Ce livre était le plus vieux de ma PAL : je l'ai acheté en 2013, et j'ai passé les cinq dernières années à en repousser la lecture. le prétexte ? C'est un livre jeunesse, et je n'ai plus l'âge de lire de l'ado.
Je suis contente d'avoir surmonté mes préjugés. Parce qu'Élisa (Lucero-Élisa, de son nom complet) est une héroïne pas comme les autres : elle est grosse, maladroite, mal dans sa peau, jalouse de toutes les filles minces qu'elle rencontre (sa soeur, notamment) et déconsidérée.
Mais Élisa déchire sa race. Elle est intelligente, tenace, surmonte ses peurs et se remet en question. Je l'ai adorée.
Dire que j'ai mis cinq ans à la découvrir…
Elle est d'autant plus admirable que pendant les 150 premières pages, elle n'est pas maîtresse de son destin et éprouve un profond mal-être qui s'exprime au-travers de l'hyperphagie. Pour tout vous dire, au début de l'histoire, elle me ressemblait beaucoup quand j'avais son âge. J'étais moi aussi mal dans ma peau, et je comblais un manque affectif par la nourriture. J'ai donc éprouvé beaucoup d'empathie pour elle.
Mais l'évolution qui est la sienne est drastique – preuve de sa volonté de fer.
Car le roman commence avec son mariage avec le roi de Joya d'Arena. Un événement doux-amer, puis qu'Elisa est contrainte de quitter son pays natal et sa famille pour arriver dans une cour où personne ne fait attention à elle – son statut étant tenu secret, aucun noble ne lui accorde le respect dû à son rang. Son mari lui-même l'ignore gentiment. Elle se sent pourtant attirée par lui, puisqu'Alejandro est beau et doux. Mais pas sans défauts – elle en fera l'amère expérience.
En fait, il faut attendre qu'Élisa soit enlevée pour la voir prendre du poil de la bête – au sens figuré. C'est dans l'épreuve qu'elle va se forger, prendre conscience de l'état du royaume, de ses enjeux et des intérêts de la population. Un voyage initiatique au coeur du désert qui lui permettra d'en apprendre plus sur elle et sur la nature humaine.
J'ai aimé la plupart des personnages pour la simple et bonne raison que la première impression est rarement la bonne. L'avis se nuance très vite : Alejandro, Cosmé et Belén (pour ne citer qu'eux) sont beaucoup plus complexes que prévu et nous réservent des surprises. C'est exactement ce que je recherche dans les romans young adult et je suis donc extrêmement satisfaite de ce côté-là.
L'univers, quant à lui, est intriguant. L'ambiance fait beaucoup penser au Moyen-Orient, mais cela ne se passe pas dans notre monde – en tout cas, pas à notre époque. Élisa apprend qu'il y avait une mer centrale à la place de Brisadulce, mais qu'elle s'est asséchée. Est-ce la Méditerranée ? D'autre part, on nous explique que le Destin a déplacé les hommes pour leur salut, a même enfermé la magie du monde sous terre pour qu'ils n'y touchent plus. Et si cette même magie était une technologie tellement poussée qu'elle a fini par nous consumer ? Peut-être que La Fille de braises et de ronces est une trilogie post-apo, tout compte fait.
Le peuple d'Élisa est visiblement d'origine arabe : ils sont décrits comme étant bruns de peau et noirs de chevelure. Les Inviernos (ennemis de l'héroïne) sont de type caucasien : la première fois qu'elle en rencontre, Élisa est surprise par la pâleur de leur peau, les teintes bariolées de leurs cheveux et leur beauté surnaturelle. Ils sont grands, hautains et terriblement puissants. Certains d'entre eux, les animagi, ont même accès à une magie destructrice : on dit qu'ils peuvent réduire un homme en cendres en croisant son regard…
On en sait assez peu sur les cultures et l'histoire des trois pays – Orovalle, Joya d'Arena et Inverna.
Rae Carson a fait le choix de beaucoup insister sur la religion et de passer le reste sous silence. Ce n'est pas un dieu que prient les hommes, mais le Destin lui-même. Au cours de la lecture, on assiste à plusieurs rites religieux et j'ai trouvé ça assez intéressant. Mais très peu d'informations concernant la géographie. Dommage qu'on n'ait pas de carte.
Le principal reproche que je pourrais faire à l'histoire, c'est qu'elle va trop vite.
le prompt attachement d'Élisa pour Alejandro peut se comprendre (elle a seize ans, n'a jamais connu les tourments de l'amour, il est beau, doux et leur relation est très sexuellement connotée – mariage oblige), mais sa relation avec Humberto était un poil expédiée. Cette impression s'est faite plus forte à la fin, quand ils parlent de rompre son mariage après avoir échangé deux baisers. Mais plus triste : j'ai ressenti très peu de détresse et de douleur quand il meurt dans ses bras. On dirait qu'elle passe à autre chose très vite. On pourrait l'excuser : c'est le choc, le traumatisme. Mais quelques jours plus tard, la voilà en train de fricoter avec son mari nouvellement retrouvé. Elle a pourtant découvert qu'il était un homme faible à qui le trône ne sied guère puisqu'il néglige une bonne partie de sa population. Mais Élisa le dit elle-même : elle veut l'embrasser, elle aime sentir qu'il la désirer. C'est humain, je suis d'accord. Ce n'est pas tant Alejandro qu'elle apprécie mais la puissance qu'elle a sur lui.
En fait, Élisa, je la trouve trop sexuée. C'est comme s'il lui fallait absolument une histoire d'amour pour continuer l'aventure. C'est comme s'il fallait absolument qu'un homme s'intéresse à elle pour qu'elle puisse remplir son rôle de personnage principal. Alors que c'est faux ! Élisa est une des héroïnes jeunesse les plus intéressantes que j'ai lue ces dernières années.
Ça m'agace : j'ai l'impression que c'est surtout aux filles qu'on réserve ce traitement. On le voit dans tous les types d'oeuvres de fiction – surtout au cinéma. Une fille – une femme – DOIT rencontrer l'amour. Quand j'y réfléchis, je connais très peu de personnages féminins importants qui n'ont pas de relations amoureuses dans les fiction.
Pourquoi ?
C'est un peu triste de se contenter de vivre au travers du regard des hommes…
Mais je digresse ! Ce roman fut une très bonne découverte. Certains rebondissements m'ont totalement prise de court malgré une histoire très classique – l'Élue portant un objet précieux et puissant, chargée de lutter contre un empire tout aussi puissant et dangereux, ça ne vous rappelle pas
Tolkien ?