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sur 3245 notes
J'ai lu il y a quelque temps L'invention de nos vies, un roman où Karine Tuil analyse avec justesse l'engrenage du mensonge, démontrant comment une première tromperie peut entraîner le menteur dans une logique qui lui fait commettre des actes de plus en plus graves pour ne pas être découvert.

Bien sûr et heureusement, tous les grands menteurs ne deviennent pas des assassins comme Jean-Claude Romand, un homme intelligent qui a abattu toute sa famille pour masquer une vie d'imposture partie d'un examen de médecine qu'il n'a pas passé. Un jusqu'au-boutisme dépassant l'entendement que seule la folie peut expliquer, mais l'explication n'est pas satisfaisante.

Emmanuel Carrère se garde d'avancer une théorie quelconque sur le comportement de l'assassin. le récit est factuel et nous laisse toute la latitude d'interprétation pour essayer de comprendre comment une vie peut basculer à partir d'un détail de son histoire. Qu'un homme apparemment ordinaire puisse accomplir des actes épouvantables, uniquement parce qu'il se sent acculé, nous inquiète et rend cette histoire et ce roman fascinants.
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L'écriture d'un livre sur un fait divers aussi sordide que le quintuple meurtre de Jean-Claude Romand est loin d'être une mince affaire, même pour un écrivain aussi expérimenté qu'Emmanuel Carrère. L'auteur est sans cesse obligé de prendre des pincettes pour s'aventurer dans le monde morbide de Romand. Nous suivons les longs dilemmes moraux qui ont précédé les premiers contacts de l'écrivain avec le « Monstre ». de nombreuses questions émergent et auxquelles l'auteur va tenter de répondre avec un succès plus ou moins mitigé : où débute la folie d'un homme ? Comment se construit-elle ? Et où se dissimule « l'Adversaire », cette essence du Mal et du Mensonge qui se calfeutre au fond de chacun : de vous, de moi ou de ce voisin à l'apparence si banal et au visage si doux ?

Le matin du 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand, médecin renommé à l'OMS et père de famille dévoué, assassine son épouse et leurs deux jeunes enfants avant de se rendre chez ses propres parents de les abattre par balle. Voisins et amis sont bien entendu horrifiés en apprenant les faits, mais ils ne sont pas au bout de leur stupeur. L'enquête de la police ne va pas tarder à révéler les nombreux mensonges du quadragénaire : il n'a jamais eu son diplôme de médecine, n'a jamais exercé de métier à l'OMS n'a jamais eu le cancer qu'il prétendait avoir contracté, a passé la majorité de sa vie à escroquer ses proches pour soutenir son train de vie familial. Et quand le flux de mensonges allait être révélé, est arrivé l'inéluctable, l'épouvantable et irréversible dénouement.

L'Adversaire » est un ouvrage particulièrement intéressant et reflète un excellent travail journalistique. Malgré tous ses efforts et quelques pistes de réflexion prometteuses, l'auteur semble avoir du mal à dépasser la surface des faits et à décortiquer en profondeur les motivations du meurtrier.
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Emmanuel Carrère a l'habitude d'être toujours présent dans ses récits pour mieux justifier le choix de son sujet. Il ne se met guère en scène, ici, et pour cause: nul besoin d'expliquer d'où on écrit et pourquoi on écrit: il suffit d'être humain pour se sentir concerné par cette histoire stupéfiante et s'interroger.
Première question: comment J.-C. Romand est-il devenu ce menteur hors-catégorie? Généralement, on ment, au début, pour se simplifier la vie. Mais ce n'est pas pour cacher un échec honteux que Romand a plongé dans la clandestinité. Il ne s'est pas présenté à son épreuve, ni en juin, ni en septembre, alors même qu'il était parfaitement capable de valider son année. Qu'est-ce qui lui a paru si difficile dans cette carrière banale de médecin banal, au point de commencer à imaginer des subterfuges inouïs pour ne plus se retrouver dans la situation d'obtenir son examen? Carrère propose sans conviction quelques pistes: détestation des corps souffrants, peur de devenir un transfuge de classe, petits accomodements familiaux avec la vérité toujours vénérée, parfois écornée... Rien de consistant, donc, rien qui ferait que l'on s'écrierait: "Mais bon sang, c'est bien sûr!"
Autre question, beaucoup moins mystérieuse, me semble-t-il: comment a-t-il pu tromper ses proches si longtemps? Mais toute société repose sur la confiance, qui justifie qu'on passe quand le feu est vert en présumant que les autres automobilistes s'arrêteront au rouge. Quand tous les signaux de la normalité sont là, pourquoi s'inquiéter? Dans cet aimable et paisible entre-soi, des millions ont été confiés à Romand sans que quiconque s'avise qu'il pourrait être grugé.
Au-delà de la performance d'acteur, le trou noir auquel l'esprit se dérobe, c'est bien sûr les meurtres successifs et prémédités de toute la famille. Comment un homme, dont rien ne permet de douter qu'il était gentil et aimant, a-t-il pu tuer tous ceux qui lui étaient chers et qui l'aimaient? Notre conscience vacille, et nous voici à chercher des arrangements raisonnables qui expliqueraient l'impensable. Il aurait voulu protéger sa famille d'une souffrance qu'il ne pouvait plus leur éviter. Il aurait désormais recouvré sa dignité d'homme en renonçant aux faux-semblants. Il n'aurait évidemment pas poussé son beau-père dans l'escalier (puisqu'il le dit!). Et surtout: « Dire qu'il aura fallu tous ces mensonges, ces hasards et ce terrible drame pour qu'il puisse aujourd'hui faire tout le bien qu'il fait autour de lui… C'est une chose que j'ai toujours crue, voyez-vous, et que je vois à l'oeuvre dans la vie de Jean-Claude : tout tourne bien et finit par trouver son sens pour celui qui aime Dieu. »
À ces paroles d'un visiteur de prison, Carrère oppose la véhémence d'une journaliste, Martine Servandoni: "La seule chose positive qui, de ce point de vue-là, pou(v)ait lui arriver, c'était de prendre vraiment conscience de ce qu'il avait fait et, au lieu de pleurnicher, de plonger vraiment dans la dépression sévère qu'il s'était toute sa vie débrouillé pour éviter. À ce prix seulement il y avait une chance qu'il puisse un jour accéder à quelque chose qui ne soit pas un mensonge, une fuite de plus hors de la réalité. Et la pire chose, en sens inverse, qui pouvait lui arriver, c'était que des grenouilles de bénitier lui apportent sur un plateau un nouveau rôle à tenir, celui du grand pécheur qui expie en récitant des chapelets. « Il doit être ravi, non, que tu fasses un livre sur lui ? C'est de ça qu'il a rêvé toute sa vie. Au fond il a bien fait de tuer sa famille, tous ses voeux sont exaucés. On parle de lui, il passe à la télé, on va écrire sa biographie et pour son dossier de canonisation, c'est en bonne voie. C'est ce qu'on appelle sortir par le haut. Parcours sans faute. Je dis: bravo. »
Je pense que Carrère a eu raison d'écrire ce livre, mais qu'il n'est pas allé au bout de son projet. Finalement, ce n'est pas Romand qui importe, énième avatar de la banalité du mal, type piteux et falot qui n'aura eu d'envergure que par son mensonge. L'essentiel est plutôt dans le mythe que nous construisons à partir de ses meurtres: assassin sanguinaire pour qui il faudrait rétablir la peine de mort ou pécheur rédimé en voie de béatification, Romand est, dans l'anathème comme dans l'élection divine, pareillement exclu de la société des hommes - pour ne jamais nous contraindre à plonger dans les abysses de notre âme et à affronter l'adversaire qui est en nous.
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L'adversaire est le récit d'une enquête fascinante à propos d'un homme emmuré dans son mensonge et qui, pour s'en libérer, tue sa femme, ses deux enfants et ses parents.
Comment en est-il arrivé là ? Avec une jolie plume, délicate et sensible, Emmanuel Carrère, remonte l'enchevêtrement de la toile arachnoïde du mensonge et sonde les tréfonds torturés de l'assassin « victime » lui aussi de la tragédie qu'il a commise.
Un livre qui se lit agréablement et suscite la réflexion sur ce qui fait que des crimes monstrueux soient commis non par un monstre mais par un homme au bord du précipice psychique.
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Est-on marqué par son nom ? Est-on prédestiné à vivre sa vie comme un roman quand on s'appelle Romand ?

Il a trompé et escroqué son entourage avec impunité jusqu'au dénouement tragique.
D'entrée, on connaît les faits qu'il n'a niés que pendant les sept premières heures d'interrogatoire ; quant au mobile, comme on dit dans les enquêtes policières, c'est à cette tentative de déchiffrement que se livre Emmanuel Carrère .

Il montre que ce mystificateur menteur était un un mythomane paroxystique qui refusait le réel, trop dangereux ou trop décevant, se réfugiant dans une fiction.
Pendant dix-huit ans, il a joué la fable de sa vie et même escroqué sa maîtresse, qui était psychologue, mais ne dit-on pas que les cordonniers sont les plus mal chaussés ! et les psychologues les moins perspicaces quand ils sont impliqués ?
Probablement névrosé narcissique, il éprouvait le besoin de se hisser au premier plan, n'accordant aucun intérêt aux jugements des autres et pourtant soucieux de savoir ce que l'on pensait de lui.

Libéré à l'heure actuelle, Jean-Claude Romand garde l'énigme de la motivation de l'assassinat de cinq membres de sa famille.
Nul doute que s'il devait écrire “sa vérité”(aidé par Emmanuel Carrère, pourquoi pas !), il en ferait un best-seller, mais le peut-il vraiment ?

Aux marges du roman et de la biographie, l'auteur sait feuilletonner son récit et faire une narration captivante de ces crimes inexpliqués, inexplicables.
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Inspiré par l'histoire vraie de Jean-Claude Romand, un homme français ayant assassiné sa femme et ses enfants en 1993, ce roman fascinant m'a accrochée pendant quelques heures.

Le livre commence en présentant Jean-Claude Romand comme un homme ordinaire, ayant fait des études de médecine, vivant une vie tranquille avec sa famille et travaillant au Conseil de L'OMS. Cependant, le lecteur commence à découvrir peu à peu que Jean-Claude mène une double vie et que son existence n'est pas aussi parfaite qu'il veut le faire croire. Au fur et à mesure que le livre avance, les mensonges se multiplient, l'intrigue se complexifiant jusqu'à l'arrivée de la découverte terrifiante que Jean-Claude peut être le responsable de la mort de sa famille.

L'auteur décrit les incroyables choix qui ont mené le faux médecin à un acte effroyable. Ce récit fournit au lecteur un aperçu fascinant des conséquences des choix que font les gens et met en relief leur côté sombre.

Si vous ne l'avez pas lu, n'hésitez pas ! On a beau connaître l'histoire, l'écriture d'Emmanuel Carrère invite à la lecture.
Lien : https://promenadesculturelle..
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Il est délicat de poser une critique sur une oeuvre qui n'est pas une fiction, d'autant plus si c'est un fait réel qui est relaté, puisque ça revient à ‘'juger'' de la situation, contrairement à un ouvrage de psycho, manuel, guide de vie, croissance personnelle où l'on peut être d'accord ou pas avec ‘'l'enseignement'' ou préceptes de vie. Alors, en spécifiant que je n'adhère aucunement ou cautionne en aucun moment les faits et gestes commis par Jean-Claude Romand, je dois avouer que j'ai trouvé cet ouvrage fascinant. J'ai toujours eu un faible pour la psychologie et surtout par le fait d'essayer de comprendre ce qui se passe dans la psyché de quelqu'un qui décide, volontairement, de commettre l'irréparable, même si ça reste incompréhensible. Carrère nous livre un bouquin riche en informations de toutes sortes, l'enfance de Romand, son adolescence, ses déboires amoureux, ses échecs sexuels… et puis, cette vie qu'il s'invente, s'embourbant de plus en plus dans le mensonge, arrivée depuis bien trop longtemps au point de non-retour. Il a recueilli les paroles d'amis proches de Romand, sa maîtresse, son avocat et jusqu'à cette femme qui lui rendait visite en prison. Il a également correspondu longtemps avec l'accusé et assisté au procès. C'est un beau et grand travail de documentation. Bien que Carrère se permette quelques réflexions personnelles et quelques moments de sa vie, il sait rester juste et objectif devant les faits reprochés, n'allant jamais du côté pathos et du sensationnalisme. Mais on sent bien combien il a parfois été difficile de ne pas sombrer dans le jugement face à l'horreur sur laquelle il a travaillé pendant de longues années. Je respecte largement le travail de recherche et d'écriture qu'il a fait. Je recommande cette lecture largement et pour ma part, je relierai très certainement du Carrère (c'était mon premier)…
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Comme beaucoup de ses contemporains, Emmanuel Carrère a été interpellé par un fait divers tragique de 1993 en France. Jean-Claude Romand a tué sa femme et ses deux jeunes enfants, puis ses vieux parents avant de mettre le feu à sa maison et d'essayer de se suicider. L'enquête révèlera rapidement qu'il se faisait passer pour médecin et chercheur à l'OMS à Genève, alors qu'il n'avait jamais terminé ses études de médecine et qu'il vivait en escroquant ses proches.

Emmanuel Carrère ne peut entrer en contact avec Romand avant la fin de l'instruction. Il se fait nommer chroniqueur judiciaire par Le Nouvel Observateur pour pouvoir assister au procès. Carrère se pose beaucoup de questions et doute du bien fondé de vouloir écrire sur un assassin, alors que les familles et les amis des victimes ne peuvent obtenir des réponses à leurs légitimes interrogations.

Après le procès, Emmanuel Carrère continuera une correspondance avec Jean-Claude Romand, se rendra sur les lieux de son enfance et sa jeunesse. Il rencontrera les visiteurs de prison qui, comme lui, cherchent l'homme derrière l'assassin.


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Emmanuel Carrère revient ici sur la vie de Jean-Claude Romand, cet homme qui prétendait être médecin et travailler à l'OMS, et qui a tué femme, enfants et parents, un week-end de janvier 1993. Ce drame, à l'époque, m'avait profondément touchée et interpellée. Très vite, des dizaines de questions surgissaient : comment peut-on tuer ses enfants, ses parents ? comment en arriver à cet acte ultime ? comment réussir à jouer double-jeu aussi longtemps ? comment l'entourage, voisins, amis, famille, a-t-il été à ce point trompé, aveuglé, berné ? Toutes ces questions donnent le tournis …

Dans ce monde où chacun fait semblant, quoi de plus tentant de prétendre être celui qu'il n'est pas … Partout il faut tricher, je crois, pour séduire la personne désirée, pour décrocher le job tant convoité, pour convaincre un client potentiel d'acheter, pour se faire des amis. Partout on se présente sous son meilleur jour, moyennant quelques petits arrangements avec la vérité, n'est-ce pas ? Et malheur à celui ou celle qui ne joue pas le jeu … Comme sa vie parait triste, pauvre, peu enviable, comme sa compagnie est pénible …

Dans ce monde où tout le monde fait confiance aux apparences, parfois de façon aveugle. Cela me rappelle un épisode de ma vie : je sortais d'un salon pour l'emploi et je croise un ami, oenologue, à l'entrée du salon professionnel des Grands Vins de Bordeaux qui se tenait dans un bâtiment tout proche. L'ami m'invite à le suivre, je refuse, lui avouant que je n'y connais rien en vin. Il insiste et finalement je me laisse convaincre. Je me suis retrouvée entourée de « spécialistes », oenologues, sommeliers, journalistes, conseillers, formateurs, restaurateurs, acheteurs, bref de toute une foule très sûre d'elle, … et personne ne m'a demandé ce que je pensais des vins qu'on goûtait (ouf …), ni où j'avais étudié l'oenologie, où je travaillais … Non tout était dans l'apparence. Il suffisait d'être bien habillé, soigné et de sourire. Il suffisait de paraître. C'est dingue quand même …

Certes la confiance est la base de toute relation sociale, car qu'en est-il de l'amitié, de l'amour, du commerce si on ne peut plus avoir confiance ? Qu'en est-il même de notre humanité ? Et je me mets à la place des amis de Romand, comment ne pas se sentir trahi ? comment encore construire une amitié après ça ? comment ne pas devenir parano ?

L'écriture d'Emmanuel Carrère est journalistique, et c'est exactement l'approche appropriée, le ton juste selon moi. L'auteur relate les faits sans emphase, sans émotion, sans jugement. Libre à nous de nous faire notre propre opinion sur l'affaire, sur la personnalité de Romand. L'auteur lui ne donnera pas la sienne. de temps à autre, il met en parallèle sa vie d'auteur, de père de famille, avec celle de Romand, et cela donne le vertige, bien sûr. Carrère évoque aussi, en bon chrétien qu'il est, de pardon, de rédemption, de repentir, mais jamais il ne cherche des explications. D'ailleurs jusqu'au bout Romand reste une énigme … et c'est tant mieux, je pense.
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220 pages en tout : lues en une soirée et début de nuit tant l'histoire est super bien menée et l'écriture aussi limpide que les faits exposés. Il y a fort longtemps qu'un livre ne m'avait tenu en haleine à ce point ! Sans compter, l'anecdote de "l'emprunteur de chaudron" que j'ai adoré et mis en citation ;_)
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