendre comment l'homme a pu s'enliser dans son imposture et convaincre ses proches. Un récit percutant et brillant qui questionne également la place de l'écrivain horrifié mais aussi fasciné et voyeur.
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Est-ce qu'on connait bien son meilleur ami ?
Je suis happée par l'action. Lectrice attentive, je dévore les mots. Je connais l'histoire, je connais le comment et le pourquoi de ce fait divers. J'ai vu le film il y a quatre ans et j'en garde un malaise vivace. Oui, j'ai vu les images et maintenant je veux m'attarder sur cet homme, découvrir les détails passés trop vite dans le film.
Ce roman retrace le mal dans toute son horreur, le mensonge devenu un gouffre de plus en plus profond. Mensonge sur mensonge, le cercle vicieux se referme comme les dents d'un prédateur féroce et tenace.
Ce roman raconte un homme que l'auteur s'évertue a rendre humain. En effet, Carrére s'acharne à comprendre le parcours de la folie et comme il a disséqué la souffrance dans « D'autres vies que la mienne », il essaye de suivre les traces de l'Adversaire et de reconstituer son quotidien.
Au fil des pages, le lecteur prend conscience de l'angoisse, d'un monde fait d'abime et de désespoir. Non, je ne me fais pas l'avocate du diable car je ne trouve aucune circonstance atténuante. L'auteur n'a pas pu rendre Jean Claude humain à mes yeux car il restera un monstre et rien ne justifie son geste.
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Emmanuel Carrère, comme beaucoup de gens, a été interpellé par le cas "Romand". Un fait divers, certes, mais qui va s'immiscer dans les interstices de la création artistique de l'écrivain. D'abord, Carrère envisage un roman. le roman de Romand, en quelque sorte... Désolé pour ce calembour douteux.

Jean-Claude Romand, c'est ce monsieur qui a fait croire pendant des années qu'il était médecin à l'OMS à Genève, après avoir fait croire qu'il avait réussi ses études de médecine. On ne compte plus ses mensonges, ses arnaques, ses faux-semblants, ses arrangements avec la vérité et les gens... Plane encore le doute sur le décès du beau-père de Romand... malencontreusement tombé dans les escaliers (et uniquement en présence de Romand) alors qu'il demandait à son beau-fils une partie de l'argent confié à celui-ci, et prétendûment placé sur un compte bancaire suisse...

Jean-Claude Romand, ses meurtres multiples, sa vie de mytho, son procès... c'est vrai que c'est diantrement cinématographique. Les versions successives, les trous de mémoire qui tombent à pic, les excuses bidon, le repentir factice, les analyses de psy, même son suicide raté avec des médicaments périmés... Tout cela ne peut que fasciner un écrivain. L'acceptation même par Romand de Carrère comme observateur-commentateur externe, cela veut dire beaucoup.

Dans ce genre de récit, il faut distinguer les faits bruts du récit qu'en fait Emmanuel Carrère. Les faits sont terribles, mais le récit d'Emmanuel Carrère magnfie-t-il les faits ou les écrase-t-il? Carrère démarre par quelques confessions personnelles, puis il entame une sorte de récit technique, objectif, distant du passé de Romand. Ce passé, Carrère ne le connaît que par les audiences du tribunal. Il a échangé une correspondance avec Romand, mais n'a pas eu d'entrevues avec le meurtrier (seulement son avocat).

Carrère mentionne à quelques reprises ses discussions avec les journalistes qui suivent le procès. Ces écarts sont très intéressants, et je regrette que Carrère ne les développe pas davantage.

La partie intéressante vient quand Carrère se lâche. Quand il donne son avis, fait part de ses sentiments... Et quand il entame un débat avec une dame respectable qui visite Romand en prison et s'émeut du devenir de ce multiple meurtrier... Carrère lui répond "et vous le croyez?"... Peu à peu Carrère glisse et s'éloigne de Romand et se remet à penser en écrivain, pour voir l'envers du décor, de ce décor que Romand essaie de peindre à celles et ceux qui veulent bien l'écouter.

Carrère finira même par imaginer abandonner ses notes et ses cartons, estimant qu'il n'y avait rien à faire de ces mensonges à répétition proférés par un personnage mou et moite, transpirant la surestime de soi et la suffisance, arrivant presque à rejeter sur les défunts le fait qu'il les ait tués...

J'ignore si ce livre est représentatif de l'oeuvre de Carrère, mais j'ai adoré et je retournerai lire cet écrivain au style fluide, limpide et fort plaisant.
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L'adversaire est un livre qu'il m'est difficile d'évaluer. Il faut bien dire que l'histoire, ou pour être plus précis, que le fait d'hiver est fascinant. Il a d'ailleurs sans doute été adapté au cinéma par Nicole Garcia parce qu'il exerce réellement une fascination morbide pour les lecteurs / spectateurs.

Jean Claude Romand a bâti toute sa vie sur un mensonge. Apparemment un simple mensonge d'étudiant en médecine mais qui n'a fait que l'enfoncer chaque jour dans une double vie fictive, devenant de plus en plus impossible à tenir, le conduisant à assassiner sa famille entière, sa femme, ses enfants, ses parents.

Deux choses frappent particulièrement l'auteur et le lecteur dans cette histoire.

C'est d'abord l'impossibilité de comprendre comment ce mensonge a pu tenir aussi longtemps. Comment des personnes vivant sous le même toit et se voyant chaque jour, comment des amis ont pu à ce point être trompés par un homme qui leur affirmait travailler à l'OMS, être un chercheur réputé et ayant des responsabilités extrêmement importantes alors qu'il ne faisait rien de ses journées et qu'il ne gagnait même pas sa vie ? L'aveuglement ne touche pas ici une seule personne qui serait liée intimement à Romand mais l'ensemble de son entourage proche et moins proche. Est-ce parce que le personnage est trop insignifiant pour qu'on se préoccupe vraiment de lui et qu'on ne cherche finalement jamais à creuser ? Est-ce un trait humain que de croire ce que nous dit l'autre dès les premiers échanges. D'être ensuite incapable de sortir de ce schéma qui se serait imprimé de manière tout à fait indélébile dans notre esprit ?

C'est ensuite l'impossibilité de comprendre la compassion des gens vis-à-vis de Jean Claude Romand. Bien que ses actes aient été monstrueux, bien que les gens qui le fréquentent les connaissent, personne n'arrive véritablement à le rejeter. Pire certains lui pardonnent, certains souffrent pour lui. La fin du livre est particulièrement édifiante lorsqu'on apprend que l'ancienne maitresse d'école de son fils assassiné noue une liaison amoureuse avec lui…

Ces deux thèmes, l'aveuglement et le pardon, sont omniprésents mais ils restent sans réponse. Ils obsèdent l'auteur mais le problème est qu'il les invoque trop froidement, avec une distance presque juridico-administrative. Comme souvent Emmanuel Carrère s'inscrit dans le récit et parle de lui à travers son sujet. Si j'avais été plutôt enthousiaste à la lecture de Un Roman Russe et D'autres vies que la mienne, je trouve ici qu'il y a une certaine dissonance. Peut-être est-ce dû au fait que dans les deux autres livres précités, l'auteur aimait réellement ses personnages. Peut-être qu'il faut aimer ses personnages pour écrire un bon livre.

21 août 2012
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Avec l'Adversaire, Emmanuel Carrère s'attaque (une fois de plus et avec brio) à un sujet difficile. Il s'agit d'un fait divers exceptionnel, l'affaire Romand, qu'il se propose de décrypter en évitant l'écueil du sensationnalisme, en restant le plus neutre et le plus objectif possible, donc sans parti pris. Mais comment ne pas prendre parti lorsque les faits racontés culminent dans l'inimaginable, l'horreur et le cynisme ? Comment ne pas faire passer l'assassin pour une victime tragique de son propre mensonge, lorsqu'il cherche des explications à l'inexplicable ? Au procès de Romand, le malaise survient lorsque l'auteur se rend compte qu'aux yeux des vraies victimes, il s'est lui-même placé dans le camp des coupables en se lançant dans la rédaction de ce livre. Car en voulant ne pas juger, ne pas jouer au chroniqueur judiciaire ni au journaliste avide de sensations, en voulant rester extérieur à l'histoire, ne serait-ce que pour préserver son confort mental, et en acceptant l'échange épistolaire avec le meurtrier dans le cadre de son enquête, Emmanuel Carrère accepte les faits dans leur brutalité, semble ménager et presque excuser l'assassin en cherchant à le comprendre, et ne compatit pas à la douleur des victimes. Fort heureusement, l'efficacité et la sincérité de l'écriture lui permettent finalement d'échapper (mais de justesse) à tous ces pièges.
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Dans L'Adversaire, l'écrivain Emmanuel Carrère est allé à la rencontre de Jean-Claude Romand, un escroc et assassin de sa femme, de ses deux jeunes enfants et de ses parents, après s'être fait passer pendant dix-huit ans pour un médecin chercheur renommé alors qu'il avait échoué sa deuxième année de médecine. Dix-huit ans ! Comment peut-on duper ses proches, amis et tout le monde pendant dix-huit ans ! Comment passe-t-on de lâche, menteur, à escroc puis assassin ? Tout au long du bouquin, l'écrivain marche sur le fil du rasoir, car sa démarche est contestable, et il se questionne. Pourquoi donner de l'attention et de la notoriété à Romand ?
Autant la quête de l'écrivain est compréhensible, car notre esprit veut comprendre comment le mensonge d'un homme a priori ordinaire, peut-il prendre de telles proportions ?, autant elle s'avère non-résolue, au final, on n'a pas les réponses, ou plutôt pas d'autres réponses que la lâcheté et la mythomanie du criminel, qui laissent un goût amer... ou un intense vertige... à vous de choisir. Par ailleurs, j'ai adoré la plume de Carrère qui est magnifique, précise, concise, légère, fluide, à explorer avec ses autres histoires donc.
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Certains patronymes semblent prédestinés, et Jean-Claude Romand a passé sa vie à jouer avec la vérité. Auprès des siens, il a incarné pendant 18 ans le rôle d'un père de famille modèle, médecin à l'OMS, avant de les tuer. Après vingt-six ans passés en prison, on lui a accordé la liberté conditionnelle jeudi dernier, l'occasion de revenir sur sa vie grâce au très beau livre d'Emmanuel Carrère, publié en 2000.

Comment peut-on mentir pendant 18 ans, mener une double voire triple vie sans jamais éveiller les soupçons de ses proches ? Comment arrive-ton à composer ainsi avec la réalité, être entraîné dans une telle spirale ? C'est ce que l'auteur a cherché à expliquer, sans le juger ni le défendre. Simplement essayer de comprendre.

Tous les matins, il emmenait ses enfants à l'école et partait travailler à Genève. Parfois, il s'en allait pour de longs voyages à travers le monde. C'était un homme important, respecté. En réalité, il passait ses journées à lire des magazines dans sa voiture ou à gâter sa maîtresse.

Fils unique, peu d'amis, une mère dépressive, il a été imprégné des non-dits familiaux et de l'art de la dissimulation. Très tôt, il a arrangé la réalité à sa manière.

Il s'inscrit en fac de médecine pour rejoindre Florence dont il est très épris, elle un peu moins, elle préfère qu'ils restent amis. Un matin d'examens, de tristesse sans doute, il rate son réveil et par conséquent sa deuxième année. Il fait croire à sa fragile maman et Florence qu'il l'a obtenue. L'engrenage infernal naît de ce premier mensonge, auquel il en ajoute un deuxième, il est très malade dit-il à Florence, il a un lymphome, il a besoin d'elle. Elle est alors en pharma, ils se retrouvent et se marient quelques années plus tard, ils font deux enfants, Caroline et Antoine. (Tous les personnages cités dans ce paragraphe seront assassinés.)

Pour ses études, il profite d'une faille dans le système administratif de la fac : chaque année, il se réinscrit en deuxième année de médecine pour obtenir sa carte d'étudiant et partager les cours des 3ème, 4ème, 5ème années.. puis des internes. Il est à l'entrée et à la sortie des examens, jamais présent dans la salle, et personne ne remarque rien. Très vite, il prétend ne pas aimer la proximité des patients, et comme il a toujours été très brillant, il obtient un haut poste à Genève à l'OMS. Personne ne verra jamais son bureau, son épouse dira en souriant qu'il « cloisonne » sa vie professionnelle.

Mais comment a-t-il fait financièrement pour subvenir au train de vie élevé que lui imposait son statut ? C'est là où le bât blesse, c'est ce que Jean-Claude Romand n'a jamais assumé lui-même. Au fond de lui il eût préféré être un grand trafiquant d'armes quand il n'était en fait qu'un « petit escroc », plaçant l'argent de ses connaissances dans des banques en Suisse pour les faire fructifier alors qu'il les dilapidait. Il bénéficiait de la confiance de ses parents, de ses beaux-parents, et tous lui donnaient des sommes vertigineuses, comptant les récupérer un jour. Etrangement, lorsque son beau-père lui a demandé une partie de son argent, celui-ci est tombé dans l'escalier puis est décédé dans la foulée. Des zones d'ombre subsistent dans l'enquête, Jean-Claude Romand nie l'avoir tué, « Si je l'avais tué, je le dirais, on n'en est plus à un près. » … Mais quand même, voici un décès bien tombé pour ses finances !

Quand il a senti que l'engrenage se refermait sur lui, entre sa maîtresse, l'interdit bancaire, son faux métier, son faux cancer, les doutes de Florence, il a décidé non pas seulement de se suicider, mais de tuer tout le monde : en fait il ne supportait pas l'idée que les gens qu'il aimait connaissent un jour la vérité. Cette idée était absolument insoutenable pour son profil narcissique. Il a tout de même essayé de se tuer aussi en mettant le feu à sa maison, mais les pompiers l'ont sauvé des flammes… Au réveil, la prison l'attendait.

L'adversaire est un livre prenant, parfaitement construit, outre les passages difficiles sur les circonstances de l'assassinat de sa femme et de ses enfants, Emmanuel Carrère parvient à la perfection à nous glisser dans le quotidien du criminel. Les rapports psychiatriques démontrent qu'il croyait lui-même à ses mensonges, qu'il luttait en permanence entre lui-même et son « adversaire » intérieur. Il souffrait de «dépersonnalisation». Durant son procès auquel Emmanuel Carrère a assisté, il oscillait de l'impassibilité à la culpabilité extrême.

Aujourd'hui, maintenant qu'il est dehors, comment Jean-Claude Romand va-t-il gérer la réalité, lui qui à 18 ans déjà, à l'épreuve de philo du bac, avait disserté sur ce sujet : « La vérité existe-t-elle ? »
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